Questions de société

"L'excès d'enseignants contractuels, plaie du système scolaire africain" (Afrik.com, Poolp - 27/10/09)

Publié le par Bérenger Boulay

L'excès d'enseignants contractuels, plaie du système scolaire africain

http://www.auboutduweb.com/poolp/index.php?post/2009/10/29/Lexces-denseignants-contractuels-plaie-du-systeme-scolaire-africain

«Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance. »Cette citation d'A. Lincoln a servi de slogan dans nombre de mouvementsd'opposition aux réformes dites libérales des services publicsd'éducation, un peu partout dans le monde. Il est des lieux où, sous lapression des institutions financières internationales, elle a pourtantété expérimentée. Résultats, quelques années après, à lire ci-dessouspour l'Afrique. De quoi réfléchir alors qu'en France la réforme de laformation des enseignants, dite de « mastérisation », aura pour rapideeffet de mettre « sur le marché », comme on dit, des bataillons serrésde potentiels enseignants contractuels (formés, il est vrai, à « bac+5», de manière très chaotique cependant, comme le rappelle, entreautres, la 5è Coordination nationale de la Formation des enseignants).
Et quant à ceux qui croient de telles logiques réservées à des pays pouilleux du Sud de la planète, qu'ils lisent, en annexe d'un billet de Poolp du 7 avril, l'analyse de C. Murolo: "Mastérisation des Concours pour l'Enseignement secondaire : l'épilogue italien".

Lu sur Afrik.com :

"L'excès d'enseignants contractuels, plaie du système scolaire africain"


Mardi 27 octobre 2009, par Lola Simonet

http://www.afrik.com/article17857.html


La Conférence sur la situation des enseignants contractuels en Afrique a ouvert ses portes à Bamako
La multiplication des enseignants contractuels, non fonctionnaires etpeu coûteux, affaiblit à terme la qualité des savoirs dispensés dansles écoles primaires et secondaires africaines. Un problème majeur surlequel se penchent, depuis mardi, les experts internationaux del'éducation en Afrique réunis au Mali pour la Conférence sur lesenseignants contractuels Bamako +5 prévue jusqu'au 29 octobre.

Plus que quatre millions d'enseignants supplémentairesen Afrique, et on arrivera à atteindre le seuil d'Education pour tous(Ept) d'ici à 2015. Depuis 2000, date à laquelle ont été énoncés lesObjectifs du millénaire pour le développement (OMD) et ceux de l'Ept,les gouvernements africains essaient de rattraper à grands pas leurretard pour approcher au mieux les impératifs onusiens, allant jusqu'àsortir l'artillerie lourde pour multiplier leurs effectifsd'enseignants. Au centre de ce stakhanovisme de l'éducation en marche,le processus de contractualisation des enseignants s'est développé dansl'ensemble des pays du continent depuis une dizaine d'années.
Au lieu de passer les concours organisés par lesMinistères de l'Education, il a été octroyé aux candidats au métierd'enseignant le droit de se présenter directement aux écoles, pour êtreembauchés par elles, sous condition de détenir au moins un diplôme,Bac, brevet ou CAP. Destiné au départ à enrayer les disparitésterritoriales liées au manque d'instituteurs dans les localités ruralesreculées, le recrutement de contractuels est vite devenu affairecourante dans les villes et les capitales africaines. Formation decourte durée, rémunérations au rabais et recrutement aléatoire, cesenseignants, ne coûtant presque rien aux Etats, se sont multipliés. Atel point qu'aujourd'hui, le nombre d'enseignants contractuelsviendrait à dépasser le nombre d'enseignants fonctionnaires dansplusieurs pays comme le Mali et le Sénégal, deux pays habitués chacunaux grèves récurrentes de leurs professeurs.
Réunis depuis ce mardi à Bamako, des expertsinternationaux du système éducatif africain entendent trouver unesolution aux effets pervers de cette contractualisation effrénée qui,en dépit de la multiplication du nombre des enseignants, a entraîné unediminution de la qualité du savoir dispensé aux élèves des écolesprimaires et secondaires. A l'échelle du pays, ces enseignantscontractuels, de niveau d'études différent ont accru les disparités deprogramme et de contenu entre les écoles. « Le problème majeur de cesenseignants contractuels est leur formation, explique l'Administrateurde programme de l'Union Africaine Mohamed Chérif Diarra. Ils n'ont pasété formés à l'Ecole normale [établissement de formation des maîtres],ils ont suivi des programmes spéciaux de quelques semaines pas plus. Leniveau de ces enseignants est donc très faible et le savoir qu'ilsinculquent à nos élèves l'est tout autant ! Il nous faut réagir ! ».

Les Politiques d'ajustement structurel en cause

Opérées dans les années 1990, les réformesinstitutionnelles de décentralisation et déconcentration en Afrique ontengendré des transferts de compétences concernant le recrutement desmaîtres, passé du niveau national à celui des localités. En 2003, leMali a entamé sa politique de décentralisation. Or, le transfert decertaines compétences de l'Etat aux collectivités locales, dont faitpartie la formation des enseignants, ne s'est pas accompagné d'untransfert de ressources financières suffisantes, entraînant laprécarisation installée de ces enseignants contractuels. « Lescontractuels vivent dans des conditions de travail difficiles, ils nesavent pas de quoi sera fait l'année scolaire qui suit. Ils sont enoutre nettement moins bien payés que leurs collègues fonctionnaires »,note Mohamed Chérif Diarra.
Selon cet expert, la situation des pays africainsfrancophones, anglophones et lusophones concernant les enseignantscontractuels varierait en fonction des niveaux de déconcentration etdécentralisation des Etats. Un pays fortement centralisé ayant à cejour un nombre d'enseignants contractualisés moindre qu'un pays où ladécentralisation est forte comme au Nigeria, fondé sur un systèmefédéral.
« Ce sont les Politiques d'ajustement structurel (PAS)imposées par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international quisont à l'origine de ces problématiques. En coupant les financements auxministères de l'Education de nos pays africains, en imposant uneréduction drastique des Ecole normales, et, effet cynique, en mettant àla retraite anticipée les enseignants qualifiés, ils nous ont faitperdre un réservoir important de savoirs et ont provoqué cettesituation », souligne Mohamed Chérif Diarra.

Renouveler le recrutement des enseignants, une nécessité

Organisée par l'Association pour le développement del'éducation en Afrique (ADEA), la Conférence Bamako +5, la deuxième dugenre après celle de 2004 sur le même thème, devrait se focaliser encette édition sur les moyens de renouveler le recrutement desenseignants contractuels. « Ces enseignants doivent être suffisammentformés afin d'être en mesure de dispenser un enseignement de qualité.C'est ce défi majeur que cherche à relever cette conférence », préciseOusmane Saïd Cissé, Conseiller technique du Ministère de l'éducationmalien, co-organisateur. A la nécessité d'un recrutement de qualité, ilfaut ajouter la titularisation des enseignants, gage d'une pérennité deleur statut et par là même, d'un intérêt plus vif pour leur métier.Depuis le début de l'année, le Mali a entamé une réforme du statut desenseignants contractuels qui a abouti à l'intégration des contractuelsdans le corps des fonctionnaires des collectivités locales. Une idéequi devrait fortement intéresser la vingtaine de représentants degouvernements africains venus assister à la Conférence.
La titularisation des enseignants contractuels demeurela solution la plus appropriée pour répondre actuellement à leursproblèmes. Mais c'est une solution onéreuse qui pourrait coûter jusqu'à8 milliards de dollars par an, selon l'UNESCO. « Une nécessitéabsolue », estime Mohamed Chérif Diarra.