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La fin en question dans la littérature anglophone

La fin en question dans la littérature anglophone

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Laboratoire OVALE)

 

La fin en question dans la littérature anglophone
20 juin 2015


Journée d’étude organisée par OVALE – rattaché au laboratoire VALE EA4085

Université Paris-Sorbonne
 

Moment de déliaison des nœuds de l’intrigue, la fin se fait communément locus de la conclusion, de la catharsis, voire de la moralité – elle est un signal narratif fort, qui délimite un paysage fictif, tout comme la borne fichée en terre (« finis », en latin) indique les confins d’un territoire. Or, nombreuses sont les fins qui s’aventurent à ne pas finir, ou du moins à ne pas nous libérer à si bon compte des mailles de l’écriture, interrogeant de ce fait les fonctionnements narratifs, philosophiques et cognitifs de l’achèvement.

Si ces premières remarques soulèvent inévitablement des questions d’ordre liminaire (car après tout, où commence réellement la fin d’une œuvre?), il s’agira cependant d’interroger la fin moins comme vecteur de résolution que de perturbation. Alors que certaines fins peuvent être jugées satisfaisantes, d’autres troublent, frustrent, déconcertent. Comment appréhender le sentiment d’inadéquation que nous éprouvons lorsque la fin et l’ensemble qu’elle devait clore entrent en dissonance ? Quelles sont les conséquences de cette inadéquation – tant du point de vue du principe de cohérence de l’œuvre que de la fluidité de la lecture – quand la fin choisit moins d’accomplir que de dédire le texte ? De quelle manière cette disjonction entre les attentes du lecteur et l’œuvre même (ce que Jauss a nommé l’écart esthétique[1]) redessine-t-elle sa réception? Quelle place accorde-t-on aux enjeux du happy-ending, du tear-jerker ou de la justice poétique au fil des époques et des pratiques herméneutiques?

Cette journée d’étude ambitionne ainsi de porter un regard neuf sur les sections finales d’œuvres littéraires et filmiques d’expression anglaise, toutes époques confondues, en théorisant ce que chutes, excipits, derniers vers et scènes finales peuvent porter en eux de trouble et de troublant.

On peut d’ores et déjà esquisser quelques pistes de réflexion :

- les fins dites traditionnelles, qui peuvent être comprises comme des concessions à la norme, des pirouettes didactiques ne révoquant pas véritablement les transgressions effectuées par le reste du texte (ex. la conclusion domestique de Jane Eyre). La fin ne deviendrait alors qu’une sorte de superfluité assumée comme telle – celle qu’Henry James désignait ironiquement de cérémonial de « distribution des prix » (“a distribution […] of prizes, pensions, husbands, wives, babies, millions, appended paragraphs, and cheerful remarks”)[2].

- les fins jugées insatisfaisantes car en demi-teinte, décevantes, sibyllines (on songe à l’accueil de la fin de la série Lost par exemple) ou encore trop abruptes telles les occurrences de deus ex machina, où les complications de l’intrigue sont brutalement résolues à l’aide d’un artifice audacieux (ex. l’arrivée de l’officier de marine dans Lord of the Flies).

- les fins qui dévient de la norme imposée par leur genre. On pense aux comédies ou tragédies qui contredisent leurs propres codes génériques, aux poèmes à forme fixe auxquels l’auteur ampute ou greffe un dernier vers ; autant de considérations qui peuvent également poser la question du rythme de l’œuvre et du rapport de la fin à la cadence narrative.

- les fins « rattrapées » ou réécrites telle la mort inattendue de Sherlock Holmes aux mains d’Arthur Conan Doyle (qui le ressuscite huit ans plus tard), ou encore la fin originelle de Great Expectations de Dickens, révisée ensuite sur les conseils de son contemporain Bulwer-Lytton.

- la fin et les productions sérielles : où s’arrête l’épisode, la saison, la saga ? Quid de la fin lorsque les studios font évoluer les dénouements en fonction des attentes de l’audience ?

- les fins filmiques: quelles sont les déviations par rapport aux codes attendus (fondu au noir, coupé au noir, arrêt sur image) ? Que penser de la disparition progressive des signaux de fin (carton « fin » ; générique de fin minimisé par des bêtisiers ou teasers, voire non-diffusion du générique) ?

- les fins cycliques, anti-fins, fins absentes ou fins « ouvertes ». Quelle place faire à ces dévoiements que le modernisme et le postmodernisme ont démocratisés en proclamant le divorce entre fin et sentiment conclusif ?

- les œuvres inachevées, qui suscitent les spéculations si ce n’est les complétions des équipes éditoriales, des légataires et des lectorats critiques ; à ce titre, les controverses autour de Billy Budd, Sailor d’Herman Melville, de The Pale King de David Foster Wallace, ou encore de The Original of Laura de Vladimir Nabokov, peuvent être vues comme le signe d’un désir collectif d’achèvement – ou d’une phobie de l’inachèvement. Comment donc lire l’œuvre inachevée ?

 

Modalités de soumission :

- La journée est ouverte à tous.

- Les propositions seront de 350 mots maximum et accompagnées d’une courte notice bio et/ou bibliographique.

- Adresse d’envoi : laboratoire.ovale@gmail.com

- Langues des résumés et des communications : français ou anglais

- Durée des communications : 20 minutes

 

Calendrier :

- Date limite de soumission : 10 mars 2015

- Date de réponse : à partir du 5 avril 2015

 

Une sélection des communications pourra être publiée dans la revue Sillages Critiques.

La journée se déroulera à la Maison de la Recherche de  l’Université Paris-Sorbonne (28 rue Serpente, 75006 Paris).

 

Lucille Hagège, Isabelle Montin, Sigolène Vivier pour le laboratoire OVALE

 

[1] Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Gallimard, 1978.

[2] Henry James, The Art of Criticism, University of Chicago Press, 1986, 168.