Questions de société

"L. Chatel pris en grippe par les syndicats enseignants" (Libération, 21/08/09)

Publié le par Bérenger Boulay (Source : SLU)

"Luc Chatel pris en grippe par les syndicats enseignants", par Charlotte Boitiaux, Libération, 21 août 2009.

http://www.liberation.fr/societe/0101586236-luc-chatel-pris-en-grippe-par-les-syndicats-enseignants

Adeux semaines de la rentrée scolaire, les personnels enseignantsdéplorent une campagne de prévention de la grippe A inexistante à leurégard, contrairement à celle menée pour les parents et les enfants.[Sur la question du traitement "politique" de la grippe et descontradictions avec ce qu'en dit la recherche, voir le blog de Sylvestre Huet (de retour de vacances). Note de SLU]

Lésés les enseignants ? C'est le sentiment général dupersonnel des établissements face au plan de rentrée/ Grippe A de LucChatel, le ministre de l'Education. S'estimant moins bien informés queles parents d'élèves et l'opinion publique, ils regrettent d'être« traités en second plan ».

Si les annonces faites aux familles sont de nature àfavoriser une prise de conscience face à la pandémie, elles sonttoutefois jugées « insuffisantes » en ce qui concerne le personnelenseignant. Quelle prise en charge pour les enfants présentant dessymptômes grippaux ? Quel matériel de protection sera mis à leurdisposition ? Que dire aux sujets à risque, professeurs enceintes,asthmatiques... ? A quinze jours de la rentrée, la grogne monte sur lesbancs d'école...

« L'Etat, le pire employeur »

Daniel Robin, secrétaire national du FSU-Snes (syndicatmajoritaire des enseignements du second degré), préfère ironiser sur lasituation. L'Etat face à son personnel ? « Une tradition basée sur l'inexistence de rapport. C'est un peu le pire employeur pour la santé de ses employés. » Le ton est donné. Vindicatif. « Sérieusement,traiter le problème de la grippe porcine à deux semaines de la rentrée,c'est ridicule et inconscient, se désole-t-il. En tant que responsablenational syndical et en tant que prof, je n'ai absolument rien reçucomme consigne. »

Au syndicat Unsa (deuxième fédération des enseignants du premier et second degrés), la tension est également palpable. « La date fatidique de la reprise approche et on ne sait toujours rien », s'indigne Dominique Thoby, la secrétaire nationale. « Celava faire plusieurs semaines que nous ne cessons de demander desinformations. Le ministre a voulu mettre en place son plan decommunication pour les familles, mais nous, nous sommes les acteurs surle terrain ! »

La colère s'explique : à ce jour, aucun syndicatcontacté n'a reçu la circulaire envoyée par le gouvernement qui dicteles comportements à adopter face à la pandémie, de matériel deprotection, ou les procédures à suivre en cas de symptômes grippauxdétectés.

Les réactions se suivent et se ressemblent. A laFSU-SNUipp (syndicat majoritaire des instituteurs, professeurs desécoles et PEGC), on regrette qu'il n'y ait pas eu de réunion à ce jour.« Un plan de prévention n'est efficace que lorsque toutes lessituations sont envisagées, toutes les procédures à suivre connues,explique Gilles Moindrot, le secrétaire général. On ne peut pas sepréparer sérieusement si tout se fait la veille de la rentrée », seplaint-il. « Nous ne voulons pas affoler la population. Mais qui peutme dire aujourd'hui comment s'effectueront les ramassages scolaires,comment est envisagée la vaccination pour les enseignants... ? » Dansune lettre rendue publique mardi 18 août, Gilles Moindrot demande à LucChatel que « les enseignants bénéficient d'une information complète ettransparente ».Les « gestes barrières » insuffisants

Les « gestes barrières » préconisés pour tous (lavagede mains, mouchoirs jetables...) sont à leurs yeux bien trop minces etinsuffisants pour « assurer une rentrée ». « Tout ça n'est queprévention, protection de premier ordre. Si des élèves présentent dessignes grippaux, ces mesures deviendraient bien obsolètes », s'inquièteHugo, professeur des écoles.

Pourtant, les syndicats avaient alerté les pouvoirspublics dès le mois de juin, lors de la fermeture des écolesparisiennes et toulousaines. « Nous avions appelé le ministère pourdire que nos collègues manquaient sérieusement de consignes face àl'attitude à adopter devant la grippe porcine... » Mais le tour dechauffe a raté : « c'était la confusion la plus totale », explique la secrétaire nationale de l'Unsa.

Des réunions prévues avec le ministre

A ce jour, les syndicats réclament une réunion avec leministre et une réunion CHS (Comité hygiène sécurité) qui portera sonattention spécifiquement sur la question sanitaire (prise en charge,protection, masques...). C'est chose faite. Rendez-vous est pris le 28août entre les organisations syndicales et le ministre pour une réuniond'information. Une réunion CHS se réunira quant à elle le 31 août, etl'Unsa espère aller plus loin : « Il faudrait mettre en place des réunions CHS pas seulement ministérielles, mais aussi académiques, départementales... ».

L'Unsa et le SNUipp se défendent d'accabler Luc Chatel : « Nous trouvons légitime qu'il prenne le dossier à bras-le-corps et partageons sa volonté de bien faire », se justifie Gilles Moindrot. « Soigner son image et sa communication, c'est bien, prendre soin des acteurs sur le terrain, c'est mieux », affirme Dominique Thoby.

Un suivi pédagogique encore peu connu

Quant au suivi pédagogique mis en place en cas defermeture des écoles, là encore, le sentiment premier n'est pas àl'enthousiasme. « Ce sont plus des mesures palliatives qu'un suivi pédagogique », insiste Gilles Moindrot. Loin d'être la « panacée », la mise en place de cours de substitution via Internet et la radio « ne remplace pas l'école. Elle ne permet pas de découvrir de nouvelles notions juste de rester sur ses acquis ».

Pour Dominique Thoby, le problème est même double : « Nonseulement, ce procédé ne remplace pas un professeur, mais en pluspersonne n'a encore pu analyser le contenu des programmes. Commentsavoir s'ils sont adaptés, s'ils seront suivis en classe au préalable. » Elle s'arrête puis reprend : « en fait continuité pédagogique, ça veut dire quoi ? ».

Mais c'est Daniel Robin qui aura le mot cynique : « Toutça n'est pas très sérieux et ressemble à du bricolage. Luc Chatels'essaie à la mise en scène, comme lorsqu'il va au supermarché, Saufque, là aussi, c'est raté. »