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L'épreuve de l'altérité (Montpellier)  

L'épreuve de l'altérité (Montpellier)

Publié le par Emilien Sermier (Source : Marina Lesouef)

Appel à contribution Colloque international et pluridisciplinaire

« L’épreuve de l'altérité »

8 et 9 juin 2016

Site Saint-Charles Université Paul-Valéry Montpellier 3 École doctorale 58 « Langues, littératures, cultures, civilisations »

 

La notion d’altérité appelle inévitablement à un questionnement éthique, tel qu’on le trouve chez Emmanuel Lévinas dans sa description d’une rencontre transcendantale avec le visage de l’autre. Pour le philosophe, le visage n’est pas à comprendre au sens anatomique mais représente ce qui nous dépasse chez l'autre : « Le visage est présent dans son refus d’être contenu. Dans ce sens il ne saurait être compris, c’est-à-dire englobé » (Totalité et infini, 211). Cet infini de l’altérité devient pour le sujet une injonction à la responsabilité envers l’autre. Cependant, des philosophes comme Paul Ricoeur ont dénoncé l’exagération de l’influence de l’autre sur le soi et de la passivité du sujet, et critiqué les « discours devenus d’une banalité décourageante en faveur de l’altérité » (« Autonomie et vulnérabilité », 94). Pour Ricoeur, « il faut qu’il y ait d’abord et fondamentalement un sujet capable de dire je pour faire l’épreuve de la confrontation avec l’autre » (94). Ainsi, il propose une philosophie de l’action, visant à instaurer une relation symétrique plus proche d’une dialectique entre le soi-même et l’autre. Il ne s’agit donc plus de la prise en otage du sujet par l’autre lévinassien mais d’une négociation permanente entre deux sujets.

A l’aune de ces discours philosophiques, l’épreuve de l’altérité pose la question d’une éthique comme praxis, et ouvre vers des applications très concrètes : l’on cherchera à comprendre comment le rapport à l’altérité peut être expérimenté et vécu. L’épreuve peut être obstacle, souffrance, tentative, et nous incite à réfléchir à ce qui, dans la rencontre avec l’altérité, ne va pas de soi et peut faire échec. L’on pense par exemple à Guillaume Le Blanc, qui a abordé le rapport entre inclusion et exclusion dans nos sociétés, mettant ainsi au jour la question de l’invisibilité de l’autre précaire, celui dont on refuse d’éprouver l’altérité. Dans sa précarité, le SDF, le réfugié, l’exclu, est privé de son humanité et devient spectral, rendu incapable de participer à la vie de la cité. L’épreuve de l’altérité prend ainsi une dimension sociale et politique d’une actualité brûlante.

A l’opposé de cette invisibilité assignée à l'autre, ce sont parfois des mécanismes privilégiant une visibilité exacerbée qui envisagent ce que peut être l’épreuve de l’altérité. C’est le cas notamment du théâtre in-yer-face, une forme théâtrale née en Grande-Bretagne dans les années 90, qui prend le parti de choquer le spectateur en mettant en scène violence, nudité et langage cru. Sans toutefois se limiter à ce courant spécifique, l’on pourra s’intéresser à ce qui, dans les arts (visuels, arts de la rue ou de la scène), peut poser la relation avec le spectateur comme une confrontation ou une mise à l’épreuve, ainsi qu’aux implications politiques, éthiques et esthétiques de telles configurations.

Nous serons attentifs également au champ transversal de la recherche interculturelle qui s’intéresse à l’autre non plus dans un objectif de coexistence mais de compréhension et de coproduction. Comment et dans quel cadre coopérer, faire ensemble ? Comment éviter les malentendus et agir ensemble dans la réalité en dépassant cette épreuve ? Après Michel Foucault, qui met au jour les impensés de la rationalité occidentale et incite à « penser autrement » dans la préface Des Mots et des choses, et dans un nouveau souci de multiculturalisme, certains chercheurs pensent la neutralité des outils comme illusoire car les cadres théoriques et les objets sont apparus quelque part dans un contexte culturel précis (Maingueneau). L’éthique et l’altérité renvoient-elles à des concepts partagés ? Comment sont-ils envisagés à travers les discours (qui construisent les réalités sociales) et dans l'action ? Si, en sciences du langage, l’analyse des usages et des discours en situation interculturelle d'éducation (Mondada, 1995) ou de communication (Kebrat-Orecchioni, 1997) peut nous apporter des réponses, la question de la traduction comme épreuve ne manque pas de se poser. En philosophie, François Jullien nous suggère de penser l’altérité en faisant un détour par la Chine pour en faire l’épreuve « autrement ». Ses travaux ont pour objectif de définir le commun en écartant les notions de différence et d’identité, sans l’associer forcément au semblable. L’autre est vu comme une catégorie non déterminée car, dans l’action mutuelle, le faire ensemble devient source de changements.

Ce colloque s’inscrit dans le travail de l’Ecole Doctorale 58 qui encadre la recherche doctorale en langues, littératures, cultures et civilisations. Nous accueillerons donc les propositions de doctorants et jeunes chercheurs travaillant dans les champs suivants : arts, architecture, littératures classiques et modernes, esthétique, philosophie, psychanalyse, langues et cultures étrangères, histoire, sciences de l’éducation, sciences du langage, etc. Nous porterons une attention particulière à celles qui adopteraient des approches interdisciplinaires.

Bibliographie indicative

FOUCAULT, Michel, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, 1990.

JULLIEN, François, « L’Écart et l’entre. Ou comment penser l'altérité », Leçon inaugurale de la Chaire sur l’altérité. Paris, Galilée, 2012.

LE BLANC, Guillaume, L’invisibilité sociale, Paris, Presses Universitaires de France, 2009.

LÉVINAS, Emmanuel, Totalité et infini : essai sur l’extériorité, Paris, Le Livre de Poche, 1990.

LÉVINAS, Emmanuel, Autrement qu’être ou Au-delà de l’essence, Paris, Le Livre de Poche, 2004.

MAINGUENEAU, Dominique, Discours et analyse du discours - Introduction, Paris, Armand Colin, 2014.

RICŒUR, Paul, « Autonomie et vulnérabilité », in Le Juste 2, Paris, Esprit, 2001, p. 85-105.

RICŒUR, Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 2015.

Les modalités de soumission

Les propositions, présentées aux formats word (.doc et .docx) ou pdf, ne devront pas excéder 500 mots. Elles seront précédées, dans l’ordre : du nom, des coordonnées institutionnelles, du titre de la communication proposée, d’un résumé, des mots ­clés et d'une brève bibliographie.

Elles peuvent être envoyées à l’adresse suivante : colloque.d3.ed58@gmail.com avant le 26 février 2016.

Un retour sur l’examen des candidatures sera donné en mars. Le colloque, qui se tiendra à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 (site Saint-Charles) les 8 et 9 juin 2016, sera suivi d’une publication en 2017. L’appel à communication ainsi que des informations complémentaires seront disponibles à l’adresse suivante : http://colloque-d3-ed58.upv.univ-montp3.fr/

Le comité scientifique

Direction : Jean­Michel Ganteau (directeur de l’école doctorale 58) ; Membres : Adeline Arniac (doctorante en études du monde anglophone, EMMA - EA 741), Evelina Leone (doctorante en études romanes, spécialité études italiennes, LLACS - EA 4582), Marina Lesouef (doctorante en études romanes, spécialité études hispaniques, LLACS - EA 458), Laurence Martin (doctorante en sciences du langage, Praxiling - UMR 5267).