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Séminaire :

Séminaire : "L'indiscipline: une ambition pour les disciplines?" (Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Lia Kurts-Wöste)

« L’indiscipline : une ambition pour les disciplines ? »

Lia Kurts-Wöste

 

Présentation générale : 

Avec la notion d’« indiscipline » (nous empruntons cette notion à Yves Citton, qui l’emprunte à Laurent Loty[1]), il s’agit d’interroger les liens complexes qui existent entre les différents critères régulant la pratique scientifique dans les SHS: consistance disciplinaire, cohérence épistémologique et critères « exogènes » (éthiques, anthropologiques, socio-historiques, philosophiques, académiques…). Avec une question sous-jacente fédérant l’ensemble des problématiques : y a t-il (peut-il ou doit-il y avoir) dans les SHS un point de vue fédérateur, régulateur, centré sur une définition plus ou moins implicite de ce qui vaut pour l’humain ? Que l’on puisse ou non appeler « philosophie » du scientifique un tel point de vue régulateur, en quoi a t-il à voir de façon fondamentale avec l’« indiscipline »? (voir l’argumentaire en fin de document)

Le service audio-visuel de l’université Bordeaux-Montaigne a enregistré les premières séances, qui sont accessibles, avec l’accord des intervenants, sur le site de l’Université (youtube). 

 

Calendrier et programme :

Séminaire avec invités.

Les séances auront lieu à la rentrée prochaine le lundi de 19h30 à 21h30 dans la salle de conférences de la maison Heinrich Heine (Paris, Cité Universitaire).

2018-2019 

S1

26 novembre 2018, Guillaume Le Blanc (Paris Est Créteil): « Philosophie, contre-culture et indiscipline » et François Rastier (CNRS-Inalco), discutant : « Indiscipline fédérative ». Modération : Lia Kurts

S2

28 janv. 2019 Baldine Saint Girons (IUF): « Sublimation et indiscipline » (à propos de la philosophie du sublime) et Michel Guerrier (IUF, Toulouse) « Humanisme et indiscipline ». Modération : Lia Kurts Avril 2019(à préciser) Laurent Loty (CNRS)/ Myriam Suchet (Sorbonne nouvelle): indisciplinarité et sérendipité. Modération : Lia Kurts

2018 (Rappel)

Lundi 4 décembre 2017. Muriel Van Vliet (CEPA, Paris 1): « Philosophie et littérature : étude d'un cas d'interdisciplinarité exploré par Ernst Cassirer dans Idée et figure » 

S2

Lundi 29 janvier 2018. Bertrand Guest (Angers) : « Fraternelles indisciplines des Humboldt. Une autre université a-t-elle été possible ? »

 

Argumentaire :

Dans Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? (Ed. Amsterdam, 2007), Y. Citton associe le champ du « disciplinaire » à une menace de « formatage » de la pensée, l’« indisciplinarité » et le champ de l’« indisciplinaire » se définissant a contrariocomme une victoire de l’individu s’émancipant des dogmes et de la figure de l’ « expert ». Il définit ainsi l’« indisciplinarité » comme une attitude de recherche et de réflexion cherchant non seulement à croiser horizontalement les approches développées par différentes disciplines (comme le fait l’interdisciplinarité), mais aussi à intégrer verticalement les sensibilités et les savoirs développés par chaque individu au sein des différentes sphères de son existence (professionnelle, artistique, citoyenne, religieuse, sportive, etc.).

Si l’« indisciplinarité » ainsi revendiquée a ses séductions dans la mesure où elle a à voir avec  le rejet des dogmes – l’« indisciplinaire » étant alors compris comme l’indispensable caractère « indiscipliné » d’une pensée qui ne cesse d’interroger sur un mode critique les points de vue et les pratiques existants, qu’ils soient ou non dogmatiques – cette « indisciplinarité » nous paraît dans le même temps symptomatique d’une certaine tendance socio-historique de notre modernité: celle qui consiste à penser le rapport du sujet au monde globalisé sur un mode privé, où l’ « indiscipline » pourrait avoir tendance à s’approcher – même si la position d’Y. Citton est plus complexe - d’une position hypersubjective et anhistorique, conçue comme une victoire du jugement privé sur les écoles et les institutions (approche que constatait par ex. récemment P. Desan à propos des lectures actuelles de Montaigne). 

Nous nous proposons de réfléchir durant ce séminaire aux formes possibles d’« indisciplinarité » qui n’abandonnent en rien l’exigence de liberté de la pensée, mais considèrent que, si le chercheur peut rester un être « complet » doué d’affects et de responsabilité, la question du point de vue (les disciplines étant des points de vue) ne peut être évacuée sous peine de tomber dans des approches projectives qui ne se soucient plus guère de caractériserla spécificité des objets qu’elles se proposent d’étudier et risquent de manquer leur altérité. 

La métaphore du réseau nous paraît la mieux à même ici de définir le point de vue disciplinaire : réseau de contraintes et de critères, qui font sa consistance, mais dont - il faut bien l’admettre - la cohérence fait parfois défaut. L’indiscipline consiste alors à traquer les réseaux « mal ficelés », le caractère exogène de tel ou tel tramage, fait de projections métaphysiques, de forçages institutionnels, de forçage des représentations ; elle consiste donc à se soumettre à des procédures prescrites par autre chose que par l’institution ou les représentations en cours, au nom d’une exigence supérieure.

Les liens entre indiscipline et épistémologie critique seront ainsi interrogés et à chaque fois redéfinis à partir d’un point de vue spécifique, où il s’agira d’éviter de faire rimer indépendance d’esprit avec égotisme : l’indiscipline comme vertu scientifique, au nom de quelle ultima ratio ?

A la suite de ce séminaire, M. Sandro Landi, directeur de l’Ecole Doctorale « Montaigne Humanités » de l'Université Bordeaux-Montaigne, prévoit la publication d’un numéro spécial sur l’indiscipline dans la revue Essais.

 

NOTES

[1]- Loty Laurent, « Sens de la discipline... et de l'indiscipline. Réflexions pour une pratique paradoxale de l'indisciplinarité », Pour l'Histoire des Sciences de l'Homme, bulletin de la Société Française pour l'Histoire des Sciences de l'Homme, n° 20, automne 2000, p. 3-16.

- Loty Laurent,  « Pour l'indisciplinarité », The Interdisciplinary Century ; Tensions and convergences in 18th-century Art, History and Literature, ed. by Julia Douthwaite and Mary Vidal, Oxford, SVEC, Voltaire Foundation, 2005, p. 245-259 [version revue et corrigée du texte de 2000] 

http://science-societe.fr/loty-laurent-pour-lindisciplinarite/