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L’émigration politique en Suisse au XXe s. : pratiques, réseaux, résonances 

L’émigration politique en Suisse au XXe s. : pratiques, réseaux, résonances

Publié le par Université de Lausanne (Source : Benoit Roux)

L’émigration politique en Suisse au XXe s. : pratiques, réseaux, résonances 

Organisées à Reims les 9 et 10 février 2017, ces deux journées d’études auront pour ambition d’explorer les différentes facettes de l’émigration politique en Suisse au XXe siècle. Même si le phénomène n’a pas constitué la part la plus importante des flux humains dont le pays a été le point d’arrivée, il n’en demeure pas moins un élément marquant de son histoire et, par ricochet, de notre histoire récente. Tributaire des vicissitudes politiques et de l’évènement, il a certes connu « de soudaines pulsations. »[1]  Dans les faits, il s’est manifesté et poursuivi tout au long du siècle.

A la différence des émigrés venus chercher du travail ou entendant prendre un nouveau départ, l’émigré politique se distingue par sa volonté de rentrer dans son pays d’origine. A ce titre, le temps passé à l’étranger, le « temps suspendu », est rarement du « temps perdu. » Qu’elle soit choisie ou contrainte, cette mobilité est en effet souvent le lieu de pratiques censées hâter la chute du régime abhorré et ce faisant, poser les bases à un monde nouveau. La réflexion que nous nous proposons de mener entendra faire valoir et analyser la singularité de ces expériences du « dehors du monde. »[2] Il ne s’agira pas de s’appesantir sur les conceptions politiques, les dispositions juridiques et institutionnelles concernant l’entrée et l’établissement de cette « émigration de cadres »[3] sur le territoire helvétique – balisée par de nombreuses études, la question est maintenant bien étudiée[4] – mais bien de montrer l’importance du « moment suisse » dans des trajectoires individuelles et collectives. A cet endroit, diverses questions pourront servir de fil conducteur à la réflexion :

  • les émigrés politiques forment-ils nécessairement ce que Bertolt Brecht a nommé une « légion vaincue » ? Sont-ils de fait condamnés à n’obtenir que des succès de prestige ?
  • quelles relations entretiennent-ils avec « l’espace investi »[5] ? Avec le pouvoir en place ? Avec les groupes d’opposition ? Avec la société d’accueil ?
  • dans quelle mesure sont-ils perçus comme une alternative crédible au régime en place ?
  • en quoi leurs pratiques sont-elles productrices de liens, au-delà parfois des appartenances politiques ou nationales initiales ? Quelles connexions permettent-elles d’établir ? A quel niveau, à quelles fins et selon quelle logique ? Quel rôle jouent-elles lorsque l’utopie du changement devient le lieu du possible ?
  • comment sont-elles investies voire instrumentalisées par l’étranger ? A quelles formes de remémoration donnent-elles lieu ? 

A côté de ce premier « type » de mobilité, il conviendra de prendre en considération d’autres formes d’émigration politique, d’autres trajectoires. Que l’on songe à ce titre à ces « errants perpétuels »[6] pour qui la Suisse ne fut qu’un lieu de transit, une étape avant l’installation dans le pays d’accueil final. Que l’on songe encore à ces individus qui, après s’être compromis dans leur pays, y cherchèrent un nouveau départ ou y attendirent leur jugement.

Si le XXe constituera le point nodal de la réflexion, une réflexion que nous souhaitons ouverte et résolument interdisciplinaire, nous accepterons également des interventions ayant trait au XXIe siècle. Nous encourageons par ailleurs les collègues spécialistes de pays non européens à nous soumettre leur proposition.

Les propositions de communication (environ 300 mots), assorties d’une brève notice bio-bibliographique, sont à adresser conjointement à Landry CHARRIER (landry.charrier@univ-bpclermont.fr), et Thomas NICKLAS (thomas.nicklas@univ-reims.fr) jusqu’au 1er avril 2016. Vous serez notifié de l’acceptation de votre proposition au 16 mai 2016.

Les communications prononcées au cours de ces journées d’études feront l’objet d’une publication aux EPURE (Reims) fin 2017.

 

[1] Pour reprendre le mot de René Rémond (« Conclusions », in : [Collectif] : L’émigration politique en Europe aux XIXe et XXe siècles, Rome : Ecole française de Rome, 1991, p. 513-519, ici p. 514).

[2] Pour reprendre le titre d’un ouvrage de Jean-Pierre Morel, Wolfgang Asholt et Georges-Arthur Goldschmidt (Dans le dehors du monde : exils d'écrivains et d'artistes au XXe siècle, Paris : PU de la Sorbonne, 2010).

[3] Selon le mot de l’historien marxiste Arthur Rosenberg (1889-1943). Cité par Horst Möller : « L’émigration hors de l’Allemagne nazie : causes, phases et formes », in : Gilbert Krebs/Gérard Schnelli  (éd.) : Exil et résistance au national-socialisme (1933-1945), Asnières : Publications de l'Institut d'Allemand, 1998, p. 11-24, ici p. 12.

[4] Voir par exemple : Marc Vuilleumier : Immigrés et réfugiés en Suisse. Aperçu historique, Zurich : Pro Helvetia, 1992 ; Gérald Arlettaz/Silvia Arlettaz : « La politique suisse d'immigration et de refuge : héritage de guerre et gestion de paix », in : [Collectif] : Guerres et paix. Mélanges offerts à Jean-Claude Favez, Genève : Georg, 2000, p. 661-684, ici p. 662-666.

[5] Selon la terminologie de Paul-André Rosental (« Maintien/rupture : un nouveau couple pour l’analyse des migrations », Annales. Economies, Sociétés, Civilisations 45/6 (1990), p. 1403-1431, ici p. 1409-1410).

[6] René Rémond : Conclusions, p. 514.