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L'optique des moralistes

L'optique des moralistes

Publié le par Marc Escola

Grenoble, Université Stendhal, 27-28 mars 2003 Colloque international: L'optique des moralistes

organisé par le Centre RARE (Rhétorique et Ancien Régime)

en association avec lUMR LIRE, le CRI (Centre de Recherche sur l'Imaginaire), et les Bibliothèques de la Ville de Grenoble

Comité scientifique :

MM. Emmanuel BURY (IUF/Versailles-St-Quentin), Francis GOYET (Grenoble-III), Jean-François PERRIN (Grenoble III), ph. Sellier (Paris-Sorbonne), Jean SERROY (Grenoble-III), Louis VAN DELFF (Paris-X), Ph. Walter (Grenoble-III).

Présentation

Les hommes et les affaires ont leur point de perspective. Il y en a qu'il faut voir de près pour en bien juger, et d'autres dont on ne juge jamais si bien que quand on en est éloigné. LA ROCHEFOUCAULD, maxime 104.

Celui qui voit avec un microscope aperçoit sans doute dans les choses plus de qualités ; mais il ne les aperçoit point dans leur proportion naturelle avec la nature de lhomme, comme celui qui ne se sert que de ses yeux. Image des esprits subtils, il pénètre souvent trop loin : celui qui regarde naturellement les choses a le bon sens.

VAUVENARGUES, Introduction à la connaissance de lesprit humain, 7, " Du bon sens ".

Méditant la leçon de Montaigne (" chaque chose a plusieurs biais et plusieurs lustres "), les moralistes classiques et leurs successeurs au siècle des Lumières nont cessé de travailler à cette " réforme du regard " quun Cioran, de nos jours, appelle encore de ses vux. Aiguisé par " le plaisir de voir clair " (Marivaux) ou par lambition de faire voir clair, leur regard empreint de suspicion (au sens étymologique) apprend à se déprendre de la séduction des perspectives flatteuses et des éclairages trompeurs, sexerce au réglage de la " bonne distance " (La Bruyère), et sefforce dinvestir des points de vue nouveaux, pluriels et décentrés. Cest dire que les nombreuses métaphores et notations optiques qui viennent sous leur plume du motif anamorphotique (Montaigne et La Rochefoucauld) à celui du microscope (Vauvenargues) ou de la " chambre obscure " (Chamfort, mais aussi Rousseau) sont autre chose et beaucoup plus que simples façons de parler (images convenues ou stéréotypes dexpression) : elles invitent à penser que le moraliste, comme le dit J. Mesnard au sujet de Pascal, " voit autant quil raisonne " ; elles marquent laffleurement de ce quil faut bien appeler un modèle optique de lanalyse morale.

Lhistoire de ce modèle reste sans doute à faire : celle de son " essai " par Montaigne, de son assimilation par les moralistes augustiniens du XVIIe, de sa reconfiguration au contact de lhumanisme rationaliste du XVIIIe. Des enquêtes magistrales, il est vrai, ont été menées ponctuellement : signalons par exemple les pages de M. Serres sur loptique de Pascal, les propositions programmatiques de Ph. Sellier sur " lanamorphose des grands hommes " chez La Rochefoucauld, celles dE. Bury sur " loptique de La Bruyère ", ou les contributions de L. van Delft à une " histoire du Spectateur ", précieux jalons pour une archéologie de cette catégorie majeure introduite par Marivaux. Un colloque sur loptique des moralistes de Montaigne à Chamfort devrait précisément permettre de réinvestir ces différents apports à lintérieur dune réflexion densemble, mettre en évidence la cohérence de la problématique générale à laquelle ils ressortissent, faire apparaître des convergences et des points de fuite