Questions de société

"L'école, ascenseur social?", par U. Palheta (La Vie des idées, 18/03/11)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

L'école, ascenseur social ?  Ugo Palheta, La Vie des idées, 18 mars 2011

Des années 1960 à aujourd'hui, les classes populaires seraient passées, selon Tristan Poullaouec, d'un régime d'auto-exclusion à l'adoption du modèle des études longues. Pour autant, le diplôme constitue-t-il pour les classes dominées une « arme » ou un verrou idéologique ?

Résumées sous le célèbre slogan « 80% au niveau du bac », les politiques d'ouverture du système d'enseignement mises en oeuvre dans les années 1980 ont fait couler beaucoup d'encre. La diffusion croissante des diplômes universitaires, la différenciation de l'enseignement supérieur, le manque de moyens financiers alloués aux universités ou la faiblesse de la réflexion pédagogique sur les conditions de transmission des savoirs académiques, n'auraient fait que reporter et rendre moins visible l'élimination scolaire des jeunes d'origine populaire, tout en maintenant à un niveau élevé les inégalités sociales d'accès aux filières qui permettent d'occuper les positions socioprofessionnelles les plus prestigieuses et rémunératrices. Outre une déconnexion entre espérances subjectives et probabilités objectives de réussite, qui engendrerait « onirisme social » (G. Mauger) et sentiments de déclassement, ces politiques auraient contribué à dévaloriser les diplômes délivrés par les universités de masse, à stigmatiser un peu plus encore les « vaincus » de la compétition scolaire, et à couper les jeunes d'origine populaire de leur culture de classe (engendrant ainsi une rupture générationnelle).

Au rebours de ces sociologies, Tristan Poullaouec entend ici mettre en évidence non seulement une « conversion » des familles ouvrières au modèle des études longues, mais les bénéfices que ces familles (ou au moins une fraction non négligeable d'entre elles) en auraient retiré à travers leurs enfants. Ce travail, essentiellement fondé sur l'exploitation secondaire d'enquêtes statistiques, se compose de quatre parties. La première porte sur l'évolution du rapport des familles ouvrières à l'École. La deuxième propose une typologie des destins scolaires propres aux jeunes d'origine ouvrière dans le système d'enseignement actuel. La troisième a pour objet les formes particulières que prend la « mobilisation » scolaire des familles ouvrières. La dernière traite de l'entrée dans le monde du travail des jeunes issus de ces familles et de la rentabilité socioéconomique des titres scolaires qu'ils ont acquis. Le questionnement jouant le rôle de fil rouge dans ce travail tient dans les effets, notamment symboliques, de la massification scolaire pour les familles ouvrières (on préfère ici utiliser le terme de « massification » plutôt que de « démocratisation », dans la mesure où l'emploi de ce dernier tend à clore la discussion qu'il s'agit justement d'ouvrir).

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