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L'auteur en observateur et commentateur de son discours: la question du métadiscours (Sfax, Tunisie)

L'auteur en observateur et commentateur de son discours: la question du métadiscours (Sfax, Tunisie)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Mustapha Trabelsi)

Université de Sfax (Tunisie)

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Unité de Recherche en Littérature, Discours et Civilisation (URLDC)

Colloque international

L’auteur en observateur et commentateur de son discours :

la question du métadiscours

 

Les 1, 2 et 3 décembre 2016

 

Les études linguistiques montrent que la langue ne peut pas être considérée aujourd’hui comme « un bloc de mots et de propositions s’imposant massivement aux énonciateurs », mais comme un dispositif qui  « doit se frayer ses chemins, négocier à travers un espace saturé par les mots et les énoncés autres » (Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau, Dictionnaire d’analyse du discours, Seuils, 2002, p. 373). Une telle dimension dialogique se manifeste même dans les énoncés où  l’auteur s’applique à se rendre invisible et où il tente de dissimuler soigneusement ses procédés d’écriture ainsi que ses prises de position. A l’arrière-plan de ces textes, de multiples indices épars manifestent la présence d’une couche énonciative qui correspond au métadiscours et qui permet à l’auteur de ne pas se borner à sa fonction d’énonciateur, mais d’assurer également la fonction d’observateur et de commentateur de son propre discours.

En effet, le métadiscours est la marque de la réflexivité du langage ; il peut avoir une définition restrictive. En ce sens, les énoncés métadiscursifs   introduisent dans le texte des éléments d’explication ou de commentaires des énoncés dont use l’auteur, évaluent leur correspondance à la situation d’énonciation ou au code de référence en soulignant leur adéquation ou leur inadéquation au contexte. Le métadiscours permet ainsi à l’énonciateur de revenir sur le déjà-dit afin de l’expliciter, de l’analyser, de le rectifier, de le reformuler et d’éliminer à l’avance certaines erreurs d’interprétation. Andrée Borillo  souligne l’importance d’une telle fonction qui garantit la transparence du discours : « Le recours aux énoncés métadiscursifs témoigne tout particulièrement du souci de communiquer »  (Andrée Borillo, « Discours ou métadiscours? », DRLAV n° 32, 1985, p. 53). C’est pourquoi c’est un trait de style récurrent,  au service de la diégèse chez Balzac ; il  assure la lisibilité du discours narratif et sa bonne réception par les lecteurs comme le souligne Van Rossam-Guyon dans son étude consacrée à « la figure du métadiscours chez Balzac » : «  la fonction pragmatique du métadiscours est essentielle. A l’instar du discours préfaciel, et en s’appuyant sur lui, il met en communication le discours romanesque avec le discours social et constitue le roman en réponse, conforme ou non à la demande de certains destinataires. » (« Des nécessités d’une digression : sur  une figure du métadiscours chez Balzac », Revue des sciences humaines, tome XLVII, n° 175, juillet- septembre 1979,  p. 106). 

Toutefois, loin d’être un simple commentaire ou une simple explication des mots utilisés, le métadiscours correspond également au  « discours tenu sur les règles  de fonctionnement du discours » (Dictionnaire de linguistique, Larousse, 1973, p. 317) et porte du coup sur l’œuvre narrative, dramaturgique, poétique, argumentative ou artistique. Une telle définition extensive est signalée par Andrée Borillo : « La portée des énoncés métadiscursifs s’étend à tout ce qui concerne l’économie du discours » (« Discours ou métadiscours? », op. cit., p. 55). En interrompant la fonction référentielle et communicative du discours, l’écrivain introduit dans son oeuvre une réflexion sur la création littéraire, il s’interroge sur son statut, ses fonctions, ses affres, ses limites et ses échecs comme créateur. « Le métadiscours suspend le fil du discours ; il suspend la référentialisation ordinaire, la parole du monde pour parler de lui-même. » (Anna Jaubert, La Lecture pragmatique, Hachette, 1990,  p. 122) Il est ainsi la marque la plus nette du retour du discours sur lui-même et sur le processus de son élaboration. C’est le cas du « Drame vrai » de Guy de Maupassant. Le métadiscours ne se manifeste pas dans certains fragments textuels, mais envahit le récit et constitue sa matière. Ce qui est ainsi désigné à l’attention du lecteur comme l’objet d’une analyse et d’une critique, c’est tout le récit. Maupassant inscrit dans « Un Drame vrai » son propre système d’évaluation et d’interprétation. La prolifération du métadiscursif dans cette œuvre permet à la fiction de se prendre pour thème et au récit de se contempler, de s’interroger sur ses fondements esthétiques et de se constituer ainsi comme récit du récit, ou plutôt comme récit de tous les récits que Maupassant dénonce dans l’espace même de son texte. Une telle fonction de contestation est à l’oeuvre dans plusieurs textes comme Jacques le fataliste de Diderot ou À rebours de Joris-Karl Huysmans. Dans ces textes, le métadiscours « a une fonction polémique : son objet n’est pas la lisibilité, mais une lisibilité nouvelle qui cherche à s’établir contre les codes traditionnels » (Bernard Mogne,  « Métatextuel et lisibilité » Bernard Magné, «Métatextuel et lisibilité », Protée, volume 14, université du Québec à Chicoutimi, vol. XIV, n° 1-2, 1986, p. 79) et contre les modes de réception conventionnels. Il déploie ainsi, selon Othmen Ben Taleb, « un espace de communication » sur l’œuvre elle-même, « sur sa théorie et ses relations problématiques avec la subjectivité, l’altérité et le langage » (Aragon, pragmatique d’un tournant discursif, Publication de l’Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis, 2014, p. 132),

