Collectif
Nouvelle parution
L. Carriedo, M. L. Guerrero, C. Méndez & F. Vericat (dir.), A vueltas con Beckett

L. Carriedo, M. L. Guerrero, C. Méndez & F. Vericat (dir.), A vueltas con Beckett

Publié le par Florian Pennanech (Source : Pilar Andrade Boue)

Lourdes Carriedo, Maria Louisa Guerrero, Carmen Méndez & Fabio Vericat (dir.), A vueltas con Beckett

Madrid : Eds. La Discreta, 2009, 360 p.

  • ISBN : 978-84-96322-29-5

Présentation de l'éditeur :

Le titre suggestif de ce recueil : A vueltas con Beckett, joue d'emblée, avec une concision très beckettienne, sur la polysémie de cette expression espagnole qui combine les idées de « tourner une question dans sa tête » et « serrer un tour d'écrou », ce dernier imprégné inévitablement de l'écho du récit de Henri James. Ainsi chaque partie de ce recueil de textes focalise sur un aspect particulier de l'écriture beckettienne pour en approfondir les sens et la portée, collaborant au labeur critique déjà existant qui serre depuis quelque temps l'écrou de l'oeuvre de Beckett. Les éditeurs de cet ouvrage ont ainsi visé à rendre hommage à l'esprit multilingue, divers et polysémique qu'a été Samuel Beckett et à explorer les différentes facettes de son caléidoscope non seulement littéraire mais aussi audiovisuel.

L'ouvrage rassemble des textes de plusieurs auteurs (9 en français, 7 en espagnol et 3 en anglais), dont le directeur de la Beckett International Foundation, Ronald McDonald, des philosophes comme Alain Badiou, Bruno Clément ou François Noudelmann, ou des spécialistes de l'oeuvre littéraire beckettienne tels que Marie-Claude Hubert, Anne-Cécile Guilbard, Robert Harvey, Lourdes Carriedo et Francisco Torres Monreal, entre autres.

A partir donc d'une perspective ouverte qui tente de combiner les études approfondies sur divers aspects et l'approche multidisciplinaire, le volume s'articule autour de six noyaux thématiques : la pensée, le langage, le silence, les genres, les rapports avec d'autres auteurs ou la réception, et enfin la relation entre l'écriture et l'audiovisuel beckettiens.

Dans la première partie Alain Badiou analyse la perception du cosmos chez Beckett, où confluent le « mal dire » ou précarité du langage et le « mal vu » ou difficultés de la captation autrement sensible. Ensuite, François Noudelmann pose la question de l'impossible « finition », qui découle de l'impuissance à assimiler le temps et qui fait du réenregistrement infini le véritable sujet des textes.Enfin, le texte de José Manuel Losada parcourt les traces des philosophies rationalistes et existentialistes dans Molloy.

La deuxième partie, axée sur la question du bilinguisme/multilinguisme, propose (travaux de Bruno Clément et de Robert Harvey) une réflexion sur la nécessité d'une approche double de l'oeuvre de Beckett, fondée sur l'origine esthétique et métaphysique de ce bilinguisme. Carmen Méndez, d'un autre côté, se demande si le discours critique peut rendre compte d'un ensemble de textes qui affirment l'impossibilité de la communication et le silence comme aboutissement logique de toute recherche.

Ainsi ce dernier texte ouvre le passage à la troisième partie, où Ana Fernández-Caparrós aborde la poétique de l'omission dans Come and go et son iconisme qui le rapproche de la peinture expressionniste, et où Francisco Torres aborde un autre dramaticule, « Souffle », suggérant des intertextes bibliques qui ramènent pourtant per negationem à l'indécibilité du réel.

La subversion des genres constitue le noyau thématique de la quatrième partie. Marie-Claude Hubert tente d'y déceler les flux de communication qui relient le roman autobiographique et l'écriture dramatique, tandis que Lourdes Carriedo analyse, dans le passage des « voix mortes » de En attendant Godot, les effets de la poéticité, qui ouvre le discours beckettien à l'indicible et au mystère.

La cinquième partie s'ouvre aux enjeux de l'intertextualité et de la réception. Ronald McDonald offre une étude métacritique de la tradition académique irlandaise pour repérer les négligences de celle-ci envers l'oeuvre beckettienne ou même les mésententes avec elle. L'article de Violeta Díaz Corralejo parcourt l'oeuvre de Beckett à la recherche des traces de l'univers de Dante, depuis des citations littérales jusqu'aux évocations générales. Pour sa part, Karine Germoni analyse la présence proustienne dans l'écriture de l'Irlandais, qui a appris, à travers le pastiche, à dépasser son prédécesseur et à chercher un nouveau type de phrase. Beatriz Villacañas trace un panorama de parallélismes et d'oppositions biographiques et thématiques entre Joyce et Beckett, le premier écrivant à partir de l'omniscience, et le deuxième essayant de s'exprimer depuis les « incertainties » et les difficultés pour communiquer. L'article de Francisco González décline brillamment le gödelisme chez Beckett, ou mathématisation du discours à la manière de Gödel, qui a inventé le critère de l'indécidabilité des énoncés au sein d'un système et leur double référence au système même et à la réalité.

Enfin l'impact de l'oeuvre beckettienne sur l'art contemporain, et notamment sur l'oeuvre du peintre et sculpteur Eva Hesse, qui tresse des tissus d'incertitudes, des organismes sans ossature, et essaie de faire apparaître l'immontrable, est traité dans le texte de Ithzak Goldberg.

Trois études à perspective intermédiale composent la sixième et dernière partie du recueil. Dans la première, Anne-Cécile Guilbard réfléchit sur la figure du personnage dans l'attente de l'image, personnage patient – qui prend patience, mais aussi qui pâtit dans son impuissance à voir quoi que ce soit. La deuxième, écrite par Fabio L. Vericat, porte sur l'expérience radio et cinématographique de Beckett, où celui-ci tente d'atteindre le silence par la dissociation entre le média et la représentation, la voix et l'image, le mot et le son. Enfin dans la troisième étude de cette section Manuel Ángel Vázquez Medel analyse le court métrage Film pour y préciser la portée de la philosophie sous-jacente de Georges Berkeley avec son célèbre esse est percipi (aut percipere, faudrait-il ajouter), philosophie qui n'empêche pas Beckett de conclure à l'impossibilité du néant qui découlerait de l'impossibilité de ne pas être perçu.

Dix-neuf études donc, autant de perspectives pour enrichir notre connaissance de cet incontournable auteur qui dans sa recherche toujours plus approfondie et plus exigeante du discours, mais aussi du silence, a renouvelé le paysage de la littérature contemporaine.