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L'absence au Moyen Âge (Poitiers)

L'absence au Moyen Âge (Poitiers)

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Elise Vernerey)

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L’absence au Moyen Âge

9 et 10 septembre 2021

Journées doctorales internationales du CESCM

(Université de Poitiers, France)

 

Appel à communications

Le centre d’études supérieures de civilisation médiévale (CESCM) de l’Université de Poitiers associé à l’Unité de recherches (UR) Transitions. Moyen Âge et première modernité de l’Université de Liège et au Centre for Medieval Literature des Universités de York et du Danemark du Sud (Odense), organise le deuxième volet des rencontres doctorales internationales.

Le premier volet de ces rencontres s’est tenu à Liège en février 2020 autour du thème « Marges (XIe-XVIIe siècles), le deuxième volet se tiendra à Poitiers autour du thème « L’absence au Moyen Âge » les 9 et 10 septembre 2021. Le troisième volet aura lieu à York.

Argumentaire

« Car tout dépérit en ce monde ; tout est sujet à la défaillance et à la mort. Ainsi elles ne sont pas plutôt nées, qu’elles tendent en croissant à un être plus parfait ; et plus elles se hâtent d’être plus parfaitement tout ce qu’elles sauraient être, plus elles se hâtent de n’être plus. » Saint Augustin, pleurant la disparition de son ami, prend conscience du caractère éphémère du monde terrestre : chaque chose s’achemine vers sa propre disparition. Sa souffrance face à l’absence de l’être aimé, écrit-il, est proportionnelle à son désir de le garder à ses côtés.

L’absence n’est, en effet, perceptible que pour l’individu conscient de la déficience qu’elle induit. Elle se distingue en cela du néant. En prenant la forme d’une carence, l’absence implique nécessairement le concept de temporalité. Ressentir l’absence revient à entretenir un souvenir, autant qu’un désir. L’absence fait appel à la mémoire et à l’affect, à la nostalgie. En retour, la conscience d’une présence est révélée par l’éventualité de l’absence.

Le thème de l’absence sera au cœur de ces journées d’études. La notion d’absence est effectivement au fondement de toute science historique ; le principe de l’histoire est de mettre en lumière la présence derrière le manque. L’absence pourra d’abord être considérée comme celle à laquelle se confronte le médiéviste. Si les sources sont le fondement de son raisonnement, la prise en considération de leur absence est le garde-fou de son travail. Plus que les sources elles-mêmes, qui ont pu subir des modifications, des suppressions ou ont simplement été perdues avec le temps, leur défaut peut s’avérer révélateur pour le chercheur.

Au-delà de la méthode, l’objet d’étude du médiéviste fait la part belle à la notion d’absence. Cette dernière est le moteur de la société médiévale. Du latin abstentia à son apparition dans le vocabulaire français au début du XIIIe siècle, le terme « absence » se définit par contraste : elle signifie littéralement « la non-présence ». Il est appliqué à l’absence physique d’une personne, mais peut aussi incarner un manque plus abstrait. Questionner la notion d’absence, revient à interroger l’Homme – son être, ses désirs, sa mémoire, ses réactions face au deuil, à la séparation comme les interrogations qui en découlent. Il s’agit également, à l’échelle de la société, de se demander de quelle manière les institutions encadrent-t-elles et comblent-t-elles les besoins dont le manque est la conséquence. La considération du concept d’absence engage, en effet, la mise en ordre des structures médiévales : le sentiment d’injustice, par exemple, motive la mise en place des institutions juridiques, la défaillance du corps entraîne le recours à la médecine, l’absence de la présence incarnée du divin rend, quant à elle, indispensable la médiation des membres de son Église.

