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La lettre et ses usages dans le champ francophone belge (revue Textyles)

La lettre et ses usages dans le champ francophone belge (revue Textyles)

Publié le par Marc Escola (Source : J.-F. Plamondon)

La revue Textyles invite les chercheurs qui étudient l’épistolaire à proposer un article pour son numéro à paraître en 2015 sur le thème de la lettre et ses usages dans la littérature belge de langue française. Si le phénomène de la correspondance, de l’épistolaire ou l’écriture de la lettre a fait l’objet d’études ponctuelles, peu de travaux académiques se sont arrêtés au champ littéraire belge comme terrain d’investigation. Nous proposons de pallier cette lacune avec ce numéro que nous souhaitons aussi riche que diversifié.

 

À la fois monologue et dialogue, la lettre est une production littéraire hautement codifiée, problématique dans son mode d’élocution et de transmission. Par l’absence des protagonistes, elle est pensée comme un moyen d’établir des ponts entre des espaces éloignés et des temps aussi différents que différenciés. Contrairement à la conversation orale, qui suppose l’improvisation à l’intérieur d’un temps et d’un espace communs aux locuteurs, la lettre est toujours préméditée, son message est réfléchi par l’un et par l’autre correspondants, tous deux pris séparément dans leur temps et espace respectifs où s’actualise la communication. Elle est le support d’enjeux esthétiques et stratégiques utilisés afin de construire un discours du vrai et une représentation du moi qui s’énonce par les mots déposés sur la feuille fine pour la lettre intime, et sur papier épais pour la lettre administrative. Certes, les avancées technologiques et l’arrivée du courriel modifient la manière de livrer le message des absents, mais cela n’empêche aucunement la lettre d’apparaître encore dans la littérature et le cinéma, comme si elle détenait un pouvoir énigmatique que seul son support pouvait livrer. Si sa représentation dans la production symbolique a certainement changé, il n’en demeure pas moins qu’elle est l’incarnation de l’absence et la présence d’une conscience se livrant par-delà les dimensions connues. Comme le propose Frédérique Donovan, la lettre dans la fiction suppose une théâtralité qui lui est propre et l’on peut s’étonner qu’à l’ère postmoderne, elle participe encore à l’intrigue en la préparant, l’accompagnant ou en la résolvant ; d’autant plus que son usage réel tend à disparaître. Avec la décision du Canada de cesser de livrer le courrier à domicile, il est en effet possible d’imaginer qu’avant la moitié du présent siècle, la correspondance, telle qu’on la connaît aujourd’hui, disparaitra de nos us et coutumes. Faut-il donc penser qu’aux temps de la lettre observés par Béatrice Didier (temps de l’acheminement, de l’écriture, du correspondant, celui vécu par l’épistolier), il faille bientôt ajouter celui de l’époque de la lettre, comme si elle pénétrait déjà dans le royaume du temps passé ? Le sujet qui énonce et s’énonce dans la lettre organise-t-il une résistance ou voit-il dans le courriel un espace propice à l’expression de l’épistolier ?

Depuis longtemps, le journal et la lettre ont été comparés : de longues lettres fleuves oublient en effet parfois qu’elles s’adressent à autrui, alors qu’il n’est pas rare de retrouver des pages de journal qui interpellent un lecteur, comme si le diariste s’adressait à un correspondant. Ces deux modalités d’écriture intime sont aussi parfois le théâtre d’une interaction où la lettre vient se déposer dans le journal qui prend alors la fonction d’une glose sur la lettre précisant la nature de la relation et redéfinissant autant l’épistolier que son destinataire. Dans cette fonction glossique, le journal devient un épitexte de la lettre, un métadiscours du moi sur ego, de moi sur alter, de moi sur la relation épistolaire ; il est conscience qui se réfléchit. Le journal ouvre-t-il ses pages au courriel comme il le fait aux lettres ? Le courriel est-il seulement du même registre intime que la lettre,  ou assiste-t-on à la naissance d’un micro-genre littéraire ? Le monde en évolution diminue-t-il la volonté de correspondre par les lettres ?

Prière de faire parvenir une proposition d’article au plus tard le 1er février 2015 à l’adresse suivante : jean.plamondon@unibo.it. Les articles retenus à la suite du processus d’évaluation seront envoyés au plus tard le 1er mai 2015.