12 et 13 février 2009. Université de Bourgogne/ Centre Chevrier
Colloque
L'écriture des juristes, un « modèle » d'action de l'écriture ?
(XVIe-XVIIIe siècles)
Ce colloque s'adresse à des historiens du droit, des historiens de l'Ancien Régime et des littéraires. Comme le montrent les ouvrages que nous mettrons en regard en guise de sollicitation pour une recherche commune, il nécessite en effet la rencontre des travaux de différentes disciplines.
Dans un livre récent, Écrire les coutumes. Les droits seigneuriaux en France (PUF, « Le noeud gordien », 2006), Martine Grinberg montre les conséquences de la mise en écrit des coutumes, en France, à partir du milieu du XVe siècle, sur le contenu du droit et la production de la norme juridique, ainsi que l'autorité des droits seigneuriaux. Elle attire ainsi l'attention, en amont de ce que l'histoire du livre a pu dire de l'histoire du droit, sur le pouvoir propre de la « mise en écrit » et l'action même de l'écriture dans la constitution du droit.
Une autre perspective sur les rapports de l'écriture et du droit est celle qui inscrit l'écriture dans la continuité des pratiques sociales d'un seul individu. Les rapports entre Montaigne magistrat et l'auteur des Essais ont été mis en évidence par les travaux d'André Tournon dans un sens qui intéresse notre réflexion. Ils montrent en effet comment la forme même de l'essai est issue des formes de la glose juridique, discours et citations notamment, et donc d'un type spécifique de production – ou de mise à distance– de l'autorité (La Glose et l'essai, 2000). Ils inscrivent ainsi la pratique de l'essai et son mode d'accroissement perpétuel dans une certaine conception du magistrat, qui en fait « un simple adjuvant des régulations spontanées du corps civique, non le représentant d'une autorité supérieure ».
Ces deux ouvrages posent ainsi plusieurs questions : quel est le rapport existant entre une formation professionnelle (culturelle, intellectuelle) et l'écriture ? Quel est celui que l'on peut établir entre la mise en écrit d'une règle, d'un jugement, et la production d'une forme ? C'est donc cet objet, l'écriture, que nous voudrions proposer à la réflexion à partir de ce cas particulier qu'est l'écriture des juristes et des magistrats, pour tenter de réfléchir aux rapports possibles entre cette expérience singulière (et l'éventuel sens de l'écriture qu'elle met en évidence) et la question plus large de l'action d'écriture, ou de l'écriture comme action. Dans quelle mesure l'écriture du droit peut-elle constituer un « modèle » (pour l'historien de la littérature) des pouvoirs de la mise en écrit, ou de l'écriture, en particulier dans le cas des lettres ou des belles-lettres ? Qu'en est-il du rapport effectif, factuel, que l'on peut établir entre différentes pratiques sociales de l'écrit chez des juristes ou des magistrats dans la période concernée, autour de ce premier XVIIe siècle où sont mis en place les moyens d'institutionnalisation de l'activité lettrée ?
Laurence Giavarini, Centre Chevrier / Université de Bourgogne
PROGRAMME DU COLLOQUE
Jeudi 12 février 2009
9h30 : accueil des participants. Café/ collation
10h00 : ouverture du colloque par Pierre Bodineau, directeur du centre Chevrier
10h15 : Laurence Giavarini (mcf littérature française, université de Bourgogne) Introduction
10h45 : Jean Bart (prof émérite, université de Bourgogne), « Réécrire ou réformer la coutume ».
11h15 : Martine Grinberg (ingénieure de recherche, EHESS-CRH), « Sur la coutume ».
11h45 : Boris Bernabé (mcf en droit, université de Bourgogne), « La coutume de l'écriture ou les fonctions de la plume chez les juristes médiévaux ».
12h15 : discussion des communications de la matinée.
2. Comment les juristes écrivent le droit : hétérogénéités
14h15 : Patrick Arabeyre (école des Chartes) « Manière d'enseigner et oeuvres issues de l'enseignement chez les derniers bartolistes français (15e - 1e moitié 16e siècle) : la fin d'une écriture ? ».
14h45 : André Tournon (prof. émérite de littérature XVIe, université d'Aix-Marseille I) « Marques et poids de la profération dans l'écriture juridique au XVIe siècle ».
15h15 : Stephan Geonget (mcf de littérature XVIe, CESR Tours), « Les arrêts notables. De Jean Papon à Montaigne, du cas au récit ».
16h : discussion
16h45 : Robert Descimon (DE, histoire moderne, EHESS-CRH), « La fonction de l'écriture en nom personnel dans l'oeuvre de Charles Loyseau (1563-1627) »
17h15 : Gilles Trimaille (mcf en droit, université de Bourgogne), « Jeremy Bentham et la langue des juristes ». ».
17h45 : discussion-table-ronde d'une heure coordonnée par Nicolas Lyon-Caen (ATER, histoire moderne, Le Mans).
Vendredi 13 février 2009
3. Faire oeuvre de juriste
8h45 : Alain Wyffels (Centre Chevrier – CNRS), « Notes manuscrites et oeuvre publiée d'Alberico Gentili ».
9h15 : Olivier Guerrier (mcf en littérature XVIe, HDR, Toulouse-le-Mirail), « La poésie des juristes ».
9h45 : Christophe Blanquie (EHESS, CRH), « L'écriture d'un juriste : Scipion Dupleix ».
10h15 : Philippe Audegean (mcf en italien, Paris III) « Beccaria et l'écriture du droit moderne à l'âge de la séparation entre science et poésie ».
11h : table-ronde à partir des communications de la matinée. Coordination : Christian Biet (professeur de littérature française du XVIIe siècle, Paris X).
4. Actions de l'écrit
14h15 : Marion Lemaignan (IUE de Florence), « Les factums: une écriture sans modèle? Avocats et actions d'écriture entre droit et discours social au XVIIe siècle ».
14h45 : Dinah Ribard (mcf à l'EHESS-CRH), « L'écriture de la doctrine ».
15h15 : Françoise Fortunet (professeur de droit, université de Bourgogne) « Sur les ars notariae ».
15h45 : discussion et pause
16h15 : Alexandre Tarrête (mcf en littérature XVIe, Paris IV-Sorbonne), « Les oeuvres de juriste de Guillaume du Vair ».
16h45 : Fabrice Hoarau (mcf de droit, université de Bourgogne), « La Bruyère et le droit ».
17h30 : discussion finale. Bilan du colloque.