Dans un second temps, l’absence pourra être pensée à l’échelle de l’individu. Bien souvent douloureuse quand elle concerne l’entourage, la famille ou l’être aimé, l’absence peut s’avérer féconde. Elle se révèle être un sujet d’une grande richesse dans les arts. Dire l’absence c’est aussi exalter, par contraste, un idéal. En outre, la mise en forme fictionnelle possède cette puissance de rendre l’absent présent à l’esprit. In absentia, la figure plastique ou littéraire devient le substitut allégorique de l’objet. Toutefois, l’absence ne peut être uniquement considérée comme le contre-point négatif de la présence. La pratique spirituelle en témoigne. Dans les modes de vie érémitique ou anachorétique, notamment, la volonté de « mourir au monde » des grands solitaires, mise en œuvre par une pratique intensive de l’ascèse, leur permet d’acquérir l’impassibilité propice à l’élévation spirituelle. Il s’agira, enfin, de réfléchir sur la manière dont les médiévaux ont chercher à pallier ou à exacerber l’absence à travers des modes de pensée et de représentation divers. Comment, par exemple, dire et représenter le principe divin ? Face au constat de l’absence de sa connaissance parfaite, porté notamment par la théologie apophatique, la mise en place du culte des reliques et la figuration de signum (alphabétique et iconique) de la présence divine sont autant de moyens mis en œuvre en réponse au sentiment humain d’absence.

En somme, le thème de l’absence permettra, nous espérons, d’aborder sous un regard nouveau des domaines aussi divers qu’essentiels de la société médiévale : la théologie et la philosophie mais aussi la pratique artistique, politique, judicaire ou familiale. Parce que le concept d’absence embrasse toutes les sphères de la vie humaine, il n’existe pas de travail de recherche dédié spécifiquement à cet objet d’étude. Il a pourtant été abordé en filigrane par de nombreux médiévistes. Parmi ceux-là peuvent être cités Claude Gauvard, dans le domaine judiciaire, Martin Aurell et Barbara Hanawalt, concernant la parenté, André Vauchez et Peter Brown, à propos de la sainteté, Michel Zink et Herbert Kessler, relativement à la création médiévale, ou encore Alain de Libera et Olivier Boulnois, au sujet des implications théologiques de la notion.

Au cours de ces journées, les communications chercheront à explorer la notion d’absence au Moyen Âge. Ce colloque, résolument pluridisciplinaire, sera l’occasion d’explorer et de discuter son influence centrale sur la culture médiévale. Il est largement ouvert aux chercheurs en histoire, histoire des textes et de la littérature, histoire de l’art et des images, philosophie, anthropologie, archéologie, sociologie etc.

Les propositions devront s’insérer dans les axes suivants :

Le médiéviste face à l’absence

La trace :  les mots ou les objets manquants, les sources perdues, les objets périssables, le fragment

L’expression de l’absence : l’ellipse, le raccourci, la synthèse, le lexique défaillant, le vide, l’obscurité ou le blanc, le non-dit

L’absence volontaire : l’usage de faux, l’effacement, la destruction délibérée, l’iconoclasme

L’enquête, la quête, l’inaccessible, l’implicite

L’absence dans le domaine judiciaire et politique : 

La législation face à l’absent

Le jugement par contumace

L’exil et le bannissement en absence imposée

Les réactions face à l’absence du pouvoir politique

Les manques de la société : famines, soulèvements populaires

L’expérience de l’absence :

Les liens familiaux défaillants : abandons, infanticides, divorce, séparation de corps

Le défaut ou la départie de l’être aimé

La mort de l’être cher et son deuil

L’attente, la fuite, l’expérience du vide, le mystère amoureux

L’absence de foi :

L’athéisme et l’hérésie

La déloyauté, l’infidélité et la félonie dans les relations féodales

L’absence désirée :

La perfection (l’absence d’erreurs)

L’ascétisme (le monachisme, l’érémitisme et l’anachorétisme, la pauvreté volontaire, le renoncement, la solitude)

Pratique de l’absence : le silence, le jeune, la privation, le mutisme

Dire/pallier l’absence :

La matérialisation et le contournement de l’absence dans le processus de création littéraire et plastique (les transferts culturels, la translatio, la figuration de l’altérité) ainsi que le théâtre (l’absence ludique, le simulacre)

L’articulation entre la fiction et la réalité (querelle des universaux, débats sur le réalisme eucharistique, rhétorique de l’absence)

Penser le concept d’absence : la théologie apophatique, le mal contre absence de bien, les enjeux du mystère dans la théologie et la pratique liturgique, la description de « l’ineffable »

La substitution : le culte des reliques, les signes de la présence divine, les miracles

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Les communications d’une durée de vingt minutes pourront être présentées en français ou en anglais.

