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La fabrique du patrimoine littéraire. Les collections de monographies illustrées (KU Leuven)

La fabrique du patrimoine littéraire. Les collections de monographies illustrées (KU Leuven)

Publié le par Marc Escola (Source : Galia Yanoshevsky)

La fabrique du patrimoine littéraire

Les collections de monographies illustrées

Université de Louvain (KU Leuven) – 15 décembre 2015

s. dir. David Martens (KU Leuven – MDRN) & Galia Yanoshevsky (Université Bar-Ilan – ADARR)

 

Programme

9h-9h15 – David Martens – KU Leuven – MDRN & Galia Yanoshevsky – Université Bal-Ilan – ADARR : Introduction

 

Workshop 1

Généricité des collections de monographies illustrées

9h15-10h05 – Mathilde Labbé – Université Paris Sorbonne : Rôle et nature du geste anthologique dans les collections de monographies illustrées : le cas de « Poètes d’aujourd’hui » (1944-1994)

10h05-10h55 – Ruth Amossy – ADARR, Université de Tel-Aviv : Un ethos générique : les auteurs de la collections « Ecrivains de toujours » dans les années 1950

 

11h-11h15 – Pause

 

11h15-12h05 – Marcela Scibiorska – KU Leuven – MDRN : Les « Albums de la Pléiade », hybrides génériques

12h05-12h55 David Martens – KU Leuven – MDRN : Autoportraits de l’écrivain en vis-à-vis 2. Familiarisation et littérarisation de l’entretien dans les collections de monographies illustrées de poche « Qui êtes-vous ? » (La Manufacture) et « Les contemporains » (Le Seuil)

 

13h-14h30 – Repas de midi

 

Workshop 2

La construction de l’image d’auteur

dans les collections de monographies illustrées

14h30-15h20 – Jürgen Siess – Université de Caen - ADARR : Image d’auteur et contexte culturel : les écrivains allemands dans « Poètes d’aujourd’hui » (1948-1957)

15h20-16h10 – Colette Leinman – Université de Tel Aviv – ADARR : « Le Musée de poche » : collection productrice d’un patrimoine artistique

 

16h15-16h30 – Pause

 

16h30-17h20 – Galia Yanoshevsky – Université Bar-Ilan – ADARR : Singularité et sérialité dans les collections « Qui-êtes-vous ? » (La Manufacture) et « Les contemporains » (Le Seuil)

 

17h20-18h – David Martens – KU Leuven – MDRN & Galia Yanoshevsky – Synthèse et discussion générale

Argumentaire

 

 

Au cours du xixe siècle, le système littéraire est marqué par l’apparition d’ouvrages consacrés aux écrivains, qu’il s’agisse de biographies, de recueils de portraits ou encore d’essais critiques. L’iconographie, qui se développe grâce aux nouvelles techniques d’impression et au développement de la photographie, joue un rôle de plus en plus important au sein de ces publications. Fondés sur l’évocation de la vie et/ou de l’œuvre de personnages admirables soumis à une sacralisation profane, ces livres ont le plus souvent été élaborés dans le cadre de collections particulières, à vocation patrimoniale et destinées à un large public, dont la plupart des volumes sont consacrés à un auteur singulier.

Dans le domaine francophone, du lancement par Hachette, dans les dernières années du xixe siècle, de la collection « Les Grands écrivains français » (1887) à la série « Les singuliers », chez Flohic dans un premier temps et désormais chez Argol, en passant par « Poètes d’aujourd’hui » (Seghers, 1944) et « Écrivains de toujours » (Le Seuil, 1951), les « Albums de la Pléiade » (Gallimard, 1960), « Qui êtes-vous ? » (La Manufacture, 1987) ou encore « Les Contemporains » (Le Seuil, 1988), et au Québec « Écrivains canadiens d’aujourd’hui » (Fides, 1963), ces ensembles n’ont cessé de se multiplier et de se diversifier, dans leurs fonctions comme dans leurs formes.

