Agenda
Événements & colloques
L'invention littéraire autour de 1300

L'invention littéraire autour de 1300

Publié le par Marielle Macé (Source : Hélène Bellon-Méguelle)

L'invention littéraire autour de 1300

Colloque international Charles Bally

Université de Genève

4,5, 6 février 2009

Organisatrice : Hélène Bellon-Méguelle

Comité scientifique : Olivier Collet, Yasmina Foehr-Janssens et Jean-Yves Tilliette

Présentation

Ce colloque, renouant avec la tradition des colloques Charles Bally, se propose d'étudier la vie des lettres françaises autour des années 1300. Le choix de ce champ d'enquête découle d'un constat : le désintérêt, voire le mépris dont souffre cette période de l'histoire littéraire. A la lecture de la majorité des ouvrages retraçant l'histoire de la littérature médiévale, le lecteur peut avoir le sentiment déconcertant que pour ainsi dire rien n'a été écrit entre la rédaction de la continuation du Roman de la Rose par Jean de Meun et les premières oeuvres de Guillaume de Machaut, soit entre 1270 et 1340 environ ! Plus d'un demi-siècle est ainsi généralement passé sous silence. Cette indifférence peut être la conséquence de plusieurs facteurs comme l'absence d'un auteur ou d'une oeuvre emblématique de cette époque, la subtilité d'inventions qui procèdent plus de l'adaptation, du remaniement que du bouleversement radical, ou encore la mauvaise diffusion moderne des textes contribuant à leur méconnaissance.

Le règne des derniers Capétiens est une période cruciale de mutations politiques, économiques et sociales. Il s'agira de réfléchir sur la façon dont les auteurs ont pris en compte cette actualité ou, au contraire, ont tenté de lui échapper. Qu'écrivait-on alors ? Dans quels milieux littéraires ? Pour quels commanditaires et sous quelles formes ?

La vie intellectuelle connaît dans le même temps des transformations importantes. Héritière des modèles de pensée forgés au cours du XIIIe siècle, marqués notamment par la prééminence de la scolastique, elle évolue pour donner naissance au milieu du siècle suivant aux premiers humanistes français. La langue française s'affirme comme langue d'autorité, en témoigne les nombreuses traductions de textes latins réalisées à cette période, la diffusion des bibles en français ou encore l'apparition des moralisations en langue vernaculaire, dont l'Ovide moralisé est un des plus fameux exemples.

Nombre d'oeuvres littéraires de cette période sont présentées paradoxalement par la critique comme la survivance de genres déjà morts, pensons aux fabliaux écrits par Jean de Condé ou Watriquet de Couvin, aux chansons de gestes d'Adenet le roi ou de Girart d'Amiens, au roman de Jean Maillart, à la poésie de Guiraut Riquier « le dernier troubadour ». Pourtant, faut-il forcément penser les derniers avatars d'un genre en terme de dégradation ou de dégénérescence? Quelle est leur part de nouveauté? Comment leurs auteurs ont-ils joué des traditions les précédant et quelles impulsions leur oeuvre a-t-elle pu donner à la création à venir ? Au tournant du XIIIe siècle, il est notamment remarquable qu'Alexandre comme Renart connaissent une nouvelle vie, que des genres comme ceux de la poésie du non-sens ou celui de l'épopée courtoise fassent leur apparition, que de nouvelles formes poétiques comme celle du sonnet soient inventées.

Selon un autre lieu commun, les textes d'alors seraient l'illustration d'idéologies moribondes. Ainsi la chevalerie en voie d'extinction ne survivrait plus que par des manifestations artificielles, ostentatoires et bien peu héroïques. De la même façon, l'amour courtois, réduit à des conventions et à une étiquette dénuée de profondeur et de sincérité, n'aurait plus rien à voir avec la fin'amors chantée par les poètes du XIIe siècle. L'idée de déclin, si bien défendue par Johan Huizinga, a peut-être éclipsé les innovations qui marquèrent dans ces domaines le tournant du XIIIe siècle et dont la littérature s'est nourrie : la ritualisation de la chevalerie et de ses codes par la création des cérémonies de voeux, par celle des ordres de chevalerie ou par le développement de l'héraldique, le raffinement des pratiques courtoises ou encore la conciliation de l'amour et du mariage. Tous ces phénomènes ne sont-ils que pures formes vides de substance ? A ce propos, l'idée d'évolution n'est-elle pas plus juste que celle souvent un peu trop vite adoptée de décadence ?

Il est une question connexe à celle de la création littéraire que nous aimerions aborder à l'occasion de ce colloque, à savoir celle de la production manuscrite à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle. Témoignent de son importance la multiplication des lecteurs comme des libraires, le développement des centres de production, le début d'une fabrication des livres à grande échelle, l'apparition des premiers bibliophiles. Il n'est pas anodin que les chefs d'oeuvre du XIIe et du XIIIe siècles nous aient principalement été transmis par des manuscrits du XIVe siècle. A la même période, le décor des manuscrits profanes s'enrichit considérablement, l'iconographie courtoise fait son apparition, les marges s'ornent de drôleries. Ces constatations pourraient déboucher sur la question plus large de la laïcisation des arts qui semble marquer très fortement l'époque que nous proposons d'étudier.  