Modalités pratiques 

Les propositions des doctorant.e.s sont attendues pour le 15 décembre 2020, sous forme d’un dossier pdf à adresser par courriel à colloque-absence@protonmail.com en fichier joint. Ce dossier comprendra les coordonnées (nom, prénom) du/de la doctorant.e et celles du/de la directeur.rice de recherche, le titre de la thèse et l’année d’inscription en thèse,  un CV, l’intitulé de la communication, et un résumé de la communication d’une page maximum, seront suivie d’une courte bibliographie indicative. Les doctorant.e.s seront informé.e.s des résultats de la sélection dans le courant du mois de juin 2021.

À l’issue des deux journées, une attestation de participation sera délivrée sur demande.

L’événement se déroulera les 9 et 10 Septembre  2021 au Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale de l’Université de Poitiers. Le CESCM offrira des déjeuners et les pauses cafés des deux journées. Les frais relatifs au transport et à l’hébergement seront en revanche à la charge des participant.e.s. ou de leurs laboratoires.

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Comité organisateur :

Corinne Lamour, Emilie Margaix, Cécile Maruéjouls, Elise Vernerey.

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Absence in the Middle Ages

 8 - 9 April 2021

International Postgraduate Symposium 

CESCM (Université of Poitiers, France)

 

 Call for papers

The CESCM (centre d’études supérieures de civilisation médiévale, University of Poitiers) in collaboration with the Research Unit transitions (research department on the Middle Ages and the Early Modern Period, University of Liege) and the Centre for Medieval Literature of the Universities of York and Southern Denmark (Odense) is pleased to open the call for the second session of the postgraduate symposium.

The first session was held in Liège, Belgium, in February 2020 and was dedicated to the notion of margins (XIth-XVIIth centuries). The second session will be held in Poitiers, on September 9th-10th 2021 and will be dedicated to the notion of absence in the Middle Ages. The third part will take place in York.

Themes

"For everything in this world is withering away; everything is subject to failure and death. Thus they are just born and they already tend to grow to a more perfect being, and the more hastily they hasten to be the most perfect things that they know how to be, the more hastily they hasten to be no more”. Saint Augustine, mourning the death of his friend, becomes aware of the ephemeral nature of the earthly world: everything is heading towards its own demise. His suffering in the face of the absence of his loved one is proportional to his desire to keep him at his side.

Absence is, in fact, only perceptible to the individual who is aware of the deficiency it induces. In this, it is different from nothingness. By taking the form of a deficiency, absence necessarily implies the concept of temporality. To feel absence is to maintain a memory, as much as a desire. Absence appeals to memory and affect, to nostalgia. In return, the awareness of a presence is revealed by the possibility of absence.

The theme of absence will be at the heart of this symposium. The notion of absence is at the foundation of all historical science; the principle of history is to bring to light the presence behind the lack. Absence can first of all be considered as the absence that the medievalist confronts. If the sources are the basis of his reasoning, the consideration of their absence is the safeguard of his work. More than the sources themselves, which may have undergone modifications, deletions or simply been lost over time, their defect may prove to be revealing for the researcher.

Beyond the method, the medievalist's object of study gives pride of place to the notion of absence. The latter is the driving force of medieval society. From the Latin abstentia to its appearance in the French vocabulary at the beginning of the 13th century, the term "absence" is defined by contrast: it literally means "non-presence". It is applied to a person's physical absence, but can also embody a more abstract lack. To question the notion of absence is to question Man - his being, his desires, his memory, his reactions to grief, to separation and the questions that arise from it. At the level of society as a whole, it is also a question of asking how institutions frame and meet the needs that result from absence. Consideration of the concept of absence in fact involves putting medieval structures in order: the feeling of injustice, for example, motivates the establishment of legal institutions, the failure of the body leads to recourse to medicine, the absence of the incarnate presence of the divine makes the mediation of the members of one's church indispensable.

In a second way, absence can be thought of at the individual level. Very often painful when it concerns friends, family or the loved one, absence can be fruitful. It proves to be a subject of great richness in art. To express absence is also to exalt, by contrast, an ideal. Moreover, fictional formating has the power to make the absent present in the mind. In absentia, the plastic or literary figure becomes the allegorical substitute for the object.

