Actualité
Appels à contributions
La médiatisation de l'écrit

La médiatisation de l'écrit

Publié le par Sarah Lacoste (Source : Anne Réach-Ngô)

COLLOQUE INTERNATIONAL ETINTERDISCIPLINAIRE organisé par ILLE

(Institut de recherche en Langues et LittératuresEuropéennes, Université de Haute-Alsace, Mulhouse)

La médiatisation de l'écrit,

de la naissance de l'imprimé à l'èreélectronique

21-23 octobre 2010

Si l'histoire del'édition s'est intéressée depuis plusieurs années déjà à la « troisième révolutiondu livre », c'est-à-dire au passage de l'objet-livre de la forme du codex à celle de l'« écritd'écran », les enjeux communicationnels des dernières mutations de l'écritn'ont pas encore été véritablement explorés en termes linguistiques suivant unelarge amplitude diachronique. Ce colloque se propose donc d'examiner lesimplications discursives de la médiatisation de l'écrit, en analysant commentles mutations du support textuel, de la naissance de l'imprimé à l'èreélectronique, en passant notamment par le développement de la presse, peuventconditionner la nature destypes de discours produits, les pratiques d'écriture engagées et les modalités de communication misesen jeu. Enétudiant conjointement l'évolution des types de texte et des supports qui enont été les véhicules, on voudrait examiner commentla relation que le discours entretient à son support résulte des mutationssocio-culturelles du statut de l'écrit et traduit en somme les conceptions etles attentes qu'une société se fait de la notion même de « texte ».

Envisagé comme unhorizon initial ou comme un point d'aboutissement accidentel, voire provisoire,l'acte de publication – qu'il soit imprimé ou électronique – pose la questionde l'adaptation du discours à sa destinée écrite. On reconnaîtra en effet que lamédiatisation écrite, loin de ne constituer que la seule modalité possible detransmission des idées, s'est toutefois imposée dans l'imaginaire collectifcomme le medium susceptible deveiller le mieux possible à la conservation des documents écrits et à leurpatrimonialisation. Mais peut-on estimer pour autant que la médiatisationécrite, dans ses mutations les plus diverses, participe véritablement del'identité linguistique des textes ? Si l'on a considéré par exemple quele développement de l'imprimerie avait concouru pour beaucoup à l'élaborationet à la fixation des langues nationales européennes, peut-on considérer que lesnouveaux medias écrits des sièclessuivants, tels la presse ou l'Internet, ont encouragé un renouvellementsimilaire de la langue française ?

L'apparition dela reproduction mécanique des textes avec l'invention de Gutenberg constitueune étape importante de cette adaptation de l'écriture aux contraintes dusupport. Les spécialistes de l'histoire du livre ont déjà montré que lesconditions de production du texte imprimé - la multiplication d'exemplairesidentiques destinés à un public devenu anonyme, la circulation des livres ausein de réseaux commerciaux spécialisés suivant les types de textes et lesusages du livre des différentes sphères de public, la mise en place d'undispositif juridique contrôlant la production de l'écrit et exerçant un pouvoirde censure -, conditionnaient les politiques éditoriales engagées, la naturedes textes sélectionnés ainsi que les modalités de diffusion des livres publiés.De même, le développement de la presse et plus généralement le passage à lalibrairie de masse à l'époque industrielle ont éclairé l'étude de lapolitisation des écrits et de l'essor des diverses propagandes, quelque soitleur orientation idéologique. On voudrait donc prolonger l'étude de cesprocessus socio-culturels en examinant leur influence sur l'identité linguistiquedes textes produits. Dans quelle mesure le dispositif typographique du livreimprimé de la Renaissance a-t-ilconditionné une structuration discursive des textes d'idées comme des textesnarratifs et poétiques ? Comment les potentialités matérielles du dictionnaireimprimé des Lumières ont-elles participé à l'élaboration d'un styleencyclopédique ? Selon quelles modalités l'apparition du discoursjournalistique a-t-il pu transformer le style des auteurs qui lui étaientcontemporains ? Dans quelle mesure la publication en feuilletons a-t-ellepu privilégier une forme d'écriture de l'amplification et du suspense ? Tellespourraient être les problématiques que suscite une réflexion sur lamédiatisation de l'écrit à l'époque moderne et contemporaine.

En outre, en réduisantl'espace et le temps de la publication à l'immédiateté de la transmission numérique,l'apparition d'un nouveau support d'information et de communication, l'Internet,a créé une situation de communication oùl'échange du dire s'accomplit en temps réel. Les modalités déictiques, les jeuxde registre, la performativité du texte en ligne constituent alors le socle dela relation communicationnelle, dénonçant l'opposition factice que NelsonGoodman avait déjà mise à mal entre oralité et écriture. La distance quiséparait l'opération de la lecture de celle de l'écriture se trouvant égalementabolie, les anciens acteurs du livre, devenus des instances médiatiques, setrouvent soumis à une nouvelle répartition des fonctions, plus fluctuante,entreproducteurs de textes, aussi bien autorisés qu'anonymes, et consommateurs detextes, lecteurs érudits, expérimentés, mais aussi lecteurs occasionnels,susceptibles de devenir, à leur tour, auteurs, commentateurs et éditeurs detexte. La nature même du support de publication, l'écran, à la fois identiquepour tout texte et non-spécifique à la communication écrite - puisque le textecôtoie le plus souvent l'image et le son -, efface toute différenciation destextes selon les types et les genres de discours et amoindrit la hiérarchie desautorités qui président auxdifférents discours publiés. Enfin, l'hypertextualité,en favorisant la navigation des lecteurs au sein d'un espace ouvert et enperpétuelle reconfiguration, met un terme à la finitude définitoire du textepublié et renouvelle l'entreprise de monumentalisation que pouvait représenterl'acte de publication. Ces mutations contemporaines de l'écrit signalent-ellesdès lors l'existence d'une nouvelle languedes médias numériques ?

Les corpus d'étude choisis pourront porter sur des oeuvreslittéraires publiées sous forme de manuscrits, livres imprimés, feuilletonsdans les journaux, sur des textes issus de la presse écrite ainsi que sur descybertextes, tels que les journaux et correspondances électroniques, blogspersonnels, journalistes, politiques, etc. On privilégiera les analyses qui s'attacheront à comparer le passage d'un même objet textuel d'un support àl'autre (du texte manuscrit au livre imprimé, du journal version papier à saversion en ligne) en s'interrogeant également sur l'existence des influencesréciproques de l'imprimé au manuscrit, de la version électronique à la versionpapier, etc. Enconfrontant les pratiques d'écriture, les procédés de distribution et lesstratégies de lecture des textes, cecolloque voudrait donc réunir les réflexions de chercheurs spécialistes de linguistique,littérature, histoire des idées culturelles, histoire du livre et de l'édition,sciences de l'information et de la communication, qui s'intéressent au statutdu texte et aux modalités de sa communication, du XVe au XXIesiècle.

Les titres et résumés des communications,d'environ une demi-page, accompagnés des adresses institutionnelles, sont àenvoyer uniquement par voie électronique à Greta Komur-Thilloy et AnneRéach-Ngô : greta.komur@orange.fret anne.reach-ngo@uha.fr avant le 30juin 2010.