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L'Insignifiant

L'Insignifiant

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Audrey Camus)

L'INSIGNIFIANT, texte d'orientation

Tout ce qu'on introduit dans un roman devient signe : impossible d'y faire pénétrer un élément qui peu ou prou ne le change, pas plus que dans une équation un chiffre, un signe algébrique ou un exposant superflu.
Julien Gracq, En lisant en écrivant

L'insignifiant, en matière de récit, est digne d'attention.

C'est déjà sur cette observation que Barthes fondait, en 1968, son étude de l'effet de réel : pourquoi la narration se paierait-elle le luxe de détails inutiles ? À défaut d'une fonction, la notation insignifiante devait avoir une signification.
Si l'on a remis en cause depuis le mécanisme de l'effet de réel, la question de l'insignifiant n'en demeure pas moins pertinente à plus d'un titre.

Est insignifiant ce qui ne présente aucun intérêt. Or une histoire est toujours extra-ordinaire. De même qu'on ne parle pas pour ne rien dire, le seul fait de raconter suppose que ce que l'on raconte soit digne de l'être. La fascination qu'exerce au vingtième siècle le pas grand-chose et le presque rien sur les écrivains comme sur les critiques, qu'ils prennent la forme de l'impudeur, de l'ironie ou de la réticence, tient sans doute dans cette contradiction : décrire l'infra-ordinaire implique bel et bien de lui donner un sens, l'insignifiant perd son insignifiance dès qu'on l'interroge.

Est insignifiant ce qui n'est pas important, n'a pas de conséquence. Or la narration nécessite un agencement des faits, impose tri et sélection. Le lecteur, à l'instar de Barthes confronté à la superfluité manifeste, est fondé à chercher la signification de ce qui, en premier lieu, semble n'en pas avoir. N'est plus insignifiant ce qui déjoue l'interprétation, mais bien ce qui doit nécessairement être interprété. C'est l'ambivalence du détail que de pouvoir désigner à la fois l'anodin et la voie d'accès au particulier, selon que, pour reprendre la distinction établie par Daniel Arasse, il est particolare – petite partie d'un objet ou d'un ensemble – ou dettaglio – résultat d'une sélection opérée par l'observateur –. De ce point de vue l'insignifiant, qui change de polarité selon qu'il est jugement critique ou revendication, pose également, en tant qu'objet de dédain, la question de la valeur.

Est insignifiant, pour finir, ce qui n'a pas de signification, de sens. L'insignifiant alors ne réside plus obligatoirement dans l'infime, mais peut aussi bien surgir de la prolifération ou de l'indifférenciation. Tantôt il tend vers l'illisible, suscitant encore une fois la décision d'interpréter que commande l'opacité des signes au même titre que leur apparente banalité, tantôt il cherche à exprimer la présence brute. Or le récit, c'est une conséquence de ce qui précède, peut être perçu comme un lieu de sécurisation ontologique : il transmue les personnages en protagonistes, les lieux en théâtre et les faits en événements. Dès lors, l'expression de l'insignifiance du réel, que revendiquait Robbe-Grillet en 1956 comme « Une voie pour le roman futur », est-elle possible ?

Autant de pistes, non exhaustives, sur lesquelles vous êtes invité à réagir.



Les propositions (300-500 mots) sont à envoyer à Audrey Camus avant le 20 juin 2006 à cette adresse : audrey.camus@wanadoo.fr
Les articles, destinés à être réunis en volume, adjoints aux contributions du séminaire jeunes chercheurs du CERACC qui s'est tenu à Paris III en 2004-2005, n'excéderont pas 25000 signes (espaces compris) et devront être remis le 15 novembre au plus tard, pour une parution en 2007.

Responsable : Audrey Camus
Centre d'Études sur le Roman des Années Cinquante au Contemporain (CERACC)
UMR 7171 « Écritures de la modernité », Université Paris III - CNRS

Comité scientifique : Audrey Camus, Marc Dambre, Marie-Madeleine Fragonard, Philippe Hamon.