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La conférence-spectacle : Jeux avec une forme savante

La conférence-spectacle : Jeux avec une forme savante

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Laboratoire Junior RéCréa - ENS-LSH Lyon)

La conférence-spectacle : Jeux avec une forme savante.

Appel à communication

 

Le laboratoire Junior ReCréA – Recherche et Création dans les Arts de la Scène organise une journée d’étude sur les formes de conférence-spectacle le jeudi 23 octobre 2014 à l’École Normale Supérieure de Lyon.

 

Argumentaire :

 

La transdisciplinarité à l’œuvre dans les arts de la scène depuis les années 1970 a donné naissance à des formes spectaculaires renouvelées : en nourrissant leur pratique de celles des autres, les artistes du cirque, de la danse et du théâtre ont repoussé les cloisons disciplinaires, explorant ainsi des formes marquées du sceau de l’hybridité. Si les disciplines artistiques se sont ainsi ouvertes les unes aux autres, elles s’hybrident aussi en investissant un mode d’expression a priori non-artistique : le discours scientifique ou universitaire.

Dans Pour une thèse vivante, la performeuse Claudia Triozzi met en œuvre une thèse pratique, interrogeant la relation du dire et du faire, de la théorie et du savoir-faire en confrontant différents types de performance (celle de la danseuse comme du boucher) et en convoquant des types de parole divers (du chercheur universitaire comme de la praticienne de la scène). En faisant une thèse, Claudia Triozzi s’empare d’une pratique et des codes d’un discours proprement universitaire, concevant sa forme spectaculaire comme l’exposition d’une recherche originale.

Avec d’autres enjeux, la forme elle aussi savante de la conférence se trouve mise en scène par de nombreux praticiens, sous la forme de conférence-spectacle, conférence-performance, conférence dansée, conférence gesticulée.

Cette journée d’étude se propose d’interroger, dans sa diversité et son foisonnement, le développement de cette forme aux contours peu définis, et qui participe, semble-t-il, à l’engouement plus général que l’on constate aujourd’hui pour les discours de connaissance. Les artistes, par la reprise sérieuse ou parodique de la conférence, mettent à distance et interrogent le processus d’élaboration d’un discours de vérité. Le jeu avec la forme, les conditions d’énonciation et l’invention d’une réception particulière seront au cœur de notre questionnement.

 

*La conférence e(s)t le spectacle : pratiques du discours

En s’emparant de la conférence et en la détournant par le biais de la pratique scénique, l’artiste interroge la constitution d’une parole, d’une adresse et d’une relation entre celui qui parle et ceux qui écoutent. Déjà les monologues fumistes de la fin du XIXe siècle, ceux écrits par Charles Cros et joués par Coquelin Cadet par exemple, réactivaient la filiation de l’acteur avec l’orateur : ces formes discursives spectaculaires ont-elles pu poser le cadre d’une première réflexion sur la « performance » du discoureur ? Avec quelles influences sur le siècle suivant ?

En posant le discours comme une pratique à part entière, analysée au XXe siècle par Erving Goffmann dans Façons de parler, l’artiste questionne le performatif à l’œuvre dans toute prise de parole et la dichotomie présupposée entre parole et action.

 

* La conférence et le spectacle : jeux et relations

Si la conférence-spectacle tend à se jouer de la définition courante de la conférence, celle d’un exposé didactique à destination d’un public averti voire spécialisé, elle pourrait aussi revivifier le sens ancien du terme – la conférence comme mise en commun – en proposant une réflexion sur la possibilité d’une assemblée que la relation spectaculaire semble avoir figée. Quel type d’adresse invente l’artiste dans ces formes hybrides où la leçon côtoie parfois le divertissement ou le détournement, où la transmission d’un savoir se trouve inquiétée ou simplement interrogée ? Peut-on parler d’un jeu – et en quel sens ? – avec la « relation pédagogique » induite par le discourant s’adressant à des auditeurs restant muets ?

