Questions de société
La marchandisation du savoir au quotidien: comment la novlangue manageriale remplace progressivement les normes scientifiques (Indiscipline! 29/01/10)

La marchandisation du savoir au quotidien: comment la novlangue manageriale remplace progressivement les normes scientifiques (Indiscipline! 29/01/10)

Publié le par Bérenger Boulay

Le 27 janvier dernier, SLU attirait l'attention, à l'occasion de la parution du rapport Aghion, sur la novlanguedu XXIe siècle et soulignait que des mots comme "réfléchir", "comprendre", "apprendre", "penser" ontcessé d'être entendus tandis qu'une mutation soudaine transforme lesuniversitaires en machines à faire tourner en boucle "l'excellence","l'innovation", "la performance", "les compétences", "le référentiel","l'autonomie" et "la gouvernance".

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La marchandisation du savoir auquotidien : comment la novlangue manageriale remplace progressivementles normes scientifiques 29 janvier 2010

"Aujourd'hui,j'ai reçu cette magnifique définition des différentes rubriques del'animation scientifique dans un mai envoyé par notre administration dela recherche à tous ses personnels :

« Rappelons qu'un colloque n'estpas une journée d'études ou un séminaire. Un colloque a une ampleurnationale ou internationale ; les journées d'études et les séminairessont des activités internes aux laboratoires qui les financent surleurs propres budgets.« 

On ne peut qu'être impressionné par lechangement de définition des termes « colloques, « journée d'étude » et« séminaire », dont la différence n'était pas, il y a peu, présentéeuniquement sous l'angle de l'amplitude géographique et du mode definancement. Traditionnellement, un colloque est un espace dediscussion scientifique régulé par des normes de sélection despropositions de communication, et qui suppose un comité scientifique etdes lectures en double aveugle des papiers. Une journée d'étude est, enrevanche, un espace de débat scientifique qui se passe de ces règles desélection : les intervenants sont sollicités pour faire avancer unthème scientifique en privilégiant la fluidité des échanges sur lesformalismes scientifiques. Enfin, un séminaire est destiné à laréflexion quotidienne, c'est le fonctionnement normal des laboratoiresqui souhaitent avoir, ce qui devrait être le cas de tous, une activitéd'animation de la recherche et de formation doctorale. Pas besoin dedéfinir tout cela par l'appel aux modes de financement ou à« l'ampleur » géographique :  un colloque peut n'avoir qu'une ampleurrégionale, et un séminaire peut faire intervenir des conférenciersétrangers. Les trois dispositifs sont tous aussi essentiels à la viescientifique et intellectuelle, quelle que soit leur ampleurgéographique et leur mode de financement. Le document accompagnant cemail module quelque peu le caractère abrupt de ces nouvellesdéfinitions des colloques, journées d'études et séminaires enintroduisant en premier point l'idée que le conseil chargé desélectionner les projets à financer tiendra compte de la « dimensionintellectuelle du projet ». Le deuxième point signalé comme importantest celui de la « dimension internationale ». Quoi qu'il en  soit, ledocument ne fait aucunement état des normes scientifiques de sélectionqui caractérisaient autrefois la différence entre un colloque et unejournée d'études ou un séminaire. Nous devrions mesurer ce que nousperdons – et continuerons de perdre – en acceptant de voir notre métierconformé quotidiennement par des cadres qui ne répondent plus à desexigences scientifiques et qui reposent sur des catégories qui n'ontpas été discutées collectivement."

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