 

Workshop 1

Généricité des collections de monographies illustrées

 

Ces ensembles éditoriaux visent généralement à proposer le portrait d’un écrivain et de son œuvre et parfois, à l’échelle d’une collection, d’un groupe d’écrivains, voire d’un champ littéraire. Les volumes qui les composent sont le plus souvent constitués de plusieurs textes, relevant de différents genres de discours, qu’il s’agisse de biographies, d’essais critiques, de témoignages – les trois options se mêlant parfois, selon des stratégies diverses –, de choix d’œuvres et, dans certains cas, d’entretiens. Ces textes sont en outre fréquemment accompagnés d’une iconographie plus ou moins centrale, de quelques feuillets rassemblant des photographies (« Poètes d’aujourd’hui ») à des volumes entièrement conçus autour de l’iconographie (« Écrivains de toujours »), voire lui accordant la place principale (« Albums de la Pléiade »).

L’hétérogénéité discursive et sémiotique qui caractérise ces volumes paraissant dans le même temps relever d’un genre spécifique – le portrait – suppose un fonctionnement relativement complexe sur le plan de la généricité. L’étude systématique de ce type d’ouvrages, de leur spécificité et de la façon dont ils façonnent l’image des écrivains, implique par conséquent d’examiner les modalités d’agencements concrètes des textes et des images qui composent ces livres. Cette rencontre a donc pour ambition d’éclairer un pan de l’espace de la critique moderne et de l’histoire du livre en examinant les différents enjeux de la généricité des collections de monographies illustrées consacrées aux écrivains. Pour ce faire, plusieurs axes de réflexion conjoints peuvent être envisagés :

 

- Quelles sont les fonctions dévolues à chaque genre au sein de ces volumes ? Quels sont leurs particularités dans la constitution de l’image d’auteur ainsi produite ? Quel est par exemple l’apport spécifique du biographique par rapport au commentaire d’œuvre ? Quels sont les spécificités des entretiens ainsi que des anthologies utilisés dans ces portraits d’écrivains ? Quel sont celles des images de l’écrivain, de sa vie, de ses relations (ses proches, d’autres écrivains ou artistes…) ou encore de ses écrits (manuscrits, couvertures de livres…) ? En quoi l’anthologie répond-elle au discours critique et au biographique qui la précède ou comment manifeste-t-elle son autonomie ?

            - Dans quelle mesure et selon quelles modalités les différents textes rassemblés et leurs modalités d’agencement participent-ils, d’un point de vue discursif, d’un discours unifié ? Comment l’hétérogénéité générique de ces ouvrages, soit la coexistence de ces textes relevant de genres distincts, est-elle concrètement traitée sur le plan discursif ? Comment les concepteurs de ces livres assurent-ils l’homogénéité du discours (et l’assurent-ils toujours ?) à l’échelle du volume ? Jusqu’à quel point et en fonction de quels paramètres les choix de textes de l’auteur présenté s’articulent-ils avec le discours de l’auteur du livre et l’image de l’écrivain qu’il façonne en dehors de la série ?

- Quel est l’impact de la collection sur la généricité des ouvrages qu’elle contribue à présenter comme relativement homogènes ? Compte tenu de la relative souplesse de chaque collection en ce qui concerne l’élaboration des volumes qu’elle publie, comment les auteurs de ces ouvrages se positionnent-ils par rapport aux contraintes de la collection ? Comment font-ils (s’ils le font) en sorte que chaque volume apparaisse comme indépendant tout en respectant les normes de la collection ? Selon quels critères les éléments métadiscursifs contribuent-ils à la justification de ces choix éditoriaux ?

- En quoi les options génériques retenues et la composition de textes opérée par les auteurs de ces ouvrages contribuent-elles à la constitution de leur propre ethos ? En quoi traduisent-ils leur propre positionnement au sein du champ de la critique et, plus largement, au sein du champ littéraire (lorsqu’ils sont eux-mêmes écrivains) ou de leur champ professionnel (universitaire, par exemple) ? Dans quelle mesure ces choix génériques sont-ils déterminés ou motivés par l’œuvre de l’écrivain portraituré et, en particulier, par ses propres pratiques et ses propres positions en matière de genres de discours ?

 

Workshop 2

La construction de l’image de l’écrivain

dans les collections de monographies illustrées

 

Ces ouvrages participent d’une fabrique du patrimoine littéraire fondée sur le façonnement et la diffusion de l’image des auteurs. Pour la plupart d’entre eux largement diffusés – ils s’adressent en priorité au grand public –, ces livres ont fortement contribué à l’élaboration et à la diffusion de l’image des écrivains. Comprendre les modes de constitution et de circulation de l’image des écrivains dans le domaine francophone suppose donc de s’intéresser plus avant à ces ensembles éditoriaux, dont les volumes sont le plus souvent constitués de plusieurs textes, relevant de différents genres de discours, qu’il s’agisse de biographies, de textes critiques, de choix d’œuvres et, dans certains cas, d’entretiens, et sont en outre accompagnés d’une iconographie plus ou moins conséquente.

