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Appels à contributions
L’écriture comme dissimulation ou l’écriture de la dissimulation dans les littératures contemporaines, française et francophone (fin du xxe et xxie siècles)

L’écriture comme dissimulation ou l’écriture de la dissimulation dans les littératures contemporaines, française et francophone (fin du xxe et xxie siècles)

Publié le par Emilien Sermier (Source : Lamia OUCHERIF)

Journées d’étude, 27-28 avril 2015

L’écriture comme dissimulation ou l’écriture de la dissimulation dans les littératures contemporaines, française et francophone (fin du xxe et xxie siècles)

 

Ces journées d’étude s’inscrivent dans la continuité d’un travail entamé en mai 2011 lors d’une rencontre de chercheurs à l’ENS de Bouzaréah (Alger), et dont la réflexion portait sur « l’invention d’une langue littéraire dans un milieu plurilingue dans la littérature algérienne de langue française ». Cette question a fait, par la suite, l’objet d’un appel à contribution et les travaux qui en ont résulté ont été publiés dans le deuxième numéro de la revue Socles (janvier 2013). Ce numéro, ayant traité du sujet bilingue dans la littérature algérienne francophone, a ouvert la voie à d’autres questionnements sur les littératures contemporaines, française et francophone, dans leur aspect pluriel et singulier à la fois.

Dans le Livre à venir, M. Blanchot écrit : « Il arrive qu’on s’entende poser d’étranges questions, celle-ci par exemple : « Quelles sont les tendances de la littérature actuelle ? » ou encore « Où va la littérature ? » Oui, question étonnante, mais le plus étonnant, c’est que s’il y a une réponse, elle est facile : la littérature va vers elle-même, vers son essence qui est la disparition. » (1971 [1959], p. 285)

M. Blanchot nous invite à interroger la littérature par ce qu’elle est, à nous intéresser à ce qui fait l’essentiel de la littérature, c’est-à-dire sa littérarité. C’est cette littérarité qui pour M. Blanchot fait « disparaître » la littérature en ce sens où celle-ci n’est plus à considérer exclusivement comme émanant d’un contexte socio-historique bien déterminé. L’œuvre littéraire appartient avant tout à son écrivain, qui certes vit dans une société et en est certainement influencé. Mais il ne faut pas perdre de vue une réalité, celle de voir dans l’écrivain ce qu’il est, c’est-à-dire un « créateur ». L’œuvre du « créateur » est « le mouvement qui nous porte vers le point pur de l’inspiration » (Blanchot, 1971, p. 293)

Approcher l’œuvre dans son « mouvement » qui « porte » vers « l’inspiration » du « créateur » est loin d’être facile pour le lecteur. Mais est-ce de cette façon que ce dernier pourrait mieux enfin de compte comprendre « les secrets et les formules qui permettent seuls de donner à ce qui s’écrit réalité de livre » (293) Par « formules » et « secrets », M. Blanchot entend tous ces moments flous, peu ordinaires, voire illisibles, qui sont présents dans l’œuvre littéraire et qui font sa singularité.

Cette entrée par M. Blanchot nous amène à mettre en évidence la question qui nous préoccupe dans notre appel à contribution, à savoir « l’écriture comme dissimulation ou l’écriture de la dissimulation dans les littératures contemporaines, francophone et française (fin du xxe et xxie siècles) ». Il faut dire que si nous avons choisi de commencer par convoquer M. Blanchot, c’est en quelque sorte pour lui faire hommage en tant que « théoricien de la littérature » qui a refusé de se « conformer au formalisme universitaire ». Et nous voyons dans cette marginalisation un point de départ important pour entamer nos interrogations sur la littérature qui nous intéresse. En effet, le fait même de séparer « littérature française » et « littérature francophone » nous met face à un discours problématique. Comme le souligne Ch. Bonn, le fait d’établir une différence entre locuteurs « français » et « francophones », « ne revient-il pas à faire de ces derniers des locuteurs du français de deuxième catégorie ? Des « utilisateurs » à qui le français est prêté, mais n’appartient pas ? Utilisateurs de seconde zone de ce fait, qui ne peuvent donc pas maîtriser le « génie » d’une langue dans laquelle ils ne sont pas installés depuis plusieurs générations ? » (« Pour un comparatisme français ouvert à la francophonie et aux métissages culturels. Plaidoyer en forme de polémique » dans La francophonie aujourd’hui. Réflexions critiques, L’Harmattan, Paris, 2008, p. 43)

Ch. Bonn fait ce constat pour remettre en question le manque d’intérêt accordé à la littérature dite francophone dans les départements de littérature comparée dans les universités françaises. Comme s’il n’y a même pas lieu de comparer la littérature française avec la littérature francophone, marginalisant donc cette dernière. Or, c’est bien le contraire qui devrait se produire. « Si le comparatisme acceptait de se faire parfois descripteur des métissages culturels et littéraires actuels, et de leur prêter la voix d’une reconnaissance universitaire, il serait moins coupé du réel, et surtout il gagnerait un observatoire privilégié pour évaluer la littérarité en général. » (Ch. Bonn, p. 46)

