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La femme orientale dans la littérature et la peinture françaises et francophones (Tozeur, TUN)

La femme orientale dans la littérature et la peinture françaises et francophones (Tozeur, TUN)

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Hassen BKHAIRIA)

Colloque international 6/7/8 avril 2017

 

La femme orientale dans la littérature et la peinture françaises et francophones

 

L’Orient est un concept géographiquement flou qui a inspiré la peinture et la littérature française et francophone d’une façon abondante et suscité l’adhésion d’un large lectorat, mais sa portée idéologique a souvent été vigoureusement critiquée. Edward Saïd voit dans l’orientalisme un alibi à la colonisation et à l’impérialisme, tandis que Todorov dénonce l’ethnocentrisme d’un Chateaubriand et le « racialisme » d’un Loti. On pourrait reconsidérer cette condamnation en analysant l’image de la femme orientale, qui est au cœur même de l’imaginaire orientaliste et de la relation à l’Autre. On se penchera notamment sur les récits de voyageurs des XIXe et XXe siècles, mais il y a lieu de se référer à des œuvres de la littérature française et francophone d’autres époques ainsi qu’à l’image de la femme en peinture.

On mesurera d’emblée ce paradoxe faisant que, si pour des raisons religieuses et sociales, la femme orientale est théoriquement claustrée, elle se trouve en général très présente dans les textes, et il arrive qu’un auteur relate complaisamment ses aventures. Pourtant, l’image de la femme demeure imprécise, comme si elle résistait à toute appréhension, à toute analyse, à telle enseigne qu’elle devient quasiment fantomatique chez Loti. Elle est surtout décrite à travers ses atours et assimilée à l’espace. On étudiera en particulier la fonction du voile, son lien avec l’islam et avec le désir. Dans cette perspective, les analyses d’Alain Buisine sur « l’Orient voilé » pourraient être très profitables.

Cette représentation est souvent ambivalente : la femme est victime (la visite du marché aux esclaves est un topos), manipulatrice ou perverse. On voit que les écrivains et les peintres reprennent les stéréotypes misogynes sur la dualité de la femme. Mais il arrive que ces préjugés soient remis en question, en particulier dans l’évocation du harem : Nerval et Gautier, plus enclins à respecter l’Orient, montrent que loin d’être un enfer, cet espace est soumis à la loi de la femme et peut être comparé à un État ou à un couvent. Et au XXe siècle, Segalen dénoncera l’ethnocentrisme pour faire de l’exotisme une « esthétique du divers ».

Mais exotisme et érotisme allant de pair, le voyage en Orient alimente surtout les fantasmes, et la femme est réduite à un objet de désir : selon Maupassant, elle est faite pour aimer. Mais lorsqu’il montre l’importance de la prostitution en Algérie et la tolérance dont elle bénéficie, l’écrivain hasarde des explications sociologiques. Quant à Flaubert, s’il se vante de ses « coups » avec l’almée, il éprouve une réelle tendresse pour Koutchouk-Hanem, dont on retrouvera des traits chez Salammbô. Il semble donc  malaisé de suivre Edward Saïd quand il assimile cette relation à un viol illustrant la domination de l’Occident sur l’Orient ou quand, se retranchant derrière un moralisme à toute épreuve, il considère que l’évocation de la sexualité par les écrivains du XIXe siècle est une réponse aux frustrations imposées par la société puritaine…

Par ailleurs, l’évocation de la condition féminine prend une dimension politique et sociale, et elle permet à Chateaubriand de condamner un système, le despotisme oriental imposé par la Turquie. La femme elle-même est consciente de l’injustice qui lui est faite : dans les Lettres persanes, déjà, Roxane se révolte contre le pouvoir masculin et revendique sa liberté au nom de la nature. Et les voyageuses du XIXe siècle dont Sarga Moussa a recueilli le témoignage, comme la comtesse de Gasparin, décrivent lucidement le sort fait aux femmes. Au XXe siècle, c’est dans la littérature francophone que s’exprimera le plus nettement la revendication féministe. Le dernier roman de Rchid Boudjedra, Printemps, conjugue réflexion sur l’identité et conscience politique grâce à son héroïne, une universitaire homosexuelle, fortement engagée contre l’intégrisme.

