Questions de société

"La décision de V. Pécresse qui n'a jamais existé" (Indépendance des chercheurs 04/09/09)

Publié le par Bérenger Boulay

La Science au XXI Siècle Blog international du Collectif « Indépendance des Chercheurs » (France) 04.09.2009 La décision de Valérie Pécresse qui n'a jamais existé

http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2009/09/04/la-decision-de-valerie-pecresse-qui-n-a-jamais-existe.html 

Le 4 septembre, Les Echos font étatd'une annonce de la ministre de l'enseignement supérieur et de larecherche à propos de la mise en place d'un futur « campus Condorcet »en région parisienne au nord de la capitale, alors que Valérie Pécresses'apprête à briguer la présidence de la région Ile-de-France. Nousévoquerons cette opération dans un article ultérieur, mais il paraîtindispensable de souligner dès à présent le peu d'importance quel'actuel gouvernement français semble accorder, dans ses prétendues « restructurations »,aux points de vue que pourraient exprimer les instances consultativesde la recherche et de l'enseignement supérieur. Une lettre du 26 maidernier de Valérie Pécresse à la présidence de l'Université Paris VIII(Vincennes - Saint Denis) nous en fournit un exemple fort parlant. Quelcompte tient-on, dans les ministères, des avis des instances desétablissements scientifiques que l'on dit consulter ? Il arrivemalheureusement, comme dans le cas du contrat d'objectifs 2009-2013entre le CNRS et l'Etat, qu'un tel mode de fonctionnement profite decomportements inexplicables de la part des élus des personnels auxinstances au plus haut niveau.

D'après l'ordonnance 330259du juge des référés du Conseil d'Etat, Valérie Pécresse s'etaitadressée le 26 mai dernier au président de l'Université Paris 8 -Vincennes Saint Denis par un courrier dont voici un extrait :

«Au vu de ces éléments concordants, j'ai pris la décision de transférercette composante de l'Université de Paris-Est Marne-la-Vallée à compterde la rentrée universitaire 2009-2010. Dans ces conditions, je vousprie de bien vouloir inscrire dans les meilleurs délais la suppressionde l'IFU comme composante de votre établissement à l'ordre du jour devotre comité technique paritaire et de votre conseil d'administration.Je demande parallèlement au président de l'Université de Paris-EstMarne-la-Vallée d'inscrire la création de l'IFU, institut interne régipar les dispositions de l'article L. 713-9 du code de l'éducation, à l'ordre du jour d'un prochain comité technique paritaire... »

(fin de citation)

Ilsemble y avoir une erreur de rédaction ou de transcription au débutl'extrait fourni par le Conseil d'Etat. Comme cela ressort del'ensemble du texte, l'objectif de l'opération est bien de transférerl'Institut français d'urbanisme (IFU) de l'Université Paris 8 - Vincennes Saint Denisà l'Université de Paris-Est Marne-la-Vallée. Autrement, il faudrait enconclure que le 26 mai Valérie Pécresse considérait ce transfert commedéjà fait et en application. Les consultations d'instances n'étantqu'une sorte de régularisation a posteriori.

Constatantqu'aucune des consultations statutaires des instances de l'UniversitéParis 8 - Vincennes Saint Denis n'avait eu lieu en vue d'une telledécision, et au vu du mémoire en défense, le juge des référés duConseil d'Etat a estimé qu'il ne convenait pas de considérer la lettrede Valérie Pécresse du 26 mai comme annonçant une décision prise, maiscomme une simple demande de consultation d'instances statutaires en vued'une décision ultérieure. Le Conseil d'Etat écrit :

«Considérant que, malgré les termes employés, cette lettre doit êtreregardée non comme révélant une décision ayant, par elle-même, poureffet de transférer l'Institut français d'urbanisme (IFU) del'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT DENIS à l'Université deParis-Est Marne-la-Vallée, sans qu'autre décision ne soit nécessaire,mais comme exprimant l'intention de la ministre de l'enseignementsupérieur et de la recherche d'engager la procédure conduisant à unedécision de transfert ; qu'ainsi, en demandant dans cettecorrespondance, au président de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINTDENIS d'inscrire la suppression de l'IFU comme composante de cetteuniversité à l'ordre du jour des prochains conseil d'administration etcomité technique paritaire de celle-ci, la ministre entend qu'il soitprocédé aux consultations préalables à sa décision de détacher l'IFU del'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT DENIS imposées par lesdispositions précitées du 2° de l'article L. 713-1 du code del'éducation et de l'article L. 951-1-1 du même code (...) ; que dèslors, la lettre en date du 26 mai 2009 n'a d'autre effet juridique quede saisir le président de l'UNIVERSITE PARIS 8 - VINCENNES SAINT DENISd'une demande d'inscription d'une proposition de décision de laministre à l'ordre du jour des réunions du conseil d'administration etdu comité technique paritaire... »