C’est donc en ouvrant le champ des études comparatives que nous pourrons encore mieux saisir « le littéraire » ou plutôt l’enrichir. Si nous partons de l’essence de la littérature, nous ne nous préoccuperons plus de son origine géographique mais nous prêterons attention à chaque mot, à chaque « formule », présents dans l’œuvre, et qui sont le fruit d’un travail d’un être à part, l’écrivain. Et c’est cette manière d’envisager la littérature que nous voulons mettre en lumière. Car si nous rapprochons les deux mots, écriture et dissimulation, c’est d’abord dans le but de considérer toute écriture comme dissimulation en ce sens où celui qui écrit est à la quête d’un quelque chose, (d’une pensée, de soi…) qui lui échappe. M. Blanchot déclare à ce propos : « Écrire commence seulement quand écrire est l’approche de ce point où rien ne se révèle, où, au sein de la dissimulation, parler n’est pas encore que l’ombre de la parole, langage qui est encore son image, langage imaginaire et langage de l’imaginaire, celui que personne ne parle, murmure de l’incessant et de l’interminable auquel il faut imposer silence, si l’on veut, enfin, se faire entendre. » (L’espace littéraire, p. 41)

M. Blanchot insiste ici sur le caractère obscur qui marque l’œuvre littéraire et qui fait d’elle une œuvre de « silence ». Écrire le silence, c’est être capable de verbaliser par les mots ce qui est au plus profond de soi-même, c’est se laisser dire dans un discours fragmenté, un discours qui est à la limite du communicable. Le silence est cette parole qui est au stade du balbutiement ou du « murmure » venant d’un être « mystérieux » parce qu’écrivant dans un « langage imaginaire », un langage ouvert à tous les moyens de communication, le geste, la mimique, la danse…

Jusque-là, nous avons considéré que toute écriture peut être définie comme dissimulation dans le sens où l’entend M. Blanchot. Mais nous pourrons également formuler l’expression autrement et parler de « l’écriture de la dissimulation », dans le sens où l’écrivain lui-même a l’intention de faire de la dissimulation. Il n’est pas question ici de ce qui pourrait échapper à son auteur mais plutôt, de ce que ce dernier manipule à sa guise pour nous adresser une sorte de « vérité » qu’il veut partager avec nous. Et l’écrivain choisit certains procédés et celui auquel nous pensons plus précisément est celui du « masque ». Écrire derrière un masque, c’est prendre la voie du déguisement. L’écrivain peut vouloir choisir cette voie pour dire autrement des questions des plus sérieuses. Des questions relevant de sujets divers relatives à l’homme, à la société, à la politique… Il recourra donc au masque sous toutes ses formes, du masque « joyeux » au masque le plus « lugubre », l’essentiel étant pour lui d’exprimer son désarroi face à des situations ambiguës, des situations incompréhensibles qui débouchent parfois même sur l’absurde.

Si nous avons proposé les deux formes d’expression, « l’écriture comme dissimulation » ou « l’écriture de la dissimulation », ce n’est aucunement pour les séparer. C’est, au contraire une façon de rendre compte de la complexité que pourrait  engendrer une œuvre littéraire. Il est possible qu’un écrivain, par exemple, choisisse « le bavardage » comme un masque ou comme une forme de silence. Il s’agit de vouloir « trop parler » pour taire des faits qui peuvent être importants pour une certaine compréhension de l’œuvre.

Les participants potentiels sont invités à choisir un ou plusieurs axes d’analyse suivants :

- Écriture du silence ou le dire du silence dans l’œuvre littéraire.

- « Être dissimulé » dans le langage imaginaire : « quête de soi », « quête de la pensée », « quête du moi profond ».

- Écriture fragmentée et dissimulation : la difficulté langagière dans le dire dissimulé dans l’œuvre littéraire.

- Le masque comme générateur d’images caricaturées de la société : mise en scène du masque dans l’œuvre littéraire pour faire apparaître les travers et les ridicules du système socio-politique, et pour exprimer le mal de vivre en société.

- Le caractère symbolique du masque dans l’écriture de la dissimulation.

- Comparatisme et métissage culturel dans l’écriture de la dissimulation.

 

Modalités de participation :

Les propositions de communication (titre et résumé en français de 2000 caractères), ainsi qu’une brève notice biobibliographique (nom, prénom, affiliation, courriel, titres de publications) seront à envoyer par mail jusqu’au 15 mars 2015, aux deux adresses suivantes : enslabo@yahoo.fr et lisodip@gmail.com

Après sélection du comité scientifique, les candidats recevront une notification à partir du 30 mars 2015.

Les interventions qui seront sélectionnées par le comité scientifique feront l’objet d’un numéro de la revue Socles à paraître en 2016.