L’image de la femme orientale est également déterminée par des références textuelles. La Bible est très présente chez Lamartine, qui décrit des femmes « vêtues comme celles d’Abraham et Isaac », et même chez Flaubert, ce qui conforte l’idée reçue d’un Orient pérenne. Les philosophes du XVIIIe siècle sont profondément marqués par les Mille et Une nuits que Galland vient de traduire. Et lorsque Kateb Yacine évoque le destin tragique de l’Algérie à travers Nedjma, la référence à Flaubert, en particulier à Salammbô, est omniprésente. Quoi qu’il en soit, l’objectif de l’écrivain ou du peintre n’est pas de répondre aux fantasmes du lecteur, mais de créer une œuvre d’art : même dans les notes de voyage, lorsqu’il décrit l’almée, Flaubert affirme ses visées esthétiques. La même remarque vaut pour la peinture. La traduction de Galland a fini par enflammer l’imaginaire des peintres, de Van Loo à Delacroix en passant par Ingres. Harem, bain maure et autres colifichets sont des motifs encore productifs au cinéma ou ailleurs.

Mais en la matière, il convient de tenir compte des horizons d’attente du lecteur. On pensera ici à Gautier qui, dans Constantinople, se montre conscient de cette limite. On peut voir par exemple comment Maupassant, soucieux de plaire à un large public, essaie d’établir un compromis entre le désir d’aguicher le lecteur et la nécessité de respecter les convenances dont l’abonné des journaux conservateurs pour lesquels il écrit est soucieux.

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous proposons les axes de réflexion qui pourraient s’inscrire dans une optique poétique, historique, sociologique, psychanalytique :

 

  • Femme orientale et préjugés moraux, religieux, sociaux, politiques…
  • Femme orientale et ethnocentrisme occidental
  • Femme orientale et féminisme
  • Femme orientale et fantasmes
  • Femmes orientales et représentations poétiques et picturales
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Bibliographie

  • Berko Patrick et Viviane, Peinture orientaliste, Bruxelles, Éditions Laconti, 1982.
  • Berchet Jean-Claude, Le Voyage en Orient, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1985.
  • Buisine Alain, L’Orient voilé, Zulma, 1993.
  • Julliard Colette, Imaginaire et Orient. L’Ecriture du désir, L’Harmattan, 1996.
  • Moussa Sarga, Le Voyage en Egypte, Robert Laffont, « coll. « Bouquins », 2004.
  • Saïd Edward, L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, Seuil, 1980.
  • Thornton Lynne, La Femme dans la peinture orientaliste, Paris, A.C.R.
    Éditions, 1996.
  • Thornton Lynne, Les Orientalistes / Peintres voyageurs, Paris, A.C.R.
    Éditions, 1983 (rééd.2001).
  • Todorov Tzvetan, Nous et les autres : la réflexion française sur la diversité humaine, Seuil, 1992.

Comité scientifique :

Ali ABASSI, Badreddine BEN HENDA, Jalel EL GHARBI, Kamel GAHA, Monia KALLEL, Francis LACOSTE, Najette NERCI, Mustapha TRABELSI.

Comité d’organisation :

Moufida ALIOU, Noureddine AMEUR, Arselène BEN FARHAT, Hassen BKHAIRIA, Mohammed BOUKCHIM, Walid HAMDI, Mokhtar FARHAT, Neila MANNAÏ.

Échéancier:

Les propositions de communication sont à envoyer, à l’adresse suivante : bkhairia_hassen@yahoo.fr  avant le 15 février 2017, accompagnées d’une notice bio-bibliographique.

28 février 2017 : notification du comité scientifique.

6/7/8 avril 2017 : colloque international à l’Institut Supérieur des Etudes Appliquées en Humanités de Tozeur.

30 décembre 2017 : publication des actes du colloque.