La relative plasticité de ces collections offre une large palette de possibilités aux concepteurs de ces ouvrages, qui doivent composer avec l’esprit de la collection, les impératifs générés par son homogénéité, tout en mettant en valeur la singularité d’un écrivain et d’une œuvre particulière. Ce faisceau de paramètres invite à examiner ce type d’ouvrages en s’interrogeant sur les multiples enjeux de la construction et de la diffusion de l’image des auteurs à l’œuvre au sein de ces collections :

 

- Dans quelle mesure et selon quelles modalités ces textes participent-ils à la production et à la diffusion d’une image de l’auteur ? Comment ces ouvrages s’inscrivent-ils dans la postérité de l’auteur et de l’œuvre qu’ils présentent ? Selon quelles modalités mobilisent-ils l’image de l’auteur circulant dans l’interdiscours du temps, et les stéréotypes qui y sont associés, et comment se positionnent-ils par rapport à elle ? Dans quelle mesure cette image correspond-elle à l’image préalable de l’auteur, produite par ses œuvres et ses manifestations biographiques ou publiques (autobiographies, biographies, entretiens, interventions à la radio ou à la télévision, etc.) ? Dans quelle mesure l’image produite relève-t-elle de l’image de la collection (les écrivains portraiturés jouissent-ils par exemple de traits collectifs produits ou non par la collection) ? Comment les auteurs de ces livres répondent-ils par exemple aux impératifs de vulgarisation imposés par la plupart de ces collections ?

- Dès lors que le portrait suppose une relation entre portraitiste et portraituré, comment les auteurs de ces livres constituent-ils leur propre ethos en regard de l’image de l’écrivain dont ils dressent le portrait, en fonction des finalités de leur propre positionnement au sein du champ de la critique ? Quelle est la nature des relations qui se tissent entre l’image du portraituré et celle du portraitiste ? Dans quelle mesure les écrivains, parmi ceux qui se sont vu consacrer des ouvrages de ce type de leur vivant, s’y sont-ils intéressés, voire y ont contribué, de façon directe (en réalisant l’ouvrage ou en en rédigeant une partie) ou indirecte (par des conseils ou suggestions, par exemple) ? Quels sont les effets de cette participation dans la production du texte et, par conséquent, dans le façonnement de l’image de l’auteur ?

- Destinés au public francophone, l’histoire littéraire qui se constitue au sein de ces ensembles est nécessairement orientée par une politique de présentation d’un champ littéraire. En ce sens, comment les auteurs étrangers sont-ils présentés, qu’il s’agisse de ceux qui relèvent de littératures périphériques dans le système des littératures francophones (Belgique, Canada, anciennes colonies ou protectorats…) ou d’écrivains s’exprimant en d’autres langues que le français. Quel sont les critères de sélection à la base de ces collections ? Dans les cas des collections avec de nombreux volumes : en quoi la collection est-elle révélatrice de la construction d’une tradition littéraire, et du coup de l’histoire de la littérature de langue française ? Dans le cas des séries qui visent un groupe d’auteurs déterminé (comme « Les contemporains » ou « Écrivains québécois ») quel est l’impact des regroupements opérés sur la constitution de l’image de ces auteurs ?

- Compte tenu de la multiplicité des collections, des approches comparatives particulières seraient particulièrement éclairantes pour rendre compte de plusieurs paramètres. Ainsi, dans la mesure où un même auteur peut figurer dans plusieurs collections, un travail comparatif permettrait d’éclairer les spécificités de constitution de l’image d’un même écrivain selon chaque collection. De même, certaines de ces collections n’étant pas exclusivement consacrées à des écrivains – « Qui suis-je » présente des volumes consacrés à des cinéastes et à des artistes, tandis que « Les contemporains » inclut des livres portant sur des philosophes – , en quoi réside la spécificité de la présentation des écrivains par rapport à celle d’autres types d’auteurs ?