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L’éditeur de textes est-il un auteur ? Questions juridiques et scientifiques à propos de l’édition critique

L’éditeur de textes est-il un auteur ? Questions juridiques et scientifiques à propos de l’édition critique

Publié le par Emilien Sermier (Source : Aurélien Berra)

L’éditeur de textes est-il un auteur ? Questions juridiques et scientifiques à propos de l’édition critique

2-3 février 2015, Institut de recherche et d’histoire des textes, 40 avenue d’Iéna, 75116 Paris

Comité d’organisation du colloque : Sébastien Barret, Aurélien Berra, Paul Bertrand, Matthieu Cassin, Maïeul Rouquette 

Contact : sebastien.barret@cnrs-orleans.fr

 

Programme

 

Lundi 2 février

09h30 Présentation du colloque

Matinée : analyses inscrites dans les champs disciplinaires de l'édition savante

09h45 Pierre Chiron (université Paris-Est Créteil), « L’édition des textes littéraires et rhétoriques de l’Antiquité, tradition directe, tradition indirecte et tradition “fluide” »

10h15 Jean-Luc Fournet (École pratique des hautes études), « L’édition papyrologique »

10h45 Michèle Brunet (université Lyon 2, UMR 5189 HiSoMA), « L’édition scientifique de textes épigraphiques : traditions et changements induits par le numérique »

11h15 Pause

11h30 Dominique Poirel (Institut de recherche et d’histoire des textes), « Fidélité, méthode et invention dans l’édition des textes littéraires du Moyen Âge »

12h00 Laurent Morelle (École pratique des hautes études), « Éditer, c’est choisir : observations sur les pratiques éditoriales des diplomatistes »

12h30 Repas

Après-midi : analyses juridiques de la propriété intellectuelle

14h00 Sébastien Raimond (université Paris-Ouest Nanterre La Défense, EA 3457 Centre de droit civil des affaires et du contentieux économique), « Enjeux et difficultés de la qualification de l'édition de texte en œuvre protégeable par le droit d'auteur »

14h30 Pauline Lebbe (Brepols), « Publication d’éditions critiques. Droit belge et international »

15h00 Pause

15h15 Lionel Maurel (juriste et bibliothécaire, auteur du blog S.I.Lex et co-fondateur du collectif SavoirsCom1), « Édition critique, domaine public et copyfraud »

15h45 Marie-Luce Demonet (avec la collaboration de Denise Pierrot) : « Le Consortium Cahier : réflexions sur la propriété intellectuelle »

 

Mardi 3 février

9h30 Table ronde thématique. Cette table ronde animée par Caroline Macé (KU Leuven) réunira les intervenants de la journée du 2 février et traitera de questions transversales, dont les suivantes :

  • textes à tradition unique et textes à tradition pléthorique ;
  • compilations et autres types de texte ;
  • transcriptions et éditions critiques, notamment dans le cadre de l'utilisation d'outils numériques ;
  • édition et stemmatisation semi-automatique.

12h30 Repas

14h00 Atelier : bonnes pratiques juridiques. Cet atelier de formation viendra compléter le colloque, en proposant des méthodes pour rendre juridiquement plus sûr le processus d'édition savante. Il sera animé par Pierre-Yves Buard (Pôle « Document numérique », MRSH de Caen), Rémi Mathis (Bibliothèque nationale de France), Marc Renneville (TGIR Huma-Num) et Anne-Marie Turcan-Verkerk (Equipex Biblissima).

 

Argumentaire

Le 27 mars 2014, le tribunal de grande instance de Paris rendait dans un différend opposant les maisons d’édition Libraire Droz et Classiques Garnier un jugement très rapidement commenté dans les milieux de la recherche érudite, d’une part, et dans ceux des spécialistes du droit d’auteur et du copyfraud, de l’autre. Éclairée entre autres par les opinions de spécialistes, la cour concluait que l’édition d’un texte dépourvu d’apparat critique ne pouvait fonder un droit d’auteur, tout en reconnaissant par ailleurs la contribution intellectuelle de l’éditeur.

Au-delà du cas d’espèce, ce jugement est une excellente occasion de s’interroger sur ce qu’est l’édition de textes, notamment celle de textes anciens, et sur ses mutations. Ce secteur des activités historiques et littéraires s’est, du reste, déjà engagé dans cette réflexion, comme le montrait un récent colloque organisé par l’Institut historique allemand et l’École des chartes sur le thème « Pourquoi éditer des textes médiévaux au XXIe siècle ? » De ce point de vue, l’évolution de l’édition critique, tout comme celle des sciences humaines et sociales en général, a bien sûr été fortement affectée par l’irruption des « nouvelles technologies », puis l’apparition des humanités numériques, en pleine structuration.

Bien avant cet ébranlement numérique, la mise en œuvre de pratiques très différentes sur des points aussi essentiels que la ponctuation, la restitution des éventuelles abréviations, le traitement des variantes, l’intervention sur le découpage des mots et la transcription des phonèmes montre à quel point l’acte d’éditer n’est pas neutre – sans même évoquer les débats que les éditeurs et érudits ont hérités de Lachmann ou Bédier, porteurs de démarches fondamentalement différentes. Cela frappe d’autant plus que ces différences, si elles sont en partie issues d’aires disciplinaires (latin classique contre latin médiéval ou néo-latin, par exemple), ne s’y limitent pas : entrent en jeu également des traditions nationales en matière d’édition, qui ne sont pas seulement affaire de détails. Derrière les multiples décisions prises par l’éditeur, c’est tout un projet scientifique et intellectuel qui se profile : restitution aussi proche que possible d’un « original » confinant au fac-similé textuel, ou au contraire rumination de différents témoins d’un texte pour en extraire une sorte de version idéale, attention plus ou moins forte portée aux éléments matériels de la tradition, etc. Enfin, les manières d’éditer dépendent aussi du nombre de manuscrits conservés, des langues à traiter, des éditions antérieures, des visées culturelles des textes transmis – productions originales, commentaires ou compilations – et des lacunes de nos documents, voire du statut scolaire et culturel des auteurs. C’est sur ce substrat, déjà complexe, que viennent se greffer les débats actuels, qu’ils soient numériques ou juridiques.

Afin de permettre une réflexion aussi large et profonde que possible, ces deux journées combineront plusieurs questionnements, appliqués à différents secteurs de l’édition de textes selon des combinaisons variables. La base en sera posée par l’exposé des pratiques scientifiques normalement et actuellement admises dans l’édition de textes littéraires ou diplomatiques, par exemple, pour des périodes allant de l’Antiquité à la Renaissance et des supports incluant tant le parchemin ou le papier que la pierre ou le papyrus. C’est à ces exposés que pourront réagir des juristes issus de divers milieux professionnels (édition, institutions scientifiques, enseignement du droit, militants du libre, notamment) avant qu’une table ronde ne reprenne la matière, cette fois-ci envisagée non plus selon ses divisions typologiques traditionnelles, mais selon des axes méthodologiques transversaux : traitement de la tradition manuscrite, stemmatisation plus ou moins automatisée, recours à des traitements critiques de plusieurs niveaux (transcriptions simples ou éditions « lourdes »)… Enfin, un atelier permettra de rassembler les réflexions, de les mettre en acte et d’ébaucher les contours de bonnes pratiques, en confrontant juristes, techniciens de l’édition et chercheurs autour des dossiers mis sur la table.