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L'imposture à l'âge classique

L'imposture à l'âge classique

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Delphine Amstutz)

L'imposture à l'âge classique Journée d'étude (C.E.L.L.F. 17-18)

« Imposture ! » : l'accusation envahit aujourd'hui l'actualité. Mais alors que les enquêtes journalistiques dénoncent à l'envi les impostures – mondaines, professionnelles, financières, etc…-  et mènent une chasse aux sorcières contre les imposteurs de tout crin, l'idée d'imposture a souvent été ignorée, curieusement soustraite à la réflexion. « Imposture ! », « Imposteur ! » -- interpellations, apostrophes, calomnies, ces termes dont la signification se déduit entièrement de leur contexte d'énonciation semblent étrangement familiers, mais irrémédiablement évanescents.  Pourtant, « philosophème-clef pour toute une période », l'imposture autorise la délinéation d'une « histoire des pensées hétérodoxes entre Renaissance et Lumières » (J-C. Darmon). L'imposture, et les représentations d'imposteurs qu'elle engendre, pose la question, essentielle et assurément moderne, moins de l'identité, que de la légitimité à être, à parler, à agir, à savoir. Démystifiante, la question de l'imposture dévoile sa fécondité heuristique quand on l'aborde par le biais de son rapport à la vérité, ou plus généralement, à la norme. L'accusation d'imposture, lorsqu'elle porte sur une vérité admise, est l'indice d'une redéfinition des frontières entre les différents domaines de compétence et d'action, les divers champs du savoir et de la connaissance.

Objective, cette accusation présente également un revers subjectif : le « sentiment d'imposture », qui semble éclore à l'âge classique. De Phèdre aux Confessions, des moralistes à Adolphe, le sentiment d'imposture s'immisce dans l'espace laissé vacant par l'ancienne herméneutique médicale, et pas encore conquis par les théories de la psychologie moderne. Le « sentiment d'imposture » ouvre la voie à une véritable anatomie de l'intime.

Art de l'imitation, sinon du canular (pensons à nos modernes « impostures téléphoniques »), tactique concertée, l'imposture relève bien d'une technique virtuose : celle de s'imposer ou d'en imposer à autrui. A l'âge classique, le terme conserve ainsi une riche et troublante indétermination axiologique, tantôt « calomnie » (Dictionnaire de l'Académie, 1ère éd 1694), « tromperie, mensonge » (Furetière, 1690), tantôt « illusion des sens », ou « trompe- l'oeil » artistique, tantôt enfin « tromperie innocente » (Furetière) dans le domaine moral. Représentées dans les oeuvres des XVIIe et XVIIIe siècles, sous les espèces de l'usurpateur, du faux-dévot, du valet travesti, de l'hypocrite, etc., les conduites artificieuses, les manoeuvres roublardes, les menées insidieuses caractéristiques de l'imposture se laissent également interpréter comme des stratégies adoptées par les auteurs eux-mêmes. A l'heure où se constitue, dans la duplicité, le « premier champ littéraire », l'imposture littéraire s'invente.

On mettra l'accent sur l'une ou plusieurs de ces problématiques :

-       l'accusation d'imposture en contexte polémique (apologétique, historiographie, sciences, politique) : enjeux philosophiques, analyses pragmatiques.

-      l'imposteur comme figure d'auteur, l'imposture comme stratégie auctoriale ou éditoriale. La réception de l'imposture littéraire (l'anonymat, la pseudonymie, la censure, le scandale littéraire). Les ressources génériques et les outils stylistiques de l'imposture littéraire (citation, pastiche, etc.)

-       généalogie et archéologie de la notion d'imposture littéraire

-      les représentations de l'imposteur dans la fiction (avatars de l'imposteur, constitution d'une topique propre à l'imposture dans la fiction)

-       la naissance du « sentiment d'imposture » chez les moralistes, dans les mémoires, la fiction…

La journée d'étude s'adresse en priorité aux jeunes chercheurs. Les propositions de communication (de 300 mots environ) sont à envoyer avant le 10 avril 2010 à l'adresse suivante : cellf1718.colloque@gmail.com

La journée d'étude se tiendra le 5 juin 2010 à la Maison de la Recherche de l'Université Paris-Sorbonne (Paris-IV). Les communications retenues seront mises en ligne sur le site internet du C.E.L.L.F. (http://www.cellf.paris-sorbonne.fr/).

Organisateurs : Delphine Amstutz, Eva Bellot, Cécile Toublet, Charles Vincent (Paris-Sorbonne).