Questions de société

"L'université Paris 8, d'une autonomie à l'autre", dossier "Educpros", 21/04/2011

Publié le par Arnaud Welfringer (Source : SLU)

 

"Portrait de fac – L'université Paris 8, d'une autonomie à l'autre", un dossier réalisé par Mathieu Oui, "Educpros", 21 avril 2011

Installée depuis 1980 en Seine-Saint-Denis, Paris 8 est une université atypique par son histoire, sa population et son approche pluridisciplinaire. En matière de finances comme de gouvernance, l'établissement a connu ces dernières années des bouleversements qui prendront un nouvel essor le 1er janvier 2012 avec le passage aux RCE (Responsabilités et compétences élargies). La fin d'une époque pour l'ancien centre expérimental créé dans la foulée de mai 68 ?

Jeune quadragénaire à l'histoire déjà riche et mouvementée, Paris 8 commence sa cinquième décennie sous le signe d'une nouvelle autonomie. Le passage aux RCE (responsabilités et compétences élargies) au 1er janvier 2012 signera-t-il la fin d'une époque pour l'ancien centre universitaire expérimental créé dans la foulée de Mai 68 ? L'avenir le dira. Mais, en matière de finances comme de gouvernance, l'université a connu ces dernières années quelques bouleversements. Succédant à la présidence de Pierre Lunel qui s'est soldée par une série d'actions en justice, l'équipe de Pascal Binczak a géré de front des dossiers majeurs. Outre l'assainissement des finances, la modernisation rapide de la gouvernance a été engagée dans la perspective de l'application de la loi LRU.

Si la recherche et la pluridisciplinarité sont les points forts de cet établissement à dominante de lettres et sciences humaines, d'autres points restent encore en suspens. Paris 8 souffre d'un certain isolement dans le territoire de Seine-Saint-Denis, tant d'un point de vue géographique que stratégique avec son absence dans la constitution des PRES franciliens.

L'université en chiffres

puce-32883.gif 22.000 étudiants en 2009-2010, dont 14.000 en licence et 1.600 doctorants.
puce-32883.gif 1.047 enseignants-chercheurs et 630 personnels BIATOSS.
puce-32883.gif 36 laboratoires et équipes de recherche, dont 7 rattachés au CNRS.
puce-32883.gif 11 UFR et 5 instituts, dont 2 IUT.

Paris 8 : points forts, points faibles

Installée depuis 1980 en Seine-Saint-Denis dans le nord de la capitale, Paris 8 est une université un peu atypique. De par son histoire d'abord : elle a été créée à Vincennes après Mai 1968 avec le statut de centre universitaire expérimental. Elle a accueilli quelques-uns des grands intellectuels du XXe siècle comme Michel Foucault, Gilles Deleuze ou Jacques Lacan. Atypique aussi par sa population, plus diversifiée que dans la plupart des autres universités, avec notamment 40 % d'étudiants salariés et 35 % d'étrangers. Une université à dominante de lettres et sciences humaines qui compte aujourd'hui quelque 22.000 étudiants.

Les points forts

Une tradition interdisciplinaire et d'innovation
Depuis sa création en 1970, l'université a toujours favorisé une approche pluridisciplinaire. Les programmes associent par exemple les mathématiques et la philosophie, ou la danse et l'économie. Paris 8 a également innové avec l'ouverture d'un centre d'études féministes ou d'un département de psychanalyse. Enfin, l'université est l'une des seules en France à offrir toute la gamme des disciplines artistiques (danse, théâtre, cinéma…).

Une tradition d'ouverture
Des étrangers aux travailleurs salariés, Paris 8 a toujours eu une forte tradition d'accueil, celle d'un public diversifié. Elle a en outre fait un effort particulier en matière d'accueil des étudiants handicapés. Un bémol sur les relations internationales marquées par un déséquilibre : si l'université compte 35 % d'étrangers, les étudiants de Paris 8 sont quant à eux assez peu mobiles.

Une recherche reconnue et de haut niveau
La dernière évaluation de l'AERES (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur), en 2008, souligne la qualité scientifique de plusieurs laboratoires en lettres et sciences humaines, arts et sciences sociales, avec 50 % d'unités de recherche classées A ou A+. Autre tradition forte à Paris 8, dans la plupart des filières, les étudiants de premier cycle sont régulièrement confrontés aux travaux des chercheurs.

L'arrivée prochaine des Archives nationales
En cours de construction, l'imposant bâtiment des Archives nationales se trouve à cinq minutes de l'université. Ce nouvel équipement devrait fonctionner en 2012 et déboucher sur des collaborations avec les chercheurs de Paris 8.

Les points faibles

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Pascal Binczak (président de Paris 8) : "La forte identité de l'université peut séduire ou gêner"

Élu en octobre 2006 et reconduit en juin 2008, Pascal Binczak revient sur la forte identité de Paris 8 et sur le passage aux RCE (responsabilités et compétences élargies).

En 2011, que reste-t-il du caractère expérimental de Paris 8-Vincennes fondée en 1970 ?

La pluridisciplinarité est encore une de nos marques de fabrique. Notre université constitue une forte attache pour les enseignants-chercheurs. Camille Peugny, jeune sociologue dont le travail sur le déclassement a eu beaucoup d'échos médiatiques, en est un exemple. Alors que Dauphine lui proposait deux années de décharge de service que nous ne pouvions lui offrir, il a malgré tout choisi Paris 8. Et l'université conserve également un pouvoir d'attraction assez irrésistible sur les enseignants étrangers, notamment américains.

