Inventer l'acteur. Émotions et spectacle dans l’Europe des Lumières
Laurence Marie
Presses de l'Université de Paris-Sorbonne
ISBN : 979-10-231-0555-1 — parution: 30/09/2018 — 480 p.
La publication à Paris, en 1747 du premier traité entièrement consacré au jeu dramatique entérine une évolution entamée au début du XVIIIe siècle. Avec la fascination exercée par les effets visuels, les comédiens et comédiennes ne sont plus considérés comme de simples déclamateurs, doubles médiocres de l’orateur : ils sont incités à mobiliser tout leur corps pour donner à voir les passions de leur personnage, parfois par-delà les mots.
La théorie du jeu s’élabore progressivement, à travers des échanges nourris entre les pays européens et à partir d’hybridations avec la peinture, la danse, la sculpture et la musique. En Angleterre et en Italie, ce sont avant tout les professionnels du théâtre qui s’essaient à créer et à légitimer l’art de l’acteur. Au contraire, en France et en Allemagne, les plus grands philosophes, parmi lesquels Voltaire, Diderot, Rousseau, Lessing, Humboldt ou Goethe, s’emparent de la question.
Pour les penseurs des Lumières, le corps en scène constitue un laboratoire sans égal, qui permet de réfléchir aux mécanismes régissant la production et la réception des émotions et, plus largement, de redéfinir en termes esthétiques les relations unissant la nature, l’auteur, l’œuvre d’art et le public. Ces expérimentations sur l’illusion, dont le Paradoxe sur le comédien de Diderot est l’exemple le plus fameux, contribuent à saper les fondements de l’imitation classique. Elles ouvrent la voie à des formes d’expression nouvelles dont se saisiront les romantiques et qui sont à l’origine des théories modernes du spectacle.
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Introduction
Une triple révolution
Le corps laboratoire
Histoire du théâtre, histoire des spectacles
Un corpus interdisciplinaire et européen
PREMIÈRE PARTIE
DE L’ORATEUR À L’ACTEUR
Chapitre 1. La déclamation contestée
Un art de la lecture et de la voix
Diffusion inégale du modèle français : Premières théories sans postérité – Résistances anglaise et italienne – Réforme allemande
Premières critiques : La Foire et le théâtre italien – Aaron Hill
Chapitre 2. Naissance du jeu naturel
Nouveaux modèles : Action anglaise – Improvisation italienne – Précurseurs français – Révolution londonienne
L’esthétique du tableau : Critiques des conditions scéniques – Du parallèle métaphorique au modèle pratique
Premiers traités de jeu
Chapitre 3. Fonder un nouvel art
Autonomiser et légitimer le jeu : Du métier à l’art – Intellectualiser la pratique – Pérenniser l’éphémère
L’acteur créateur : Théâtralité de la représentation – l’acteur auteur
Enseigner le jeu ? : Quel rôle pour les traités ? – Premières écoles
DEUXIÈME PARTIE
LE CORPS EN SCÈNE
Chapitre 4. Le jeu muet
Éloge de la pantomime : Jouer « de toute sa personne » – Le jeu muet
Le flux des passions : La peinture, nouveau modèle ? – Des passions aux émotions – Transitions
Vérité et bienséance : Garrick ou le juste milieu – La modération énergique – Les attitudes – L’acteur, modèle du peintre
Expérimentations sur l’illusion : La ressemblance et l’esquisse – L’admiration esthétique et la « demi-illusion »
Chapitre 5. Corps et âme
Maîtriser le sentiment par le jugement : Sainte-Albine – John Hill – Michel Sticotti – Diderot
L’enthousiasme sublime : Métamorphose – Enthousiasme et intelligence – Dépossession et irrégularité – Garrick et le « feu électrique »
Imiter des passions idéales : Imprimer sur l’âme l’idée de la passion (Aaron Hill, Sonnenfels et Mendelssohn) – Du corps à l’âme (Aaron Hill et Lessing)
De sang-froid : L’« émotion » théâtrale (Lang, Blondel de Brizé et François Riccoboni) – Une « copie continuelle » (Charpentier) – « Se passionner de sang-froid » (Rousseau) – Imiter « de sang-froid » le « modèle idéal » (Diderot) – Le jeu en trompe-l’œil (Garrick)
TROISIÈME PARTIE
UNE RÉVOLUTION ESTHÉTIQUE (1780-1815)
Chapitre 6. Le vrai et l’imagination
La belle nature sensualiste : Le beau jeu sensible (Du Fresnel, Rahbek, Murga, Murillo, Zeglirscosac) – Renouveau du modèle oratoire (Sheridan, Cludius, Hérault, Dorfeuille) – Montée en puissance de l’imagination (Tournon, Iffland, Mercier)
Le sublime : créer la nature sur scène : L’enthousiasme (Mlle Dumesnil, mémoires apocryphes) – Le circuit électrique du spectacle (Larive) – Jeu sublime versus jeu parfait (Talma)
l’imitation (ressemblante) de sang-froid : L’imitation extérieure (Mlle Clairon, Koller, Hunnius) – Sens artistique et imagination (Schröder)
Chapitre 7. Le beau idéal
Critique de l’imitation de la nature : « Idéalisme » contre « naturalisme » (Goethe, Tieck, Schiller) – Le beau contre le vrai (Reynolds) – La diction naturelle (Alfieri) – Talma ou la démesure
Deux nouveaux modèles : la sculpture et la musique : La fratrie Kemble – L’Allemagne et l’autonomie de l’œuvre d’art
Conclusion
De l’imitation à l’expression
Un laboratoire pour penser le théâtre moderne
Sources
Bibliographie critique sélective
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Laurence Marie est agrégée de Lettres modernes et docteur en Littérature comparée de l’université Paris-Sorbonne. Auteur de nombreux articles consacrés au spectacle et à l’évolution des idées esthétiques, elle a coordonné le chapitre « Théâtre » de l’Histoire des traductions en langue française. XVIIe-XVIIIe siècles et codirigé le volume Réécritures du crime. L’acte sanglant sur la scène.XVIe-XVIIIe siècles. Elle enseigne aux universités de Columbia et de New York.
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Voir le livre sur le site de l'éditeur…
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On peut lire sur laviedesidees.fr un article sur cet ouvrage :
"Le sacre du comédien", par Olivier Bara (en ligne le 23 septembre)