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La culture visuelle de la science-fiction, entre culture populaire et avant-garde

La culture visuelle de la science-fiction, entre culture populaire et avant-garde

Publié le par Emilien Sermier (Source : Samuel Minne)

Appel à textes pour le numéro 5 de ReS Futurae


Échéances :

- envoi des propositions (5000 signes maximum) jusqu’au 30 juin 2014, à : rosebudfr@yahoo.com et minnesamuel@gmail.com
- réponse de ReSF le 30 juillet au plus tard.
- remise des articles le 15 octobre 2014 au plus tard.

Les auteurs sont invités à prendre connaissance des consignes d'écritures et de soumission des articles sur le site de la revue ou sur le carnet de ReS Futurae.

 

La culture visuelle de la science-fiction, entre culture populaire et avant-garde 

Traditionnellement opposées, la culture populaire et l’avant-garde ont cependant une riche histoire d’interactions, de reprises et d’inspiration réciproque. C’est particulièrement vrai dans le cas de la science-fiction : attachée à la culture populaire, elle a aussi sa propre avant-garde, tout en nourrissant l’avant-garde artistique, tant dans l’art contemporain que cinématographique.

Loin de ne s’exprimer que sous forme littéraire, la science-fiction le fait aussi sous forme visuelle, apparaissant aussi bien dans l’art contemporain que dans le street art, la bande dessinée, le cinéma et de nombreux courts-métrages, les jeux-vidéos, la publicité, l’illustration, le Web Art, la peinture ou la série télévisée. Elle peut même prendre corps dans le design ou l’architecture, irriguant de son imaginaire tous les pans du réel et représentant pour beaucoup leur appréhension principale, voire unique, de la science-fiction. Or cette science-fiction spécifiquement visuelle n’a pas encore reçu toute l’attention qu’elle méritait, tendant à être perçue comme tributaire de la science-fiction littéraire et comme étant purement illustrative et contingente et donc dénuée d’intérêt analytique propre. Souvent associée à la culture populaire, les liens qui l’unissent aux œuvres et courants d’avant-garde ont en particulier été très peu étudiés jusqu’à ce jour.

La présence de la science-fiction dans la culture visuelle s’affirme historiquement plus particulièrement au sein de la culture dite populaire, qu’il s’agisse des couvertures des pulp magazines, des comics et des petits formats de bandes dessinées, des « séries Z » ou du « cinéma bis », héritant pour une part de l’inspiration du roman populaire, et pour une autre part des traditions visuelles de leurs supports spécifiques. Cette science-fiction visuelle dite populaire n’est pas exempte de dissonances l’éloignant d’une science-fiction mainstream plus sage ou plus sérieuse. Le sense of wonder s’accompagne ainsi volontiers de sadisme ou d’érotisme, où l’horreur et le sublime coexistent de manière brutale et sans ménagement sans tout à fait pouvoir être assimilés aux genres du fantastique ou de l’horreur, même si les convergences existent. Plus que dans ces derniers genres, ces représentations apparaissent souvent comme exprimant sans filtre les peurs, les fantasmes et les problématiques d’une société ou d’une époque, au-delà même de l’impact du progrès et de la technologie, auquel la science-fiction ne se réduit pas ou plus. Leur forme et leur esthétique, cependant, n’est pas exempte d’une polysémie qui reste à explorer, et qui dément précisément la réification thématique qui leur est couramment réservée.

Par ailleurs, la science-fiction sous sa forme visuelle ne se cantonne pas à la culture populaire mais apparaît aussi dans des œuvres et des courants se revendiquant peu ou prou de l’avant-garde. À ce titre, la science-fiction visuelle, dont ont été partiellement soulignés les liens historiques et iconographiques avec le surréalisme, devient un lieu d’expérimentation formelle, recourant à l’abstraction, à des procédés esthétiques plus audacieux, renouvelant des procédés narratifs et proposant une alternative à un imaginaire visuel souvent dominé par le cinéma commercial et ses codes. Cette science-fiction d’avant-garde joue souvent des références avec la culture populaire, ouvrant parfois un véritable dialogue avec celle-ci, jusqu’à parfois s’y confondre. Dans le même temps, l’avant-garde s’inspire depuis au moins le pop art de l’imaginaire et des stéréotypes de la science-fiction pour nourrir sa réflexion, renouveler son esthétique ou décrire le monde contemporain, tandis que ces mêmes artistes d’avant-garde vont par la suite œuvrer eux-mêmes en science-fiction (Eduardo Paolozzi et Richard Hamilton illustrant New Worlds dans les années soixante, par exemple), chacune se nourrissant ainsi de l’autre.