Notre rayonnement international est d'ailleurs l'un de nos autres points forts. Nous avons 200 accords de coopération avec des universités étrangères, 160 cotutelles de thèse et 60% de doctorants étrangers. Bizarrement, le rayonnement international de Paris 8 est sans commune mesure avec son absence de rayonnement national.

Comment expliquez-vous cette situation ?

Francine Demichel a écrit un très beau texte à l'occasion des 40 ans de l'université sur la relation duelle de Paris 8 avec sa tutelle qui, comme le personnage principal de La Nuit du chasseur, oscille entre l'amour et la haine. L'image de centre expérimental, dont l'acte de naissance est lié à 1968, a défrayé la chronique. Cette très forte identité peut séduire ou gêner. Par ailleurs, l'université sort d'une période difficile, celle de la précédente présidence de Pierre Lunel, marquée par une absence de pilotage et un exercice déficitaire.

Depuis mon arrivée, il y a eu un énorme travail effectué dont rend d'ailleurs pleinement compte le rapport de la Cour des comptes de janvier 2011. La situation financière a été assainie, à travers une forte attention à nos dépenses et une politique très active de collecte de la taxe d'apprentissage. Le retard a été rattrapé, mais cela prend du temps. De même, corriger une image ne se fait pas du jour au lendemain.

Le passage de l'université aux RCE est prévu pour le 1er janvier 2012. Comment vivez-vous cette période de transition ?

De manière sereine et responsable. Les premières universités ayant expérimenté les RCE sont confrontées à des situations financières difficiles. Il est impératif de vérifier la soutenabilité financière de toute prise de décision. Cela passe par la connaissance exacte du glissement vieillesse technicité [GVT] et l'évolution de la masse salariale. Une personne dont le salaire est de 3.000 € nous coûtera 3.500 € dans cinq ans.

Il faut mesurer ce GVT pour pouvoir anticiper. Et la question se pose de savoir si l'on pourvoit tous les postes et sous quelle forme. Car notre volet annuel moyen de recrutement est d'environ 70 enseignants-chercheurs, ce qui correspond au renouvellement de 10% de l'équipe. C'est donc une grosse campagne de recrutement. Nous sommes actuellement dans le pic de recrutement qui devrait encore se poursuivre environ trois ans.

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Comment l'université se prépare aux RCE ?

Dans quelques mois, l'université passera aux RCE (Responsabilités et compétences élargies). Renaud Sioly, directeur de la DIPEFAS (Direction des personnels, des emplois, de la formation et de l'action sociale), détaille comment l'établissement se prépare à la nouvelle autonomie.

Au 1er janvier 2012, Paris 8 figurera dans la liste des universités accédant à l'autonomie. En interne, le chantier est lancé depuis plusieurs mois. Depuis février 2010, une nouvelle direction du personnel, la DIPEFAS (direction des personnels, des emplois, de la formation et de l'action sociale), a recentré en son sein l'ensemble des fonctions "gestion du personnel" autrefois dispersées entre plusieurs entités. Auparavant par exemple, la BU ou les IUT avaient leur propre gestion du personnel. "Avec la gestion directe de la masse salariale étatique, le budget passera de 30 millions à 130 millions d'euros, résume Renaud Sioly. Il devenait impératif de recentraliser toutes les fonctions de gestion du personnel pour réduire les risques de doublons et clarifier les procédures."

Outre les RH, les fonctions concernées en priorité par le passage aux RCE sont la direction des systèmes informatiques, la direction financière et la direction du patrimoine. Dans ses quatre domaines, les préconisations de l'IGAENR (Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche) portent notamment sur la formalisation écrite de procédures et la formation des personnels. En effet, et comme le relevait le rapport de la Cour des comptes de novembre 2010, l'université était marquée, traditionnellement et notamment dans sa gestion, par une "culture du non-écrit" et par des contacts directs entre les services et les composantes.

Une agence comptable

La direction financière a également été réorganisée avec la création d'une agence comptable autonome, "pour séparer le rôle d'ordonnateur de celui du comptable et permettre à chacun de spécialiser ses procédures". L'un des enjeux de l'autonomie budgétaire concerne la certification des comptes par un commissaire aux comptes. Autre direction stratégique, celle des systèmes informatiques (DSI) a été étoffée, par le biais d'un redéploiement de postes en interne et de quelques recrutements. "Ce n'est pas toujours facile de recruter des informaticiens, compte tenu du décalage de salaire entre le public et le privé, confie Renaud Sioly. On arrive finalement à recruter en externe, mais cela prend un peu de temps."

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Une nouvelle Maison de l'étudiant

Le nouveau site regroupera, en un seul lieu, l'ensemble des services de la vie étudiante.

L'orange et le vert font chanter les murs, mais le bâtiment est encore un peu vide, et pour cause : en ce mois de mars, la Maison de l'étudiant est en plein emménagement. Dans les pièces s'entassent mobiliers neufs et cartons. Inauguré dans quelques semaines, ce bâtiment d'un étage va rassembler l'ensemble des services de la vie étudiante pour "lui donner une meilleure visibilité". "Nous allons regrouper un ensemble de services qui étaient jusqu'à présent dispersés sur le campus", explique Kamel Aoudjehane, le responsable de la Maison.

Pour lire la suite sur le site Educpros ou sur le site de Sauvons l'Université !