However, absence cannot only be seen as the negative counterpoint to presence. Spiritual practice bears witness to this. In the eremitical or anachoretic way of life, in particular, the will to "die to the world" of the great loners, implemented by an intensive practice of asceticism, enables them to acquire the impassibility conducive to spiritual elevation. Finally, it will be a question of reflecting on the way in which medieval people sought to compensate or exacerbate absence through various modes of thought and representation. How, for example, to say and represent the divine principle? Faced with the acknowledgement of the absence of its knowledge, advocated in particular by apophatic theology, the establishment of relic worship and the representation of signum (alphabetical and iconic) of the divine presence are all means implemented in response to the human feeling of absence.

In summary, we hope that the theme of absence will allow us to take a fresh look at fields as diverse as they are essential to medieval society: theology and philosophy, but also artistic, political, judicial or family practice. For the concept of absence embraces all spheres of human life, there is no research work specifically dedicated to this object of study. It has, however, been approached as a filigree by many medievalists. Among these can be cited Claude Gauvard, in the judicial field, Martin Aurell and Barbara Hanawalt, on kinship, André Vauchez and Peter Brown, on holiness, Michel Zink and Herbert Kessler, on medieval creation, or Alain de Libera and Olivier Boulnois, on the theological implications of the notion. During these days, the papers will seek to explore the notion of absence in the Middle Ages. This multidisciplinary symposium will be an opportunity to explore and discuss central influence on medieval culture. It is widely open to researchers in history, history of texts and literature, philology, history of art and images, philosophy, anthropology, archaeology, sociology, etc.

Proposals must fall under one of the following headings:

The medievalist faced with the absence

The trace: missing words or objects, lost sources, perishable objects, the fragment, etc.

The expression of absence: the ellipse, the shortcut, the synthesis, the faulty lexicon, the void, the dark or the white, the unsaid

Voluntary absence: the use of forgeries, erasure, deliberate destruction, iconoclasm

Enquiry,  quest,  the unreachable, the  implicit

Absence in the judicial and political field

legislation and absent ones

Judgment in absentia

Exile and banishment in imposed absence

Reactions to the absence of political power

The shortcomings of society : famines, popular uprisings

3.            The experience of separation

Failing family ties: abandonment, infanticide, divorce, separation

The defect or departure of the loved one

The death of a loved one and their grief

waiting,  flight, experience of emptiness,  mystery of love

4.            Lack of faith

Atheism and heresy.

Disloyalty, infidelity and felony in feudal relations

5.            The desired absence

Perfection (the absence of errors)

Asceticism (monasticism, the eremetical life and anchoriteism, voluntary poverty, renunciation, loneliness)

Practicing absence: silence, fasting, deprivatin, mustism.

6.            To tell and overcome absence

The materialisation and circumvention of absence in the process of literary and plastic creation (cultural transfers, translatio, figuration of otherness) as well as theatre (playful absence, simulacrum).

The articulation between fiction and reality (quarrel between universals, debates on Eucharistic realism, rhetoric of absence)

Thinking about the concept of absence: apophatic theology, evil versus absence of good, the stakes of mystery in theology and liturgical practice, the description of "Ineffable".

Substitution: the worship of relics, signs of the divine presence, miracles

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Presentations (c. 20 min.) can be given in either French or English.

Practical Informations

Proposal must be submitted by December 15th 2020 at the latest, in pdf format, and sent by e-mail to colloque-absence@protonmail.com. The proposal will include the name and surname of the PhD candidate and those of their advisor(s), as well as the title of the thesis, the starting year of their PhD, the title of the lecture and a short abstract (no longer than a page) followed by a short bibliography.

Applicants will be contacted by June 15th 2021, after the committee completes the selection process. At the end of the symposium, a certificate of participation will be released on request.

CESCM will offer lunches and coffee breaks to the participants. Travel and accommodation costs, however, will be at the expense of participants or of their research centres.

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Organising committee :

Corinne Lamour, Emilie Margaix, Cécile Maruéjouls, Elise Vernerey.