Questions de société

"La deuxième mastérisation", communiqué de Reconstruire l'école (23/02/11)

Publié le par Bérenger Boulay

La deuxième mastérisation - communiqué de "Reconstruire l'école", 23 février 2011

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article4475

http://www.r-lecole.freesurf.fr/


Dès le mois de juin 2008, alors que la « mastérisation » n'était qu'unprojet et que nul ne pouvait prévoir le mouvement universitaire duprintemps 2009, l'Association Reconstruire l'Ecole avait signalé dans unrapport remis au Ministère que ce dispositif n'était pas viable. Preuveen est faite puisque de Nicolas Sarkozy à Gilles Baillat, président dela CDIUFM, et de Luc Chatel à Alain Boissinot, recteur de Versailles,tout le monde s'accorde à vouloir « réformer la réforme » : les mastersd'enseignement, que les universités ont été contraintes de mettre enplace malgré elles, n'auront pas tenu plus d'un an.

Paradoxalement, ces nouveaux projets visent tous à accentuer lecaractère non-viable de la réforme. Car, sous prétexte de compenser lasuppression de fait de l'année de stage, ils renforcent laprofessionnalisation en amont et c'est justement la conjonction de deuxmodèles incompatibles qui est responsable des dysfonctionnements actuels : on ne peut pas hybrider le modèle successif, inhérent aux concours, etle modèle par alternance, propre aux pays où le diplôme suffit pourdevenir enseignant. Plus exactement, la formation par alternance doitêtre réservée dans le modèle français à l'année de stage effectuée parles seuls lauréats des concours. Si l'on étend l'alternance auxcandidats et même aux candidats virtuels que sont les étudiants delicence, on fabrique automatiquement une masse ingérable de 80% dereçus-collés qui augmente à mesure que la formation débute plus tôt dansles cursus. Dans aucun pays du monde, dans aucun cursus professionnel enFrance, on ne professionnalise dix fois plus d'étudiants qu'il n'y a dedébouchés possibles dans le secteur. C'est pourquoi les projets actuelsne peuvent aboutir qu'à la suppression des concours. Le système seraalors de nouveau viable mais il implique le monopole des IUFM sur laformation : devenus des « Educational schools » à la française, ilsopèreront sur leurs propres critères la sélection des licenciés de façonà ajuster leur nombre aux besoins, organiseront les cursus à leur guiseet délivreront à leurs étudiants un diplôme qui leur permettra des'inscrire sur des listes d'aptitude et d'être recrutés en CDD par leschefs d'établissement en attendant une éventuelle titularisation s'ilsdonnent satisfaction. Un tel système peut évidemment fonctionnerpuisqu'il existe chez la plupart de nos voisins. Mais il entraîne lamort des concours, cette « spécificité française » que beaucoup jugentobsolète à l'heure du grand marché éducatif mondialisé.

La solution passe par la restauration d'une vraie année de stage paralternance pour les lauréats des concours et non par l'aggravation duchaos dont pâtissent aujourd'hui les masters d'enseignement. Le paradoxedes « réformateurs de la réforme » n'est donc qu'apparent. Cette logiquedu pire a pour but de préparer une troisième mastérisation : suppressiondes concours et contractualisation des enseignants.

Dans l'intervalle, les projets actuels sont lourds de conséquenceshumaines pour la masse considérable (plusieurs dizaines de milliers paran) d'étudiants professionnalisés mais non recrutés : ils n'ont aucunepossibilité crédible de reconversion. Il n'est pas sûr, en outre, queces projets soient compatibles avec les textes réglementaires quirégissent aujourd'hui les concours de recrutement et le statut de lafonction publique. Car s'ils rendaient obligatoires les stages avant leconcours, ils empêcheraient les candidats libres et les candidatsétrangers de s'y présenter.

Reconstruire l'Ecole appelle l'ensemble des associations, des syndicatset des partis soucieux de préserver l'existence des concours à semobiliser pour faire obstacle à cette « réforme de la réforme », encorepire que celle qui l'a précédée. Notre association les invite aussi àexercer la plus grande vigilance sur les modalités concrètesd'application et à se tenir prêts à élever un recours en Conseil d'Etatsi ces modalités portent atteinte aux textes actuellement en vigueur.