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L'expérience, 2ème volet

L'expérience, 2ème volet

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Laure de Nervaux-Gavoty)

Colloque international "L'expérience"

Université Paris-Est Créteil

Du 16 juin 2011 au 18 juin 2011


Lorsque W. Benjamin annonce, en 1933, dans l'un de ses écrits français intitulé « Le Narrateur », que « le cours de l'expérience a baissé », il circonscrit et souligne l'un des défis majeurs que le XXe siècle aura posé à la conscience humaine. Il attire l'attention sur une mise en crise d'une notion essentielle, profondément attachée à la constitution et à l'élaboration du savoir tel qu'il a été défini à l'origine même de la modernité. La remise en cause du dogme, le passage d'un corpus de certitudes à un savoir élaboré en commun à partir de l'observation de la réalité, placent l'expérience du sujet au centre du processus d'élaboration de la connaissance. Depuis An Essay Concerning Human Understanding de Locke jusqu'aux travaux des phénomémologues, l'expérience a constitué le point exact de nouage entre le sujet de la connaissance et son objet. Ce lien indéfectible, qui est la marque de la modernité, permet notamment à Conrad d'établir, dans la préface de The Nigger of the Narcissus, la complémentarité des voies artistique et scientifique de la connaissance.

Dans l'usage commun, le terme d'expérience désigne, indifféremment, d'une part le savoir élaboré empiriquement à partir du passé, sous la forme de l'expérience acquise, et d'autre part le savoir tiré de l'expérimentation envisagée comme savoir à venir, produit par le biais d'une modélisation du réel. Mais ce terme sert également à cerner le savoir en devenir : ce qui, dans la constitution du savoir, relève de la singularité d'un être-au-monde inscrit dans un présent irréductiblement subjectif. Le concept d'expérience permet de cerner cette part subjective, et inséparable d'un avoir-lieu, pour en faire un objet échangeable. Ces trois aspects de la notion d'expérience présentent un fort dénominateur commun : la distance que suppose l'observation, le recul et la réflexivité de la conscience – une distance posée comme base de la connaissance. La constitution de la chose vécue en objet d'expérience apparaît comme le premier acte de libération vis-à-vis d'une tyrannie du « ressenti », de l'immanence du « vécu », pour en faire un objet d'observation, une chose objectivée, et donc échangeable, un bien à la fois individuel et collectif, un objet de savoir en chemin vers une forme d'universel. Le terme d'expérience est utilisé par le poète et par le physicien, l'historien et le romancier, le psychanalyste, le médecin et le sociologue, dans des acceptions propres à chaque mode de production du savoir, mais qui affirment une vocation et une ambition communes à toutes les disciplines artistiques et scientifiques.

Ce colloque sera l'occasion d'examiner comment l'histoire, la philosophie, la littérature et les arts ont exercé des formes de vigilance propres à l'égard de la notion d'expérience si centrale dans la conception moderne de la construction du savoir et de l'idéal de connaissance. Il se proposera d'explorer la façon dont les disciplines artistiques et scientifiques ont participé à son enrichissement jusqu'à s'interroger, comme le fait W. Benjamin, sur son devenir tel que le XXe siècle a pu le mettre en danger.


 Comité scientifique :
- Julien Amoretti (Université Paris-Est Marne-la-Vallée) : julien.amoretti@free.fr
- Françoise Bort (Université de Dijon) : francoise.bort@free.fr
- Laure de Nervaux-Gavoty (Université Paris-Est Créteil) : denervaux@u-pec.fr
- Wendy Ribeyrol (Université Paris-Est Créteil) : wendy.ribeyrol@neuf.fr