Questions de société

"La formation des maîtres dans la tourmente des réformes de Darcos" (Libération)

Publié le par Marc Escola

Dans Libération du 4 oct.

"La formation des maîtres prise dans le tourbillon des réformes de Darcos"

par VÉRONIQUE SOULÉ






En troisième année d'histoire à l'université de Cergy-Pontoise, dans le Val-d'Oise, Linda veut être professeure des écoles. Avant, elle se serait directement inscrite après la licence à l'IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres) pour préparer le concours. Aujourd'hui, «tout ce que je sais c'est que je devrai m'inscrire à un master.» Mais elle ignore totalement de quoi il sera fait.

A la hâte. Comme hier l'école primaire et demain le lycée, la réforme de la formation des enseignants se fait à la hussarde. En avril dernier, Nicolas Sarkozy annonce à la télévision qu'il va demander «la mastérisation des jeunes enseignants pour les payer davantage». En clair, il faudra désormais un master - c'est-à-dire un bac plus cinq, contre un bac plus trois actuellement - pour se présenter aux concours de recrutement, celui de professeur des écoles pour le primaire et le Capes ou l'agrégation pour pouvoir enseigner dans le secondaire.

Pour le Président, cela va permettre de revaloriser une profession qui en a bien besoin, sur le plan du prestige mais aussi du salaire - un prof débutant ne touche qu'1,3 fois le smic. L'annonce est plutôt bien accueillie : les syndicats réclament tous une revalorisation du métier.

Le problème est la mise en musique. Comme toutes les réformes voulues par Nicolas Sarkozy, la «mastérisation» ne peut attendre. Elle entrera donc en application dès la rentrée 2009, annonce le ministre de l'Education Xavier Darcos, et les concours nouvelle version en 2010…

A la hâte, les deux ministères concernés se répartissent la tâche. L'Education nationale, l'employeur, se charge de la réforme des concours. L'Enseignement supérieur mettra au point les nouveaux masters. Mais comme les universités sont appelées à devenir autonomes, ce sont elles qui vont s'y mettre. Et que deviennent dans tout cela les IUFM qui, la première année, préparaient les étudiants aux concours, puis la seconde année, leur donnaient une formation plus professionnelle ? Ils vont devoir coopérer avec les universités.

A terme, il est clair que les IUFM, bastion du «pédagogisme» honni par les «déclinistes» et la droite en général, sont désormais menacés de disparition.

Devant tant d'incertitudes, une quinzaine d'organisations - la FSU, Unsa Education, le Sgen-CFDT, les étudiants de l'Unef, des mouvements pédagogiques, etc. - organisent ce samedi des Etats généraux de la formation des enseignants. «Il s'agit de dresser un bilan des IUFM, explique Philippe Watrelot, formateur à l'IUFM de Paris et animateur des Cahiers pédagogiques, et de faire d es propositions alternatives à ce qui est formulé dans une salle du ministère.» Tous craignent de n'être consultés que pour la forme. Déjà, ils ont dû avaliser la disparition de l'année de stage payée - après le concours - durant lequel le jeune enseignant alternait périodes de formation en IUFM et de stage à l'école. Désormais les débutants seront directement affectés à des classes, sous la vague supervision d'un prof confirmé qui leur consacrera quelques heures par semaine.

Mainmise. Sur le fond, les syndicats sont divisés. Certains veulent des garanties sur la dimension professionnelle de la formation - avec des modules et des stages prévus dans le master et des épreuves au concours. D'autres, au contraire, réclament que le niveau disciplinaire soit privilégié. Beaucoup enfin dénoncent la mainmise des universités et le risque de concurrence entre elles. Le Snesup, premier syndicat du supérieur, qui a appelé à une grève administrative à partir de lundi, dénonce notamment la volonté des présidents d'université d'organiser des concours par académie.