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"L’homme quadridimensionnel". Speech and Reality d’Eugen Rosenstock-Huessy, quarante ans après, par Th. Laisney (en-attendant-nadeau)

Publié le par Marc Escola

"L’homme quadridimensionnel" par Thierry Laisney

en ligne sur en-attendant-nadeau le 19 novembre 2019

 

Il y a exactement cinquante ans paraissait Speech and Reality d’Eugen Rosenstock-Huessy (1888-1973). L’auteur y défend l’idée que la grammaire doit constituer le véritable organon de la recherche en sciences sociales.

Eugen Rosenstock-Huessy, Speech and Reality. Argo Books,  202 p., 15 €

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Un mot de présentation de cet auteur dont on ne parle plus guère aujourd’hui que parce qu’il a été l’ami intime et le correspondant de Franz Rosenzweig. Eugen Rosenstock naquit à Berlin de parents juifs. Il se convertit au christianisme à la fin de l’adolescence. Docteur en droit puis docteur en philosophie, il devint professeur à l’université de Breslau avant d’émigrer en 1933 aux États-Unis, où il passa le reste de sa vie, enseignant d’abord à Harvard, ensuite au Dartmouth College.

Selon Rosenstock, la société est menacée par quatre maux. La réalisation complète de l’un d’entre eux suffirait à la détruire. Ces maux sont l’anarchie, la décadence, la révolution et la guerre. L’anarchie (encore appelée « crise » ou « dépression »), c’est le manque de solidarité interne, un « défaut de coopération et d’inspiration commune ». La décadence, l’inaptitude à envisager l’avenir, à transmettre. La révolution, la volonté de liquider le passé. Quant à la guerre, c’est la tentative de s’approprier un territoire extérieur.

Or, ces maux ont leur traduction dans le langage. Dans l’anarchie, les mots n’ont plus le même sens pour les divers locuteurs qui les emploient. C’est comme si, observe Rosenstock, les membres d’un équipage ne parlaient plus la même langue. Dans le cas de la décadence, un langage vivant fait place à des formules mortes, un rituel pétrifié. Lors des révolutions, le langage du passé est dénigré (on peut aller jusqu’à changer les noms des mois du calendrier). La guerre est l’absence de toute parole. […]

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