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Appels à contributions
« L'éthos en poésie » Revue Babel. Littératures plurielles n°34

« L'éthos en poésie » Revue Babel. Littératures plurielles n°34

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Michèle Monte)

« L'éthos en poésie » Revue Babel. Littératures plurielles n°34

Appel à contributions

L'ancienne notion rhétorique d’éthos a été reprise dans les études littéraires par de nombreux travaux récents portant aussi bien sur la linguistique et la stylistique que sur la sociologie de la littérature. Parallèlement se sont développés des travaux (Amossy, Meizoz, Diaz) sur les postures, images d'auteur ou scénographies auctoriales. Etant donné les recouvrements partiels entre ces différentes notions, nous proposerons ici (en nous basant sur Amossy 2009, Maingueneau 2014, Meizoz 2009) de réserver le terme d'éthos à l'image de soi que l'énonciateur construit dans son discours pour légitimer sa parole, la distinguant ainsi des déclarations extérieures à l'œuvre, des conduites de l'écrivain et des propos tenus sur lui par des tiers. Plus précisément encore, nous proposerons à la suite de Maingueneau de distinguer pour un même individu :

  • l'être civil

  • l'écrivain inscrit dans un certain champ littéraire

  • l'inscripteur ou énonciateur textuel.

Pour nous, l'éthos discursif ne relève que de ce dernier. Mais il entre en confrontation avec l'éthos préalable, qui, lui, résulte à la fois des œuvres précédentes de l'écrivain que le lecteur a lues, des discours qui sont tenus à son endroit par la critique, et éventuellement de ses interventions dans les médias ou le champ littéraire.

Nous aimerions que ce numéro de la revue Babel permette de cerner quelques-unes des spécificités concernant l'éthos en poésie et nous proposons pour cela trois entrées.

La première entrée concerne les marques linguistiques de l'éthos : y a-t-il dans le matériau linguistique des marques à privilégier ? Les actes de langage, le lexique, le rythme et/ou le vers, le marquage déictique ou a contrario l'effacement énonciatif contribuent-ils tous à la perception par le lecteur d'un éthos discursif ? D'un point de vue théorique, l'éthos et le style sont-ils, comme nous le défendons, deux points de vue sur un même objet ou peut-on les différencier ? Le style relèverait-il de l'éthos montré et s'opposerait-il à l'éthos dit ?

Le lecteur est-il fondé à rabattre l'éthos du poète sur celui du locuteur dans les poèmes à la première personne (en voyant dans le je, conformément au pacte de sincérité maintes fois invoqué en poésie, la projection de l'écrivain imaginaire que l'inscripteur souhaite incarner) ou dispose-t-on de critères permettant d'attribuer telle marque linguistique à l'un plutôt qu'à l'autre ? Et qu'en est-il dans les poèmes sans marques personnelles et dans les poèmes, tels La Jeune Parque ou les poèmes épiques, mettant en scène des personnages ?

La distinction proposée par Maingueneau entre trois dimensions de l'éthos – l'éthos catégoriel, idéologique, expérientiel – est-elle opératoire pour penser les manifestations de l'éthos en poésie ? Peut-on corréler tel ou tel type d'éthos à des marques spécifiques ?

La deuxième entrée concerne l'évolution de l'éthos d'un poète au fil de son œuvre. On pourra s'intéresser aux facteurs les plus décisifs dans la perception d'une évolution par le lecteur : quelle est la part relative des facteurs d'ordre intratextuel, paratextuel ou péritextuel ? On pourra observer l'impact du genre sur la construction de l'éthos et confronter ainsi des œuvres d'un même auteur appartenant à des sous-genres différents. On pourra aussi analyser la façon dont cette évolution est prise ou non en compte par l'image d'auteur construite par la critique.  

La troisième entrée concerne les rapports entre l'éthos de l'inscripteur, d'une part, la posture de l'écrivain et l'image d'auteur construite par le public, d'autre part. Ces rapports peuvent tout d'abord être envisagés sur le plan individuel et en synchronie, ce qui appelle les questions suivantes : comment la posture adoptée par le poète informe-t-elle l'éthos de l'inscripteur ? dans quelle mesure l'éthos exerce-t-il une contrainte sur la mise en scène du poète en public ? À rebours, ne peut-on trouver des cas où l'image d'auteur exerce un tel pouvoir sur les critiques qu'elle empêche de lire vraiment les œuvres et déforme la perception de l'éthos discursif par les lecteurs ? Dans le cas de plus en plus fréquent des lectures publiques de poésie ou des performances, quelles relations s'instaurent pour le récepteur entre le performeur et l'énonciateur textuel ? Dans le cas de mouvements poétiques à forte dimension collective, comment est prise en charge la différenciation des éthos singuliers ?