(fin de citation)

C'estsur cette base, que la requête de l'Université Paris 8 a été rejetéepar le juge des référés du Conseil d'Etat, faute de décisionadministrative susceptible de faire l'objet d'une quelconque demande desuspension d'exécution.

Il reste que le langage de Valérie Pécresse dans sa lettre du 26 mai : « Au vu de ces éléments concordants, j'ai pris la décision de transférer... »ne laisse guère de place pour un rôle réel des instances del'Université Paris 8. Aux termes de ce courrier, la décision apparaîtprise d'avance, et les consultations statutaires, comme des simplesformalités.

Par la force des choses, l'ordonnance du juge desréférés du Conseil d'Etat répercute cette situation avec un vocabulairequi, malgré le contenu juridique des considérants, fait penser à unedécision de Valérie Pécresse déjà prise dans la pratique. Mais dans cecas, quel est le rôle des instances consultatives statutaires dansl'actuel fonctionnement institutionnel ? Quel est le dégré de sincéritédes consultations de ces instances ?

C'est ainsi, par exemple, que le juge des référés parle de « procédure conduisant à une décision de transfert... ».Et pourquoi la procédure de consultation ne pourrait-elle pas conduireà l'abandon du projet de transfert, si les avis des instancesconsultatives étaient vraiment pris en considération ?

Troissemaines après cette lettre de Valérie Pécresse qui traite tacitementles instances de l'Université Paris 8 comme quantité négligeable, leConseil Scientifique (CS) du CNRS(Centre National de la Recherche Scientifique), présidé par un éluSNCS-FSU, a voté le contrat d'objectifs 2009-2013 du CNRS avec l'Etatdans des conditions pour le moins étonnantes. Voir nos articles du 17 juin et du 26 juin.

Cevote a ouvert la voie à l'adoption dudit contrat d'objectifs entre leCNRS et l'Etat, qui planifie le démantèlement de l'organisme. Voirégalement nos articles du 1er juillet, du 5 juillet, du 18 juillet, du 18 août et du 19 août.

Evoquant un tel vote du CS du CNRS, SUD Recherche se plaint d'une situation où les instances consultatives du CNRS auraient été « prises en otage » par une « intervention totalement abusive de Mme Pécresse qui s'y est invitée en plein débat sur un contrat d'objectif controversé ».

Mais,comme nous l'avons déjà souligné, force est de constater que les élussyndicaux au Conseil Scientifique du CNRS ne sont pas des débutants enla matière, et qu'à ce jour aucune organisation syndicale ne déclareavoir introduit un recours contre ce contrat d'objectifs. Notre proprerecours (article du 22 août) s'était accompagné d'articles et de communiqués rappelant la date limite pour introduire une telle démarche.

Sur le site du SNCS-FSU, les déclarationsd'un élu de ce syndicat au CS du CNRS à propos du vote du 16 juin de ceConseil, cherchent à justifier le comportement inexcusable des élus etne proposent aucune action concrète.

Rappelons que le contratd'objectifs 2009-2013 entre le CNRS et l'Etat a été voté par le CS avecsix voix pour, cinq contre et deux abstentions, alors que le CS comptetrente membres dont 11 élus (5 CFDT, 1 CGT et 5 FSU).

ValériePécresse est maître des requêtes au Conseil d'Etat. Elle ne pouvaitdonc pas ignorer le sens des mots, lorsqu'elle a écrit le 26 mai auprésident de l'Université Paris 8 : « ... j'ai pris la décision detransférer (...) je vous prie de bien vouloir inscrire dans lesmeilleurs délais la suppression de l'IFU comme composante de votreétablissement à l'ordre du jour de votre comité technique paritaire etde votre conseil d'administration... ». Une telle démarche noussemble de nature à mettre en cause l'apparence d'impartialité etd'indépendance de Valérie Pécresse, qui en tout état de cause devaits'abstenir de parler d'une quelconque décision déjà prise avant deconnaître le résultat des délibérations des instances dont ellesollicite la consultation.