Questions de société

"Kafka aux Pays-Bas : 16 jours de prison pour un étudiant de Paris-I", C. Lepage, Rue89, 23/12/2010

Publié le par Arnaud Welfringer

 

"Kafka aux Pays-Bas : 16 jours de prison pour un étudiant de Paris-I", par Camille Lepage, Rue 89, 23/12/2010

Etudiant malien de 28 ans en deuxième année de droit à Paris-I, BallaKone a décidé de partir quelques jours à Eindhoven, aux Pays-Bas, afinde se renseigner sur une production de lait en poudre pour sa soeurvivant au Mali (elle veut en importer et en vendre à l'armée malienne).Depuis le centre de détention où il a été enfermé plus de deux semaines,il nous a raconté son aventure kafkaïenne. Il a depuis été libéré.
Il part le 7 décembre 2010. Aux Pays-Bas, il est contrôlé unepremière fois dans le Thalys. Le policier juge qu'il est en règle. Puisun nouveau contrôle se produit cinq minutes avant son arrivée àRotterdam. Les policiers décident de l'arrêter, estimant que ses papiersne suffisent pas à prouver qu'il est en situation régulière.

Arrestation non justifiée

Balla voyage sans passeport, mais avec :

  • une carte de séjour expirée depuis le 15 octobre 2010 ;

  • une convocation de la préfecture de Paris pour le renouveler le 31 janvier ;

  • sa carte étudiante ;

  • un certificat de scolarité.

Avant de partir, Balla s'est renseigné à la préfecture de Paris quilui a précisé qu'il n'avait pas besoin de son passeport et que saconvocation de renouvellement était suffisante pour voyager àl'intérieur de l'espace Schengen (dont font partie les Pays-Bas). Pasforcément un très bon conseil, même s'il est juridiquement défendable.
Aux Pays-Bas, Balla est emmené au poste de police de la gare. Lapolice française est contactée. Elle confirme son identité et son statutd'étranger étudiant en France légalement.
Il est néanmoins transféré au commissariat de police de Roosendaal oùon lui demande de se déshabiller. Il se retrouve en sous-vêtements avecun policer « mettant son nez dans [sa] culotte ». Balla se doute qu'ilscherchent de la drogue, mais personne ne lui explique concrètement cequ'ils font.
La barrière de la langue rend les choses encore plus difficiles. Sesempreintes sont relevées quatre fois en moins de cinq minutes, unpolicier qui parle un peu le français lui explique qu'ils ne vont « paslui faire de mal ». Mais Balla ne comprend pas ce qu'il se passe.
Finalement, un interprète arrive et lui explique que c'est « juste un contrôle ».
A 21h30, soit quatre heures après son arrestation, il est transféréau centre de détention de Breda, à la frontière belgo-néerlandaise. Sacellule : une petite pièce avec deux lits et un petit coin toilette.
A 11 heures le lendemain, soit plus de dix-huit heures après sonarrestation, Balla rencontre enfin son avocat, maître Schaenmakers.
A bout de force, Balla pleure. Son avocat le rassure et lui expliquequ'il n'« y a pas d'inquiétudes à avoir » et que sa situation serarégularisée rapidement. Balla raconte : « On m'a traité comme un criminel alors que je suis en situation régulière en France. »

La police lui annonce que « la France ne veut plus de lui »

En plus de deux semaines, les seules affaires qu'on lui a donnéessont des sous-vêtements, un T-shirt, un marcel, une paire de chaussetteset des chaussons.
Il rencontre un Somalien qui parle français et néerlandais : il l'aide à communiquer -un peu- avec les gardiens.
Des tests sanguins effectués après son arrestation ont révélé qu'ilétait diabétique. Cette maladie est présente dans sa famille mais ilignorait jusque-là qu'il en était porteur. Il demande à ce qu'on lui« apporte des papiers prouvant son état de santé » ; en vain. Il nebénéficie pas non plus de nourriture adaptée à sa maladie.
Le jeudi 9 décembre, il est à nouveau transféré au centre de détention de Rotterdam.
Le lendemain, on lui annonce qu'il va être relaxé. Mais ce n'est pasle cas. La police lui annonce même que « la France ne veut plus delui ». Balla est médusé : après près de deux ans en France en situationrégulière, le monde s'écroule.

Lire la suite sur Rue89.

- Pétition pour Balla, étudiant en rétention à Amsterdam
- Communiqué du RUSF-Paris 1 : "Victoire des étudiants : Balla libéré avant les fêtes !"