Mais les rapports entre éthos et image d'auteur peuvent également être envisagés en diachronie : sur le plan collectif, on pourra, en poursuivant les recherches initiées par Diaz – qui distingue entre autres le poète vates, le poète crotté, le poète mourant, le poète maudit –, mettre en relation les évolutions formelles du texte poétique avec l'émergence ou la disparition de telle ou telle scénographie auctoriale, ou inversement constater une disjonction, au moins relative, entre ces imaginaires et les œuvres produites. Sur le plan individuel, on pourra étudier des cas où un changement de posture de la part du poète a entraîné de facto la modification de l'éthos discursif et de la scénographie énonciative et inversement.

Langue des propositions 

La revue Babel accepte des articles en français, anglais, espagnol et italien, mais sans que la proportion des articles en langue étrangère soit majoritaire.

Calendrier 

15 juillet 2015 : Envoi d'un résumé d'une page environ précisant le cadre théorique, le corpus et les hypothèses de travail, assorti de vos nom et prénom et appartenance institutionnelle, conjointement à

michele.monte@univ-tln.fr

hugues.laroche@orange.fr

15 septembre 2015 : avis sur vos propositions

31 mars 2016 : envoi de l'article (40 000 signes espaces comprises)

1er juin 2016 : retour des expertises

1er septembre 2016 : remise du texte définitif

novembre 2016 : publication sur papier et en ligne (sur revues.org) du n° 34 de la revue Babel. Littératures plurielles

Bibliographie indicative :

Amossy, Ruth (éd.). 1999. Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos, Genève : Delachaux et Niestlé.

Amossy Ruth, 2009. « La double nature de l’image d’auteur », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 3. Consulté le 23 mars 2015. URL : http://aad.revues.org/662

Amossy Ruth, 2010. La présentation de soi. Ethos et identité verbale, Paris : PUF.

Diaz, José-Luis. 2007. L’Ecrivain imaginaire. Scénographies auctoriales à l’époque romantique, Paris : Champion.

Foucault, Michel. 1994 [1969]. « Qu’est-ce qu’un auteur ? ». In Dits et écrits, t. 1, p. 789–821, D. Defert et F. Ewald (reds.), Paris : Gallimard.

Laroche, Hugues. 2007. «Paris maudit les poètes» (communication consultable en ligne : http://etudes-romantiques.ish-lyon.cnrs.fr/vieparisienne.html)

Laroche, Hugues.  ​2010. «Chassez le naturel... : transparence, transgression et transfiguration», Revue Insignis, No 1, juin 2010, p.91-107. Consultable sur http://insignis.e-monsite.com/pages/numero-1-trans-e/sommaire-numero-1-trans-e-mai-2010.html

Maingueneau, Dominique. 1999. « Ethos, scénographie, incorporation », in Images de soi dans le discours – La construction de l’ethos, éd. Ruth Amossy, Lausanne, Delachaux et Niestlé, 1999, p 75-100.

Maingueneau, Dominique. 2002. « Problèmes d’ethos », Pratiques, 113, p. 55-68.

Maingueneau, Dominique. 2004. Le Discours Littéraire. Paratopie et Scène d’Enonciation, Paris : Colin.

Maingueneau, Dominique. 2014. « Le recours à l’ethos dans l’analyse du discours littéraire », Fabula / Les colloques, Posture d'auteurs : du Moyen Âge à la modernité, URL : http://www.fabula.org/colloques/document2424.php, page consultée le 24 mars 2015.

Meizoz, Jérôme, 2007. Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève-Paris : Slatkine Erudition.

Meizoz Jérôme, 2009. « Ce que l’on fait dire au silence : posture, ethos, image d’auteur ». Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 3. Consulté le 23 mars 2015. URL : http://aad.revues.org/656

Meizoz Jérôme, 2011. La fabrique des  singularités. Postures littéraires II, Genève-Paris : Slatkine Erudition.

Monte Michèle, 2010. « Auteur, locuteur, éthos et rythme dans l’analyse stylistique de la poésie », in Stylistiques ?,  Bougault L. et Wulf J. (dir.), Rennes : PUR, 2010, p. 325-342.

Monte Michèle, à paraître. « De l’éthos, du style et du point de vue en poésie » dans M. Colas-Blaise et L. Perrin (dir.) Le sens de l’énonciation, collection  "Recherches linguistiques" de l'Université de Lorraine 

Rodriguez Antonio, 2003. Le pacte lyrique, Sprimont : Mardaga.

Romantisme, N° 148, 2010- 2, “Style d’auteur”

Viala, Alain & Molinié, Georges (éds.) Approches de la réception, Paris : PUF.