 

*Formes de la conférence-spectacle :

Devant l’étendue de ces formes mêlant pratique du discours et discours sur les pratiques – qu’elles soient spécifiquement artistiques, ou sociales –, une typologie pourrait nous permettre de nous orienter au sein de ce phénomène qui résiste à toute assignation d’ordre générique. Entre les conférences scientifico-poétiques de la compagnie Vertical Détour, L’Art du Rire de Jos Houben ou la pratique de la conférence dans le cadre du projet de recherche artistique, historique et théorique des « Femmeuses », les enjeux varient. En s’hybridant, la conférence obéit à des logiques différentes qui vont de la médiation culturelle (appréhender le travail d’un artiste non plus par la seule confrontation avec l’œuvre, mais par sa parole sur l’œuvre) à l’exigence politique d’ « instruire pour révolter » (Scop Le Pavé – l’ambition des conférences gesticulées) ou de déconstruire le discours pour en révéler l’idéologie (Femmeusesaction #5). Avons-nous affaire à des objets irréductiblement dissemblables ? Le terme imprécis de conférence-spectacle, dont le trait d’union reste à questionner, rend compte d’un flou théorique et conceptuel : est-il acceptable méthodologiquement de tenter une classification de ces formes hybrides ?

 

*Discours, pratique et légitimité :

La conférence-spectacle, lorsqu’elle est l’œuvre d’un artiste parlant de sa propre pratique, interroge le chemin entre l’objectivité du discours scientifique (horizon de vérité voulu par le chercheur) et l’implication affirmée d’une subjectivité (celle de l’artiste). Dès lors, c’est aussi avec le témoignage (parler depuis son expérience) que flirte la conférence et c’est la question du rapport entre l’art et le savoir qui est alors posée1.

Lorsqu’elle est le fruit d’un dialogue entre l’artiste et le théoricien – Isabelle Launay et Latifa Laâbissi dans La Part du rite par exemple –, la conférence-spectacle pose la question de la légitimité de celui qui prend la parole et de l’articulation entre théoriciens et artistes : qui est le plus à même de produire un discours de vérité sur la pratique artistique ?

Qu’elle soit l’œuvre d’un artiste, d’un chercheur en art, d’un artiste-chercheur, d’un chercheur en sciences sociales – pensons à Chocolat, clown nègre, de Gérard Noiriel – cette forme hybride critique, par cette double-lecture de la réalité qu’impliquent le discours et la pratique, la construction de toute forme de légitimation ou de prise de pouvoir. Si nous souhaitions dans un premier temps questionner la forme même de la conférence-spectacle, le contenu de ces formes mixtes ne peut rester en marge de notre réflexion : qu’elle ait pour objet la pratique artistique elle-même ou des pratiques sociales diverses, la conférence-spectacle parle différemment d’un objet pris alors comme objet de recherche à part entière. Dans quels buts et avec quels résultats ?

 

Les propositions de communication (format .doc ou .pdf), d’une dizaine de lignes et comprenant un titre, sont à envoyer au plus tard le 25 juillet 2014 à Émilie Charlet, (ENS de Lyon) Milena Mogica-Bossard (Université Lumière Lyon II) et Adeline Thulard (Université Lumière Lyon II / Università degli Studi di Milano), à l’adresse : conference.spectacle@gmail.com

Comité scientifique : Mireille Losco-Lena (Professeur en études théâtrales à l’ENSATT – Lyon), Anne Pellois (Maître de conférences en études théâtrales à l’ENS de Lyon), Jean-Loup Rivière (Professeur en études théâtrales à l’ENS de Lyon).

 

ENS de Lyon

15 parvis René Descartes

69007 Lyon 

métro Ligne B – arrêt Debourg.

1 Cette spécificité des conférences d’artistes a donné lieu à un colloque, intitulé « Les Conférences d’artistes : entre fiction théorique et geste artistique », les 14 et 15 février 2013 à l’Université Rennes 2. http://www.univ-rennes2.fr/system/files/UHB/SERVICE-COMMUNICATION/Coll-ConfArtiste-web.pdf, consultée le 13 avril 2014.