Questions de société

"La direction du CNRS vole aux chercheurs le pouvoir scientifique", par J.-L. Mazet et P. Montfort (SNCS-Hebdo n°20 - 21/10/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

La direction du CNRS vole aux chercheurs lepouvoir scientifique - par Jean-Luc Mazet et Patrick Montfort,SNCS-Hebdo 09 n° 20, 21 octobre 2009

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Lors du CTP du 20 octobre, la direction a maintenu, contrel'avis de tous les représentants syndicaux, sa proposition d'un collègeA unique (professeurs et directeurs de recherche) et d'un collège Bunique (maîtres de conférences et chargés de recherche) pour l'électiondes conseils scientifiques des instituts (CSI) et du Conseilscientifique (CS) du CNRS. Cette position est inacceptable.

Jean-Luc Mazet, secrétaire général du SNCS-FSU, Patrick Monfort, membre du bureau national du SNCS-FSU

Une élection ne suffit pas à faire une démocratie. La constitutiondu corps électoral est importante et le mode de scrutin n'est jamaisinnocent : tenter d'en imposer un suppose un calcul malsain anticipantun résultat souhaité. En république, la légitimité provient d'uneélection raisonnable. Le mode de scrutin doit être juste pour que lecorps électoral s'en empare. Il en va ainsi actuellement au Comiténational. Et le SNCS a toujours défendu le scrutin de liste à laproportionnelle, car il rend possible le choix de candidats qui sereconnaissent sur une profession de foi commune, tout en permettant àune ou des listes minoritaires d'être représentées.

Le CNRS, sur injonction du ministère, a imposé ces dernières annéesle scrutin plurinominal à deux tours dans les sections du Comiténational et dans les conseils scientifiques de département (CSD). Cemode de scrutin, celui de l'Assemblée nationale, favorise lesorganisations majoritaires. Lors du CTP du 20 octobre, la direction duCNRS a cette fois imposé le scrutin plurinominal à un tour. Lasuppression du deuxième tour conduit à élire des collègues avec moinsde 50 % de voix.

Si le mode de scrutin est important, la composition des collègesélectoraux l'est tout autant. Jusqu'à présent, les élections au sein duComité national (sections, CSD et CS) des chercheurs et desenseignants-chercheurs se font sur la base de collèges électorauxdistincts : A1, directeurs de recherche (DR) du CNRS ; A2, professeursdes universités, DR des autres organismes et assimilés ; B1, chargés derecherche (CR) du CNRS ; B2, maîtres de conférences, CR des autresorganismes et assimilés.

Le SNCS a obtenu, il y a plus de 20 ans, la séparation de cescollèges entre chercheurs et enseignants-chercheurs, pour le CS commepour le Comité national. Ces collèges séparés garantissent lareprésentation du métier de chercheur dans les instances scientifiquesdu CNRS. C'est pour cette même raison que le SNCS a exigé et obtenul'éligibilité des enseignants-chercheurs dans les CSD.

Alors pourquoi aujourd'hui revenir sur la séparation des collèges ?La réponse se trouve dans le résultat probable des futures élections.En effet, le corps électoral des enseignants est presque toujours plusnombreux que celui des chercheurs. Un mode de scrutin plurinominal à untour équivaut au scrutin de liste à un tour avec rayage et panachagetel qu'il existait dans les universités jusqu'à récemment. Ilcontribuait à une large sous-représentation des chercheurs dans lesconseils universitaires, à la suite des rayages systématiques de lapart de quelques enseignants-chercheurs. Le réflexe corporatiste estmalheureusement encore trop présent.

Pourquoi cette manoeuvre ? Tout simplement parce que les conseilsscientifiques ont toujours manifesté une grande indépendanceintellectuelle s'opposant fréquemment aux différents directeursgénéraux. Avec le recul, le fait que chaque directeur général détruisesystématiquement la politique de son prédécesseur montre l'importancedes conseils scientifiques dans la vie de l'organisme. Aujourd'hui, ilest consternant de voir que le directeur général et la présidente duCNRS, tous les deux directeurs de recherche au CNRS, se font complicesde la politique gouvernementale. En confondant les métiers de chercheuret d'enseignant-chercheur, ils privent les conseils scientifiques del'apport de tous les métiers présents dans les laboratoires. Ce n'estpas la nomination éventuelle de chercheurs parmi la moitié de membresnommés qui donnera une légitimité à ces conseils. Et d'ailleurs, quiles nommera ?

Le directeur général et la présidente préparent la fusion du statutde chercheur avec celui d'enseignant-chercheur, et à terme, letransfert des chercheurs sous la responsabilité des universités. Celan'a rien à voir avec le sauvetage ou la transformation du CNRS pour sonavenir tel qu'ils nous l'ont assuré, rengaine rappelée maintes fois aupersonnel depuis deux ans. Au moment où nous fêtons les 70 ans du CNRS,la Revue pour l'Histoire du CNRS pourra écrire que M. Migus, directeurgénéral, et Mme Bréchignac, présidente, ont définitivement transforméle CNRS en agence de moyens humains dans laquelle les chercheurs n'ontpas leur mot à dire sur la politique scientifique de leur propreorganisme. Par cet acte, ils perdent la confiance des personnels duCNRS, à moins d'un réflexe salutaire pour l'organisme. Carofficiellement, ils restent maîtres de la décision. Mais le sont-ilsvraiment ?

Le SNCS appelle les chercheurs, les enseignants-chercheurs, lesdirecteurs d'unité, les membres du Comité national (sections, CSD et duCS) à réagir auprès de la direction du CNRS et à réclamer le maintiende la séparation des collèges électoraux.