Revue
Nouvelle parution
L'art des figures (Figures de l'Art, n° 5, nov 2001)

L'art des figures (Figures de l'Art, n° 5, nov 2001)

Publié le par Thomas Parisot (Source : Amancio Tenaguillo y Cortázar)

Figures de l'Art

Revue d'études esthétiques

N° 5 - "L'art des figures" - Nov. 2001

Rédacteur en chef : Bernard Lafargue, Professeur d'histoire de l'art et d'esthétique à l'Université Michel de Montaigne-Bordeaux III, critique d'art.

Quatrième de couverture :

La figure est d'abord le visage peint. Skiagraphia, elle est cette ombre portée de l'amant endormi que cerne amoureusement sur un mur la jeune corinthienne. Si le portrait retient les traits de l'aimé en partance, il porte absence et présence, plaisir et déplaisir. Pour consoler sa fille désamourée, le père potier modèle la figure de l'absent, la cuit et l'installe en imago romaine. En vain, le nouveau lare est un leurre. La légende de Pline résume admirablement l'idéal de la mimésis gréco-romaine, le fantasme de Zeuxis et de Pygmalion. Le fantasme d'une figure qui aurait la perfection du semblant et la chair du réel.

Quelques années plus tard, une autre jeune fille, Véronique, décline la version chrétienne de la figure. Le trompe-l'oeil du double dessiné devient l'impression acheiropoiete même du modèle, la vraie image du Christ. Relique d'humeurs et de sang, le suaire replié sous le mandylion est le paradigme de l'art chrétien. Et, sans doute, est-il fécond de retrouver avec Louis Marin, Georges Didi-Huberman ou Daniel Arasse ce travail de figurabilité en toute uvre d'art, sous la forme d'opaque lieu virtuel, pan, symptôme, sinthome, punctum, fragment, dettaglio ou figural si, toutefois, on n'oublie pas la troisième légende (synthèse hégélienne?) formulée par Alberti à l'aube de la Renaissance, qui fait de Narcisse au terme pur de sa course le maître du peintre.

Faisant de l'homme son sujet de prédilection, le peintre occidental invente les figures de la liberté humaine. Figures de l'Esprit prenant conscience de lui-même comme Liberté, les figures (de proue) de l'art anticipent l'avenir, artialisent le regard et changent le monde. Or, grand nombre d'oeuvres de ces dix dernières années appartiennent à un Kunstwollen mutationniste qui dénonce l'obsolescence de la figure humaine faite à l'image d'un Dieu gréco-chrétien et suggèrent de la remplacer par le modèle plus viable du cyborg cybernaute transgénique et cloné.

A l'orée donc d'une nouvelle révolution épistémologique, le cinquième numéro de Figures de l'art se propose de retracer la théogonie de la figure humaine et d'analyser les formes les plus topiques du travail de (dé)figuration et de reconfiguration qui s'exerce avec une ingéniosité intempestive dans les uvres d'art.

Contact : bernard.lafargue@univ-pau.fr