Ainsi, entre stéréotypes et innovation, originalité et reprise, la culture visuelle de la science-fiction, ou la science-fictionnalité de la culture visuelle, suscite de nombreux axes d’études dans son rapport à l’avant-garde : parodie et détournement, pastiche au second degré, intericonicité, transmédialité...

Nous proposons d’étudier pour ce cinquième numéro de ReS Futurae la culture visuelle de la science-fiction dans ses relations multiples à l’avant-garde. D’abord dans la façon dont la science-fiction dite populaire et commerciale témoigne de l’influence de l’avant-garde, manifestant des convergences esthétiques ou thématiques ou des inspirations communes avec celle-ci. Ensuite comme science-fiction d’avant-garde ou avant-garde de science-fiction, en étudiant la manière dont l’avant-garde s’inspire de la science-fiction ou rejoint celle-ci, la façon dont cette dernière devient pour l’avant-garde le moyen de repousser les limites du réalisme, de dépasser ou de subvertir l’esthétique de l’époque, de provoquer le public ou encore de brouiller les frontières culturelles et sociétales. Enfin, l’attention peut se porter sur un mélange plus complexe des deux pôles, leur combinaison ou les tensions pouvant apparaître dans des œuvres spécifiques, populaires ou avant-gardistes.

Il s’agit entre autres d’examiner la science-fiction visuelle aussi bien dans ces contextes historiques, nationaux, culturels, technologiques et artistiques spécifiques que les rapports que ceux-ci peuvent entretenir, par exemple :

-les rapports entre science-fiction et sensationnalisme ou cinéma d’exploitation (nudités, couleurs vives, cruauté, kitsch, satire...),

-le rôle, les spécificités et les ambitions grandissantes des courts-métrages, plus ou moins expérimentaux, de science-fiction,

- l’influence d’artistes d’avant-garde (peintres, sculpteurs, designers, affichistes, etc.) sur le cinéma commercial et ses représentations,

- les enjeux et l’apport spécifiques du numérique à une science-fiction visuelle plus exigeante et tendant vers plus d’abstraction (renouvellement des effets spéciaux, de l’esthétique),

- l’apport de la science-fiction à l’art contemporain (land art, hyperréalisme, art cinétique, installations, performances, édifices, art éphémère...),

- la culture underground (hippie et psychédélique, rock, punk, DIY...),

- la tension existant entre la marchandisation et les velléités artistiques de la science-fiction visuelle,

- les spécificités de la science-fiction visuelle européenne et/ou les convergences et divergences entre SF visuelle et avant-gardes américaines et européennes (ou issues d’autres continents),

- l’évolution de la place et du rôle des œuvres illustratives et plus généralement du paratexte iconique (couvertures, affiches, etc.)

Ouvrages et études suggérés

Ash Brian (dir.), The Visual Encyclopedia of Science Fiction, Londres : Pan Books/New York : Harmony Books, 1977.
Booker M. Keith, Alternate Americas: Science Fiction Film and American Culture, Westport : Praeger, 2006.
Bosson Yves et Abdelouahab Farid, Dictionnaire visuel des mondes extraterrestres, Paris : Flammarion, 2010.
Britain David, Eduardo Paolozzi at New Worlds. Science Fiction and Art in the Sixties, Londres : Savoy Books, 2013
Cartmell Deborah, Hunter I. Q., Kaye Heidi, Whelehan Imelda, Trash Aesthetics. Popular Culture and Its Audience, Londres : Pluto Press, 1997.
Chion Michel, Les Films de science-fiction, Paris : Les Éditions de l’étoile, 2008.
Dufour Éric, Le Cinéma de science-fiction, Paris : Armand Colin, 2011.
Holland Steve et Summersby Alex, Sci-Fi Art: A Graphic History, New York : Harper Design, 2009.
Johnston-Smith Jan, American Science Fiction TV: Star Trek, Stargate, and Beyond, Middletown : Wesleyan University Press, 2012.
Kripal Jeffrey J., Mutants & Mystics: Science Fiction, Superhero Comics, and the Paranormal, Chicago : Chicago University Press, 2011.
Poussin Gilles et Marmonnier Christian, Métal Hurlant, la machine à rêver, 1975-1987, Paris : Denoël, 2005, collection « Graphic ».
Simon Richard Keller, Trash Culture: Popular Culture and the Great Tradition, Berkeley : University of California Press, 1999.
Strauven Wanda (dir.), The Cinema of Attractions Reloaded, Amsterdam : Amsterdam University Press, 2006.
Westfahl Gary, Slusser George, Plummer Kathleen Church, Unearthly Visions: Approaches to Science Fiction and Fantasy Art, Westport : Greenwood Press, 2002.