Questions de société

"L'université en crise. Mort ou résurrection ?" (Revue du Mauss) + "Plaidoyer pour refonder l'université", par M. Baumard (Le Monde, 24/05/09)

Publié le par Bérenger Boulay

"L'université en crise. Mort ou résurrection ?", interroge la Revue du Mauss (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales).

"L'Université en crise", Revue du Mauss, n°33, Editions La Découverte, mai 2009, 384 pages, 25 €.

Sur le site de La Découverte:

Faudrait-il en finir avec l'Université, pour être résolument « moderne» ? N'est-ce pas cette mort programmée qui est au coeur des textesministériels de 2007-2008 et de la mobilisation, d'une rareobstination, qu'ils ont provoquée chez les universitaires et chercheurs? Certes, l'Université doit être réformée. Tout particulièrement enFrance où elle est le parent plus que pauvre, misérable, des « grandesécoles ».
La réforme LRU, avec son exhortation à l'autonomie a pu,un temps, séduire. Mais elle se traduit en fait par une diminution desmoyens et par un contrôle renforcé sur les enseignants-chercheurs.Accélérant la fragmentation générale des connaissances, transformées ensupposés savoirs experts, évaluées par une expertise automatisée, cevent de « réformes » mène à un abandon peut-être irréversible del'idéal humaniste et démocratique du savoir.
Devons-nous défendrel'institution et les « corps », réputés synonymes de lourdeur et decorporatisme ? La réponse, progressiste, est oui, car ils sont lesconditions de la liberté de penser et de la fécondité scientifique. Etdonc, aussi bien, de la vitalité de nos démocraties. Reste quel'université doit en effet être réformée en profondeur si elle doitrenaître. Encore faut-il que les propositions de réforme viennentd'abord de la communauté universitaire elle-même. Ce à quoi cenuméro - qui réunit des contributions venues de bords bien différents -voudrait contribuer. À la réinvention d'une démocratie universitaire. 

- Lire un compte rendu:  "Plaidoyer pour refonder l'université", par Maryline Baumard, Le Monde, 24 mai 2009 (article également reproduit au bas de cette page)

- Voir aussi: Vingt-neuf personnalités lancent un appel pour "refonder l'université" (LeMonde.fr | 14.05.09) et Les "refondateurs" refusent la récupération politique (LeMonde.fr 19/05/09)

Sommaire du numéro:

Présentation, par Alain Caillé et Philippe Chanial -  I. / L'Université en crise. Mort ou résurrection ? - A. / L'Université à la croisée des chemins - 1. L'idéal universitaire - Le discours de Harvard, par Drew Gilpin Faust - Léon Bourgeois, l'université et l'idéal républicain, par Serge Audier - Pour la renaissance de l'Université, par Léon Bourgeois - 2. La réalité universitaire aujourd'hui - La crise de l'Université française : une perspective historique et socio-démographique, par François Vatin (et A. Vernet) - Les réformes des universités en Europe, par Christine Musselin - Pourquoi il faut refuser l'actuelle réforme du statut des universitaires, par Olivier Beaud - Anonyme :  Lettre à un collègue disparu - @ Les mobilisations universitaires, par Jean-Paul Russier -  B. / Ravages de la marchandisation, mirage de l'évaluation, misère de la spécialisation - 1. La marchandisation en marche - « Les princes traitent toujours d'inutile ce qu'ils ne comprennent pas »,  par Michel Blay/de Fontenelle  - Publish or Perish ! La soumission formelle de la connaissance au capital, par Ahmet Insel - Réformes de Bologne et économicisation de l'enseignement supérieur, par Sandrine Garcia - @ Les nouvelles usines du savoir du capitalisme universitaire, par Christian Laval - @ Rationalités universitaires et travail en Amérique latine sous le néolibéralisme, par Alberto L. Bialakowsky et al. - 2. Mirages de l'évaluation quantifiée - La bibliométrie et les gardiens de l'orthodoxie, par Giuseppe Longo - Petits conseils aux enseignants-chercheurs qui voudront réussir leur évaluation, par Grégoire Chamayou - Les mirages de la bibliométrie, par Michel Berry -  3. Misères du savoir spécialisé - Misère du management, par Henry Mintzberg - Les économistes se réveilleront-ils en 2009 ?, par Geoffrey M. Hodgson - Pourrait-on enfi n avancer dans la réforme de l'enseignement de l'économie ?, par James Galbraith - Enseigner l'enthousiasme ? Sur l'enseignement de la psychiatrie, par Jean-Louis Chassaing - C. Quel avenir pour l'université ? -1. La querelle de l'autonomie - Universitaires, encore un effort pour être autonomes, par Bruno Latour - Autonomie des universités : l'imposture, par Thomas Piketty - Le loup et le chien, par Philippe d'Iribarne - Universités : réapprendre la responsabilité collégiale, par Catherine Paradeise et Yves Litchtenberger - Ouvrir l'université aux possibles démocratiques , par F. Flipo et L. Larqué - 2. Le corporatisme est-il réactionnaire ? Grandeur de l'institution - @ Les finalités de l'Université comme institution, par Michel Freitag - L'identité collective d'un corps enseignant , par Vincent Descombes - Des raisons de l'efficacité supérieure d'un ordre institutionnel sur l'ordre marchand, par Olivier Favereau et alii -  3. Propositions de réforme - Pour un cercle des professeurs disparus (Appel) - Depuis une cellule de détention pour professeurs désintéressés , par Hitoshi Yakusiin - Onze modestes propositions de réforme de l'Université, par Alain Caillé et François Vatin - La querelle des droits d'inscription, par Annie Vinokur -  II. Libre revue - Care, empathie et justice (fin), par Alice Le Goff.

