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La Fin dans les jeux vidéo : Aspects des spatio-temporalités vidéoludiques (Rennes)

La Fin dans les jeux vidéo : Aspects des spatio-temporalités vidéoludiques (Rennes)

Publié le par Marc Escola (Source : Karim Charredib)

APPEL À COMMUNICATIONS

Journée d’étude organisée par Karim Charredib et Yannick Kernec’h

Laboratoire Arts : pratiques et poétiques (EA 3208)

Le 24 novembre 2016

Université Rennes 2 – amphithéâtre L3, bâtiment L, Campus Villejean

 

Si, de manière générale, le jeu vidéo est étudié depuis plusieurs années dans le monde anglo-saxon, et plus récemment en France, afin d’en circonscrire et d’en légitimer l’objet, d’en construire les outils analytiques et théoriques, cette journée d’étude propose plutôt d’appréhender le jeu vidéo par une thématique particulière, celle de la fin, qu’il permettrait de renouveler voire de mettre à mal en raison de la singularité de son dispositif.

Le jeu vidéo propose communément au joueur des objectifs, des défis interactifs ; leur réussite – ou, dans certains cas, leur échec – conditionne le déploiement du continuum vidéoludique jusqu’à son stade terminal. Il peut également et assez fréquemment développer un récit, un univers fictionnel, que les actions du joueur vont dérouler jusqu’à la conclusion. De fait, on retrouve la distinction canonique entre une approche de type ludologique, c’est-à-dire la fin envisagée comme aboutissement du processus ludique, et une autre de type narratologique selon laquelle la fin serait conçue comme l’achèvement d’un récit plus ou moins prégnant ; dichotomie dont il s’agira bien entendu d’évaluer la pertinence.

Cependant, le concept de fin est-il ici systématiquement opérant ? En effet, le jeu vidéo est un médium qui se prête à être rejoué que ce soit par l’intermédiaire de différents dispositifs ludiques comme le « New Game + » qui propose de refaire une partie avec les éléments débloqués dans la première partie, ouvrant par exemple de nouveaux chemins (le jeu Killer 7 devenant ainsi Killer 8; ou encore par des pratiques telles que le speedrun, où les joueurs réitèrent le jeu afin de l’achever le plus rapidement possible. Parfois même, un jeu peut proposer plusieurs fins, en fonction de la manière dont le joueur progresse, comme dans Spec Ops: The Line ou Chrono Trigger, qui proposent des dénouements pouvant modifier profondément la situation finale du récit. La fin, dans le jeu vidéo, semble par conséquent repenser la clôture narrative, et dans le même temps, se comprendre comme un perpétuel recommencement.

De surcroît, la fin d’un jeu vidéo peut surgir prématurément par l’écran de game over. Le jeu est, dans un tel contexte, fini sans pour autant avoir été achevé. Par ailleurs, des types de jeu comme les MMORPG tendent à s’abstraire du principe de fin, puisqu’il faut proposer constamment des extensions pour garder le joueur abonné, jusqu’à ce que les serveurs ferment un jour de manière plus ou moins abrupte ; tandis que les jeux sont aujourd’hui bien souvent soumis aux aléas de DLC qui viennent en étendre le contenu (comme Undead Nightmare, DLC de Red Dead Redemption qui propose un devenir post-apocalyptique inattendu à un western). Le jeu vidéo pourrait-il, en ce sens, s’affranchir de sa propre finitude ?

La fin est également affaire d’imaginaire. Le jeu vidéo Continue?9876543210 par exemple, imagine l’errance d’un avatar après l’écran fatidique du game over. Le personnage voyage dans les ruines du jeu dont il était l’avatar, ruines stockées dans la RAM, attendant que celle-ci soit vidée. Si le jeu vidéo, ici, fantasme sa propre fin comme un suspens avant effacement électronique, il met aussi en exergue le bug, cet incident informatique qui vient corrompre le processus vidéoludique, permettant de continuer à jouer malgré l’écran de fin, comme l’imagine également une séquence de jeu de Metal Gear Solid 2 – lui conférant un caractère éminemment politique.

Le joueur parviendrait donc à repousser les fins d’un jeu, en s’abstrayant de la limite imposée par les développeurs : il en va ainsi de la pratique du modding, ou encore du développement de pratiques artistiques à l’intérieur même des jeux, comme Luis Serrano ou Casey Brooks qui photographient de manière documentaire la ville virtuelle de Los Santos dans GTA V. De même, la pratique de l’errance repousse la fin du jeu conçue par le prisme du level design et de l’architecture, comme paraît le signifier Kurt J. Mac lorsqu’il fait marcher son avatar jusqu’aux bords de la carte de Minecraft.

Il sera également nécessaire d’envisager les problèmes techniques comme les glitches dont se servent les speedrunners pour terminer les jeux de manière impossible, c’est-à-dire en profitant par exemple des erreurs numériques afin de sortir littéralement de l’environnement graphique, comme le met en perspective Harun Farocki dans son film Parallel 2.

Par ailleurs, qu’en est-il du statut de la cinématique de fin, sensée récompenser le joueur arrivé jusqu’au terme du continuum ? Est-elle un objet totalement coupé du jeu par son manque d’interactivité ou, au contraire, une partie d’un ensemble plus global ? Pour Rune Klevier, par exemple, le fait que le joueur n’a pas à rentrer d’inputs ne l’empêche pas de faire partie de cet ensemble, le jeu vidéo demeurant par essence multiple dans son rythme et sa structure. Il pourra donc s’agir, entre autres, d’évaluer la pertinence d’une telle proposition.

Enfin, ne faudrait-il pas interroger l’importance des sagas, franchises et séries sans fin dans les jeux vidéo, comme celle de Mario, repoussant continuellement la fin heureuse, à l’image de l’expression devenue un meme : « Thank You Mario, But Our Princess is in Another Castle » ?

Ainsi, tout l’enjeu de cette journée d’étude revient sans doute, au fond, à penser l’équivalent d’un véritable paradoxe : le joueur est l’acteur du déroulement du continuum vidéoludique et repousse peut-être sans cesse la fin ultime du jeu, tout en essayant de s’en approcher.

 

Propositions de communication

Les propositions de communication, dont la durée sera de 30mn. mentionneront :

Le titre de la communication Un résumé de 1500 signes environ Une notice biobibliographique

 

Les propositions seront à envoyer avant le 15 septembre 2016 aux adresses suivantes : yannick.kernech@gmail.com et karim.charredib@univ-rennes2.fr

Fin septembre : Notification de la liste des communications acceptées.

 

Karim Charredib (Maître de conférences en Arts plastiques, Université de Rennes 2) et Yannick Kernec'h (doctorant en études cinématographiques, Université de Rennes 2)