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Appels à contributions
L'auteur

L'auteur

Publié le par Julia Peslier (Source : Catherine Mazauric)

Appel à communications pour le 14e Congrès de l'Association pour l'Étude des Littératures africaines (APELA)

AIX-LA-CHAPELLE, SEPTEMBRE 2011

L'Auteur


Responsables scientifiques :
Daniel Delas, Pierre Halen, Catherine Mazauric, Anne Neuschäfer

La modernité occidentale a inventé l'auteur, reconnaissant au sujet qui est à l'origine d'un travail créateur le droit d'être considéré comme auteur et de jouir en tant que tel d'une reconnaissance et d'une protection. C'est par nom d'auteur qu'on a dès lors réuni et classé les livres d'une bibliothèque. La critique contemporaine (Foucault, Barthes) a mis en crise cette notion d'auteur, en relâchant le lien entre le texte de l'oeuvre et celui qu'on désignait comme son garant (auctor), de manière à considérer avant tout le sujet du discours, et la textualité elle-même (autotélie). Mais la « fonction auteur » subsiste de fait dans le champ social, où elle préside à la
communication des oeuvres ; elle continue d'organiser l'enseignement et la recherche, et a même trouvé une sorte de nouvelle légitimité dans les approches poétiques ou génétiques.


Qu'en a-t-il été et qu'en est-il aujourd'hui pour les littératures africaines ?
C'est en effet cette conception occidentale qui a été, avec une certaine forme de littérature écrite, importée en Afrique, où elle est en quelque sorte naturalisée. Or certains auteurs, notamment dans le contexte colonial, n'auraient-ils pas été « inventés », en tout ou en partie ? et si oui, comment et pourquoi ? Aujourd'hui encore, le travail de réécriture que les éditeurs « centraux » font sur les manuscrits des écrivains africains présenterait-il des spécificités ? Lesquelles ?
Qu'en est-il du rapport des sujets écrivants (qu'ils soient réputés auteurs ou non) au medium oral, porteur des récits épiques fondateurs, de diverses formes ritualisées de communion culturelle, des contes et proverbes de la culture populaire, de la rumeur
qui court dans les villes… Souvent anonyme, l'oral diffuse une parole multiple, dont l'origine est partiellement inassignable. Que reste-t-il alors de la notion d'auteur dans ces divers cas ? Peut-elle ou devrait-elle être dépassée, ou déconstruite ? Le griot peut-il être envisagé comme une sorte d'auteur ? Les grands récits sont-ils ou non signés ? Que s'est-il passé lorsque des ethnologues ont entrepris de transcrire ces textes, lorsque des écrivains en ont fait la matière de récits au statut (générique, auctorial) hybride ? L'écrivain d'aujourd'hui est-il un « crieur public » ?


Par ailleurs, lorsqu'on parle de « génération » d'écrivains, ou lorsqu'on organise l'histoire littéraire à partir de « périodes » et de « ruptures », notamment dans un contexte didactique, on recourt aussi très souvent à la « fonction auteur », qui suppose de mettre en évidence des oeuvres plus symptomatiques que d'autres, quitte à laisser sur le côté des oeuvres intéressantes. S'ouvre ici une interrogation sur la « mémoire » et la « patrimonialisation ». À présent que l'on peut parler de plusieurs « générations », peut-on dire que certains écrivains sont devenus des « classiques » ? Comment devient-on un « classique africain » ? Y a-t-il des « classiques » dont le statut serait limité à un champ national, ou alors à des secteurs internationaux (francophone, par exemple, ou féminin, migrant, etc.) ?


Quelles sont les institutions à même de conférer de la légitimité ? (reconnaissance par des éditeurs « centraux », rééditions dans des collections patrimoniales, prix littéraires, rôle des instances culturelles, des festivals et des rencontres d'auteurs – notamment dans les médias audio-visuels –, importance des programme scolaires, des histoires littéraires et des anthologies, des idéologies dominantes, etc.) ? Quel est le rôle de la critique européenne, nord-américaine, africaine ? Quel impact a pu avoir le phénomène des doubles casquettes, lorsqu'un auteur d'oeuvres de création est par ailleurs essayiste, critique littéraire, éditeur ou chercheur faisant autorité ? Quel est le rôle des facteurs économiques (prix des livres, rôle des bibliothèques, des Centres culturels étrangers en Afrique, etc.) ?
Ces nombreuses questions peuvent servir de point de départ à des études de cas aussi bien qu'à des approches plus générales, ces dernières étant cependant vivement encouragées. Les propositions d'intervention devraient ainsi pouvoir croiser un certain nombre de débats contemporains de manière transversale et transculturelle, notamment :

- Celui des « missions » de l'écrivain(e), engagé ou non. D'où les figures à apprécier en fonction du contexte de réception : militant, porte-parole, prophète, stars, figures emblématiques, « grand écrivain », écrivain « tout court », etc. - Celui du nom de l'auteur et de sa paternité réelle ou fictive, entière ou partielle : nom, surnom, signature, pseudonyme(s), « nègres », plagiats, « emprunts », supercheries, écritures en collaboration, etc. Recherche qu'on pourra étendre à la question des documents biographiques (photos, manuscrits, correspondance), ceux-ci étant compris comme éléments d'un discours de construction de l'auteur. - Celui de la place que l'auteur se donne lui-même (concepts de scénographie (Maingueneau) ou de posture (Meizoz)). - Celui du sujet de l'écriture, mais non pas au sens où cette question a déjà été posée lors d'un précédent colloque de l'APELA (à Toulouse en 2001, actes publiés) ; plutôt en considération de ce que Barthes appelait le « travail », tel qu'il est valorisé comme travail d'un auteur imposant sa marque par le style, la phrase, notamment dans les avant-textes (brouillons, manuscrits : poétique et génétique textuelle) et dans la réception de cette « marque ». L'existence de fonds d'archives légués par un écrivain et bien ou mal conservés, la présence d'une autobiographie, de biographie, d'éditions de correspondance, etc. sont des indices intéressants d'une « statufication ». - Celui enfin de la position de l'auteur vis-à-vis de son oeuvre et de sa réception (jusque dans ses silences).


Ce colloque ne se tiendra qu'en septembre 2011 à l'Université d'Aix-la-Chapelle (Allemagne) mais il est nécessaire de monter le dossier dès cette année en y faisant figurer des noms d'intervenants. Nous demandons donc aux membres de l'APELA et aux autres chercheurs qui seraient intéressés de faire parvenir pour le 15 novembre 2009 un titre de la communication qu'ils proposent, suivi d'un bref résumé de quelques lignes et de l'indication précise de leur titre universitaire à
Catherine Mazauric, catmazauric@orange.fr