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"Plaidoyer pour refonder l'université", par Maryline Baumard, Le Monde. Article paru dans l'édition du 24.05.09.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/23/plaidoyer-pour-refonder-l-universite_1197108_3224.html#ens_id=1183758

"L'université en crise. Mort ou résurrection ?", interroge la Revue du Mauss(Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales). Ce titre n'est pasune simple dramaturgie. Il reflète la crainte réelle qu'à l'issue deseize semaines de mouvement de grève des enseignants-chercheurs lepronostic vital de l'université soit engagé. Qu'on ne s'y trompe pas,les vingt-huit articles ne composent pas l'énième point sur le sujet,mais s'invitent dans le débat pour tenter de définir ce qu'estl'université, de comprendre les dérives qui la menacent et d'esquisserles solutions qui peuvent lui permettre d'éviter une lente agonie.

Au rang des définitions, Drew Gilpin Faust, premièreprésidente de la prestigieuse Harvard University, avait estimé en 2007que "l'essence de l'université est qu'elle estresponsable envers le passé et l'avenir d'une manière qui peut (doit)entrer en conflit avec les demandes du moment".

Mais sauvera-t-on l'enseignement supérieur en sauvantl'université, ou bien faut-il laisser périr l'université pour sauverl'enseignement supérieur français ? Il faut oser aborder le problèmeaussi ouvertement dans une France qui aime ses grandes écoles et leurconfie la formation de ses élites. Mais la Revue du Mausschoisit de confronter des regards et des approches. L'entretien avecHenry Mintzberg, professeur à McGill à Montréal, qui estime que "les business schools sont en train de détruire la pratique du management en prétendant que les manageurs sont des professionnels", donne le "la",alors que les écoles de commerce voient pourtant leurs effectifsgrossir d'année en année, et que le taux d'inscription en premièreannée d'université est tombé de 44 % à 34 % entre 1997 et 2007, commel'observe le sociologue François Vatin.

La question déborde d'ailleurs le seul cadre desgrandes écoles pour laisser, d'un côté, l'université et, de l'autre, untrès large système sélectif, public ou privé, de plus en plus prisé.Cette approche du débat a été un peu oubliée au fil des semaines dumouvement, mais la mise en concurrence de l'université la prive desmeilleurs bacheliers. Point crucial lorsqu'il s'agit de penser unerefondation et non plus de polémiquer sur l'autonomie.

La partie consacrée à ce sujet montre d'ailleurs que,là aussi, la revue n'a pas envie de tourner en rond. Si elle reprend deBruno Latour, directeur scientifique de Science Po, son plaidoyer pourla "liberté de recherche qui ne va pas sans une liberté de s'organiser", auquel l'article signé de l'économiste Thomas Piketty répond par un tonitruant "autonomie des universités : l'imposture",la nouveauté réside dans l'intervention à quatre mains de CatherineParadeise et Yves Lichtenberger. Les deux sociologues en appellent dansces pages à la "capacité des acteurs à s'entendre pour partager des objectifs, créant de fait une identité et une culture d'établissement".Une démarche qu'Alain Caillé, le directeur de la publication, aimeraitvoir s'élargir à une communauté universitaire plus large qui auraitenvie de prendre en charge son destin. C'est d'ailleurs dans cet espoirqu'il est à l'initiative, avec François Vatin, d'un manifeste pourrefonder l'université publié dans Le Monde du 16 mai, qui circuleaujourd'hui sur Internet.

Ce manifeste est né de l'article de la revue intitulé "Onze modestes propositions de réforme de l'université" et écrit par les deux sociologues. Quelques pages qui rebattent les cartes, de "la réforme des cursus", à la "réorganisation des disciplines" en passant par le "statut des universités".

Maryline Baumard