Ce colloque a pour objectif d’explorer les multiples potentialités de recherche et d’analyse  qu’offre une notion qui est encore aujourd’hui de nature polymorphe et floue bien qu’elle soit incontournable dans l’analyse textuelle. C’est pourquoi elle interpelle à la fois les linguistes, les stylisticiens, les littéraires et les sémioticiens. Une telle réflexion  suscitera, nous  l’espérons, des études qui portent sur les axes suivants :

  • Métadiscours et métalangage.
  • Indices de manifestation du métadiscours (guillemets, parenthèses, italiques, énoncés comportant un élément métalinguistique…)
  • Métadiscours et genres littéraires.
  • Métadiscours  et réception du texte.
  • Métadiscours, parodie et ironie.
  • Métadiscours et paratexte (préface, épigraphe, incipit, clausule…)

La liste dressée ici n’est nullement exhaustive. Le comité scientifique est ouvert à toute proposition en  dehors de ces axes et enrichissant la thématique du colloque.

 

Bibliographie

- Arrivé (Michel), Métalangue métadiscours métacommunication, DRLAV, revue linguistique n°32, DRLAV, Centre de Recherche de L'université Paris VIII, 1985.

- Authier (Jacqueline), « Hétérogénéité montrée et hétérogénéité constitutive: éléments pour une approche de l’autre dans le discours » in: DRLAV n° 26, 1982, pp. 91-151.

- Ben Taleb (Othmen), Aragon, pragmatique d’un tournant discursif, Publication de l’Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis, 2014. 

- Bordas (Éric), Balzac, discours et détours. Pour une stylistique de l'énonciation romanesque. Presses Universitaires du Mirail, 1997

-  Borillo (Andrée), « Discours ou métadiscours? », DRLAV n° 32, 1985, pp. 47-61.

- Gaha (Kamel), L’ Enonciation romanesque chez Diderot, Tunis, Editions Sahar et Faculté des Lettres de la Manouba, 1994.

- Hamon (Philippe), « Texte littéraire et métalangage », Poétique, n° 31, septembre 1977, pp. 261-281.

-  Magné (Bernard), «Métatextuel et lisibilité », Protée, volume 14, université du Québec à Chicoutimi, vol. XIV, n° 1-2, 1986,

-  Wirtz (Jean), Métadiscours et déceptivité («Julien Torma vu par le Collège de Pataphysique»), Éd Peter Lang, coll. Sciences pour la communication, 1996.

-  « Entre l'écrivain et son oeuvre : In(ter)férences des métadiscours littéraires », sous la direction de Manon Auger et Marina Girardin, Editions Nota Bina, Québec, 2008.

-  Métalangages , Littérature, N°27, 1977.

Le comité scientifique :

Othmen Ben Taleb, Marc Bonhomme, Samia Kassab Charfi, Mohamed Dahi, Arbi Dhafaoui, Jean-Pierre Dubost, Kamel Gaha, Pierre Garrigues, Laurent Gautier, Sonia Zlitni Fitouri, Laurent Jenny, Yvan Leclerc, Thierry Poyet,  Kamel Skander et Mustapha Trabelsi.

Le comité d’organisation :

Mariem Ahmed, Raoudha Allouche, Noureddine Ameur, Zouhour Barkallah, Hassan Belkhiria, Sameh Ben Lakhal, Leila Euchi, Taeib Haj Sassi, Haytham Jarboui, Sonda Mastouri,  Chokri Rhibi, Salwa Taktak, Nouseiba Ouakkaoui et Mouna Sassi.

La date limite d’envoi des propositions à adresser  à  arselenebenfarhat@gmail.com  (avec un bref résumé et une notice biographique):  15 mai 2016

Calendrier :

15 mai  2016 : Réception des propositions de communication
30 juin  2016 : Notification aux auteurs
1-2-3 décembre  2016 : Colloque international

juin 2017 : Publication

 

Les responsables du colloque : Arselène Ben Farhat et Mustapha Trabelsi