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L’Aquitaine était bien plus vaste à mes yeux que ne l’est la terre entière » - L’écrivain et ses territoires

L’Aquitaine était bien plus vaste à mes yeux que ne l’est la terre entière » - L’écrivain et ses territoires

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Caroline Casseville)

 

 

 

COLLOQUE INTERNATIONAL FRANçOIS MAURIAC

Malagar

 

9-11 mai 2013

 

« L’Aquitaine était bien plus vaste à mes yeux que ne l’est la terre entière »[1]

 

L’écrivain et ses territoires

 

 

            Tout au long de sa vie et de son œuvre, Mauriac revendiquera son appartenance à un territoire d’origine. Véritable leitmotiv qui traverse l’ensemble de ses écrits, la présence des lieux, pour Mauriac, est étroitement liée à une histoire personnelle, individuelle et collective. Né dans la bourgeoisie provinciale bordelaise de la fin du XIXe siècle, l’itinéraire de Mauriac se construit en référence à la terre de ces ancêtres qui renvoie à la notion d’héritage, réel ou symbolique, et délimite deux horizons distincts, l’un paternel, l’autre maternel. Cette frontière presque généalogique de son territoire décline un système de référence où les valeurs matérielles (propriétés) et immatérielles (devoir de mémoire, continuité) tantôt s’opposent, tantôt se rejoignent dans le continuum de l’œuvre.

Les paysages principaux, auxquels Mauriac fait référence et qui nourrissent son imaginaire, sont distants seulement de quelques dizaines de kilomètres mais dépeints de manière dissemblable : « Les propriétés où je vécus, enfant, et où je reviens encore, fixent les deux aspects essentiels de la campagne girondine : landes et vignobles ; […] forêts et vignes, régions aussi différentes que peuvent l’être l’Italie et la Norvège, où pourtant ma race paysanne, qui n’a jamais bougé, mêle ses profondes racines »[2]. Ces zones géographiques offrent une unité incontestable à l’œuvre de fiction tandis qu’elles enrichissent l’œuvre du journaliste d’une perception du sensible. Oscillant entre fixité et mobilité, la réappropriation d’un paysage signe le mouvement d’un geste créateur. Pour Mauriac, l’inscription dans un territoire fonde « un être au monde » bien avant la naissance, elle induit un regard qui décline une vision du monde, une identité et une place. Aussi, Mauriac peut-il affirmer à propos de Bordeaux : « il m’a suffi de cette ville triste et belle, de son fleuve limoneux, des vignes qui la couronnent, des pignadas, des sables qui l’enserrent et la font brûlante, pour tout connaître de ce qui devait m’être révélé »[3]. Dès lors, tenter de tracer d’un contour net la cartographie des lieux mauriaciens se révèle insuffisant pour analyser les liens de l’auteur avec sa terre d’origine. Pénétrer dans les arcanes du pays de Mauriac, c’est dévoiler un espace toujours plus vaste, entre réel et imaginaire, fidélité et indépendance, acceptation et révolte, qui reflète une poétique, originale et singulière, car pour Mauriac : « L’Aquitaine était bien plus vaste à mes yeux que ne l’est la terre entière […] tandis que mon cœur créait, dans son étroit domaine, toute une voie lactée d’univers »[4]. Jouant sur une géographie intérieure qui assure des fonctions esthétiques, symboliques et dramatiques, le créateur, grâce à son pouvoir de transfiguration, réinvente la notion de territoire au sein de l’écriture, repoussant les limites des espaces à l’infini.

L’exemple de Mauriac peut offrir une grille de lecture pertinente pour analyser la question de la construction mentale et esthétique du territoire au sein de la création littéraire. En parallèle aux études actuelles menées en géopoétique ou en géocritique et à partir de l’œuvre de Mauriac, de ses contemporains ou de ses successeurs, le colloque s’interrogera sur le sens des lieux dans une œuvre, la place qu’ils occupent et le type d’imaginaire qu’ils dévoilent. Au-delà de la référence géographique, comment l’espace mis en scène dans la littérature exprime-t-il une certaine façon d’habiter le monde ? Comment le rapport au territoire est-il un vecteur d’identité qui permet de repenser la situation de l’homme en reflétant un certain type d’appartenance à un environnement vécu dans l’acceptation, l’indifférence ou le refus ?

 

Le résumé détaillé de la proposition de communication (environ 300 mots ou 1 500 signes), accompagné d’un titre, devra être adressé au plus tard le 31 mars 2013 à l’adresse électronique suivante : centre.mauriac@u-bordeaux3.fr. Il sera examiné par le comité scientifique du colloque composé de : Philippe Baudorre, Caroline Casseville, Jeanyves Guérin, Jacques Monférier et Jean Touzot. L’avant- programme sera arrêté le 15 avril. A l’issue du colloque, le comité scientifique sélectionnera les communications qui feront l’objet d’une publication.


[1] François Mauriac, Commencements d’une vie, in Œuvres autobiographiques, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, 1990, p. 90.

[2] Ibid., p. 97.

[3] Ibid., p. 89.

[4] Ibid., p. 90.