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L'autorité plurielle (groupe phi) : Bernard Edelman ; René Audet ; Vincent Ferré (coord. Irène Langlet)

L'autorité plurielle (groupe phi) : Bernard Edelman ; René Audet ; Vincent Ferré (coord. Irène Langlet)

Publié le par René Audet (Source : Emmanuel Bouju)

Journée d'étude « L'autorité plurielle »

La prochaine séance du Groupe phi, consacrée à « L'autorité plurielle »,
aura lieu le jeudi 8 mars prochain, de 14h30 à 18h30, en salle B 332 (campus Villejean, Rennes 2).

Programme

14h30 Bernard Edelman
15h30 René Audet (université Laval, Québec)
16h30 pause
17h00 Vincent Ferré (université Paris 13)

Modérateurs: E. Costadura, I. Langlet


Bernard Edelman a proposé, dans Le sacre de l'auteur, une étude historique du droit d'auteur écrite « comme le récit de la lente conquête d'une souveraineté: comment, de la Cité antique à nos sociétés modernes, la création s'est peu à peu affranchie de la politique et de la théologie pour devenir le symbole de la liberté de l'individu; comment, en retour, la fiction a acquis cette quasi sacralité naguère dévolue à la polis, à Dieu ou au roi. » A-t-il raison de craindre que « le temps [soit] venu de parler de la grandeur et de la décadence de l'auteur »? Sommes-nous parvenus à ce stade où la « fonction auteur » s'est dissoute dans un dispositif sociétal prenant la « forme de la fabrication industrielle de fictions (...), d'oeuvres-produits caractéristiques d'une culture de masse; et [où] les nouveaux artistes seraient, désormais, polyvalents, polymorphes »? Edelman pousse l'hypothèse jusqu'à désigner le transfert de la « fonction auteur » (Foucault) à un marché conçu comme « l'unique auteur, l'unique metteur en scène, l'unique acteur de ses propres intrigues; sorte de roi formé de la somme de ses courtisans, se nourrissant d'eux et les nourrissant de la nourriture qu'ils lui fournissent généreusement ».

Que peuvent nous apprendre de cette possible « décadence de l'auteur » des oeuvres contemporaines caractérisées par une autorité plurielle? Et si l'auteur est « un régulateur de la fiction, rôle caractéristique de l'ère industrielle et bourgeoise, d'individualisme et de propriété privée » (Foucault), que peuvent nous apprendre les mutations de la narativité contemporaine?

Le groupe Phi propose de consacrer une séance de son programme sur «l'autorité » à ces formes d'autorité littéraire qui se placent à mi-chemin d'une souveraineté absolue de l'individu maître de sa fiction et du dispositif post-individuel où « la société se dévore[rait] elle-même dans sa propre confusion » (B.E.) Le débat sera ainsi nourri par deux exemples d'autorité plurielle confrontés aux hypothèses de Bernard Edelman, dont la conférence ouvrira le séminaire.


La première intervention (Vincent Ferré) portera sur deux romans situés à un moment charnière, entre les oeuvres évoquées par Bernard Edelman et les recueils contemporains étudiés par René Audet : Les Somnambules de Hermann Broch (Die Schlafwandler, 1930-1931) et USA de John Dos Passos (1930-1936) présentent une hétérogénéité étonnante, associant des récits successifs (trois parties, chez Broch) ou entrelacés (une douzaine d'histoires chez Dos Passos), poèmes, textes apparemment autobiographiques (donc tranchant par rapport à la narration à la 3e personne) et de parties théoriques, autant d'éléments souvent envisagés comme autonomes. On observe pourtant un décalage entre cet aspect composite et la position de l'auteur que des critiques sont persuadés de pouvoir dégager pour s'y référer, comme s'il existait une « philosophie » de Dos Passos et de Broch à recomposer dans ces textes, « philosophie » utilisée par ces critiques pour penser le réel, la situation politique et sociale de l'époque décrite dans les romans. C'est donc la question de l'autorité de ce je (éclaté ou unique ?) et de son statut (fictionnel ?) qui sera envisagée ici.

Questionnant quant à lui l'autorité de la fiction dans les pratiques polytextuelles,et les enjeux des notions de Livre et d'oeuvre, René Audet poursuivra l'examen des paramètres narratifs et fictionnels impliqués par la pratique du recueil et des oeuvres polytextuelles. On observe dans ces ouvrages, marqués par l'éclatement de leur trame textuelle, une possible fragilisation de l'autorité même de leur auteur. Si l'oeuvre expose la dégradation de son unité fondamentale, on peut se questionner en retour sur les stratégies compensatoires utilisées dans de tels ouvrages fondés sur une tension entre l'un et le multiple. Un simulacre d'unité est souvent insufflé aux pratiques polytextuelles par le recours à une trame narrative commune, stratégie rapprochant ces ouvrages du grand genre romanesque. De façon concurrente, de multiples oeuvres partagent un même univers de fiction pour atténuer leur éclatement textuel et/ou narratif. C'est néanmoins à une autre posture fictionnelle, encadrante celle-là, que la présentation d'Audet s'intéressera, où la dimension narrative sera considérablement réduite, donnant à lire une fiction qui se construit d'elle-même — une fiction dont le rôle sera de contenir l'oeuvre, de lui donner sa cohérence et sa légitimité.