Ce colloque a pour ambition de réunir des spécialistes de divers horizons et de diverses spécialités autour d'une période méconnue de l'histoire littéraire afin de lui rendre justice, ou tout du moins, de la mettre en lumière. 

Les axes de recherche envisagés pour la période 1270-1340 sont donc principalement :

  • Les notions de continuité et d'innovation dans la littérature française
  • La littérature et l'actualité
  • L'évolution de l'idéologie courtoise et chevaleresque
  • L'histoire des idées et la vie intellectuelle
  • L'histoire des manuscrits et des livres

Programme

Mercredi 4 février

Uni-Bastions – salle B 112

9h00-9h30       Accueil

9h30-10h00     Introduction

Litterati

10h00-10h30   Jean-Yves Tilliette (Université de Genève)

Adapter, transposer, exposer. Aspects de la réception de la poésie ovidienne dans la littérature française autour de 1300

10h30-11h00   Mattia Cavagna (Université Catholique de Louvain)

Le miroir du texte latin : Jean de Vignay et la traduction-calque comme principe stylistique

11h00-11h30   Frédéric Duval (Université de Metz)

Interpréter le Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville

11h30-12h00   Discussion

La noblesse des lettres

14h00-14h30   Yasmina Foehr-Janssens (Université de Genève)

La noblesse des lettres autour de 1300 (Baudouin de Condé, Dante)

14h30-15h00   Colette Van Coolput-Storms (Université Catholique de Louvain)

Autour de Charles de Valois

15h00-15h30   Discussion et Pause

Culture et  pouvoir

15h30-16h00   Anne-Françoise Leurquin (Paris, IRHT)

La Somme le roi : de la commande royale de Philippe III à la diffusion sous Philippe IV et au-delà

16h00-16h30   Serge Lusignan (Université de Montréal)

Culture écrite et langue française à la cour de Philippe le Bel

16h30-17h00   Discussion

Jeudi 5 février

Uni-Bastions – salle B 112

Littérature et histoire

9h00-9h30       Philippe Frieden (Université de Lausanne)

« Tozjors sent le mortier les aux » : la Chronique métrique à l'ombre du B.N.fr. 146

9h30-10h00     Laurent Brun (Université de Stockholm)

Les Chroniques agrégées (ou Manuel d'histoire dit de Philippe de Valois) et Renart le Contrefait : à l'intersection de l'histoire et de la littérature

10h00-10h30   Discussion et pause

Preux et chevaliers

10h30-11h00   Janet Van der Meulen (Vrije Universiteit Amsterdam)

Jacques et Jacob. Le Nord et « l'invention » des Neuf Preux

11h00-11h30   Nancy Freeman-Regalado (Université de New York)

Les ailes des chevaliers et l'ordre du manuscrit Douce 308

11h30-12h00   Discussion

Cologny Fondation Bodmer – salle historique

Des livres et des hommes

15h30-16h00   Alison Stones (Université de Pittsburgh)

La production de manuscrits littéraires aux environs de 1300 entre Cambrai et Saint-Omer, les mécènes et les liens stylistiques des peintres

16h00-16h30   Marie-Hélène Tesnière (Bibliothèque Nationale de France)

Textes français vers 1300 : le fonds ancien de la librairie de Charles V

16h30-17h00   Sylviane Messerli (Fondation Martin Bodmer, Cologny)

17h00-17h30   Discussion

Vendredi 6 février

Uni-Bastions – salle B 112

Bousculer les mots

9h00-9h30       Jean-Claude Mühlethaler (Université de Lausanne)

Dérapages verbaux chez Adam de la Halle : pour une relecture du Jeu de la Feuillée

9h30-10h00     Patrice Uhl (Université de la Réunion)

La sotte chanson et le renouvellement des formes poétiques : les jeux-partis parodiques de Roland de Reims (Oxford, Bodleian Library, Douce 308) et les fatras entés de Chaillou de Pesstain (Paris, BNF, fr.146)

10h00-10h30   Giovanna Angeli (Université de Florence)

Les Fatrasie d'Arras : « Fin » et « commencement » d'un genre

10h30-11h00   Discussion et Pause

Renouvellement littéraire

11h00-11h30   Fabienne Pomel (Université de Rennes II)

Songe, fiction allégorique et figures de l'écrivain chez Guillaume de Digulleville

11h30-12h00   Jacqueline Cerquiglini-Toulet (Université de Paris IV-Sorbonne)

L'amour au secret. L'invention lyrique en 1300

12h00-12h30   Discussion

Renouvellement littéraire (suite)

14h00-14h30  14h00-14h30  Francine Mora-Lebrun (Université de Versailles-Saint-Quentin-les Yvelines)

Du Châtelain de Couci au Roman du Comte d'Anjou, renouvellements de la forme et de l'imaginaire romanesques au tournant du XIIIe et du XIVe siècles

14h30-15h00   Hélène Bellon-Méguelle (Université de Genève)

DiscussionL'invention du passé dans les Voeux du paon

15h00-15h30   Discussion

15h30-16h00  Clôture