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Juifs, judéïté, judaïté au XVIIe

Juifs, judéïté, judaïté au XVIIe

Publié le par Nicolas Wanlin (Source : Solange Guénoun)

Juifs, judéïté, judaïté au XVIIe siècle
26-30 décembre 2006

Cette séance de la Modern Language Association, organisée par la section des études du XVIIe siècle, est consacrée aux “représentations”des “Juifs”, de la “judaïté” (religieuse) et de la “judéïté” (socio-anthropologique), dans le régime poético-mimétique des Beaux Arts et des Belles lettres - littéraires, historiques, savantes. Ces représentations peuvent être explicites ou relever d'un irreprésentable, sous la contrainte des modèles, des styles, et des règles, au fondement des pratiques discursives. Les dictionnaires et lexiques, les relations de voyage, les écrits théologiques et politiques, métaphysiques et philosophiques, juridiques et légaux, ainsi que tous les genres, théâtre, poésie, roman, peuvent être mis à contribution, pour ce champ d'études encore peu exploré, et plutôt marginalisé dans le paradigme dominant des études universitaires nord-américaines, celui des études “orientalistes”, francophones et postcoloniales.


Contextes et argumentaire :

En France, le mot, “Juif” nom ou adjectif, est quasi-diffamatoire au XVIIe siècle, comme en témoigne le procès des fripiers, à Paris en 1652. Synonyme entre autres, d'usurier, comme l'avare de Molière nous l'apprend en hurlant “Quel juif, quel arabe est-ce là ?”, ce terme est également le support de l'antijudaïsme séculaire de l'Eglise, comme le Dictionnnaire universel de Furetière en témoigne, en énonçant que les “Juifs” “sont odieux à tous les Chrétiens”. Ce peuple qui ne s'entend pas comme “nation”, précise le Dictionnaire de l'Académie française, continue par ailleurs à éveiller les terreurs millénaires de meurtres rituels, que l'actualité judiciaire ne fait que renforcer, des suites de nombreux procès de juifs à Metz où vivait encore des Juifs, et où en 1670, on brûlera vif un Juif, accusé d'enlèvement d'enfant. Tous faits qui confirment le constat fait par Claude Abraham, dans “Juifs et judéïté dans la tragédie classique : Hérode et Mariamne”, Littératures Classiques, 16, 1992, p. 248, d'un “gouffre évident creusé entre Juifs et Chrétiens, qui rendait toute compréhension mutuelle très difficile, mais celui non moins large et non moins profond entre le Juif biblique et le Juif ‘moderne' (ce qui fait que souvent le vrai était sacrifié au vraisemblable, mais un vraisemblable qui n'en était un que pour le public non informé, disons ignorant.)”
Durant la même période, le comptoir hollandais des Indes occidentales, soutenu par le gouvernement, augmente la présence de la Hollande au Brésil, qui compte plus de 50 000 européens vers 1624, dont plusieurs “convertis” et marranes, d'origine juive, ayant fui l'Espagne et le Portugal. Quant en 1654, le Portugal reprend possession des provinces sous domination hollandaise, environ 150 familles juives s'embarquent sur des bâteaux à destination d'Amsterdam ou d'autres pays d'Amérique centrale. Parmi eux, en septembre 1654, se trouvent les 23 premiers juifs, capturés par des pirates espagnols, sauvés par le Saint-Charles, bateau français,et son capitaine Jacques de la Mothhe (pour une somme extravagante de 2500 guildes d'or...), qui débarquent à la Nouvelle Amsterdam et forment ainsi la première communauté juive américaine.
Peter Stuyvesant, gouverneur général, fait appel aux autorités d'Amsterdam, pour les expulser, en vain, car ces Juifs obtiennent le droit de rester - étant actionnaires loyaux du Comptoir des Indes, qu'il n'est “ni raisonnable ni juste” d'expulser, faisant partie de ce que Fernand Braudel a défini comme un âge d'or des grands marchands juifs entre 1590 et 1650. Dès 1655, ils obtiennent le droit de défendre la ville attaquée par les Indiens, droit qui leur était interdit en tant que Juifs, ainsi que le statut de “bourgeois”, accordé aux Juifs d'Amsterdam. En septembre 1664, New Amsterdam passe sous contrôle anglais - devient New York, et compte une population de 1500 personnes en 1695, dont 20 familles juives. Dès 1715, une législation de New York accorde la “naturalisation” à ceux qui y ont vécu depuis 1683, comprenant ainsi 13 juifs. En 1738, 11 membres de cette première communauté sont enrôlés dans la milice de NY ; en 1754, une compagnie sous la direction de Isaas Myers, participe à la guerre Franco-indienne, et en 1776, de nombreux juifs participent à la Révolution américaine - distingués par Georges Washington
Ainsi cette première communauté juive du nouveau Monde a obtenu tous ses droits, depuis le XVIIe siècle, alors que les Juifs, expulsés de France, (édit d'expulsion de 1394, rappelé en 1615 par Louis XIII), se trouvent également expulsés en 1683 de toute colonie française, par l'article premier de l'infâme “Code Noir”.
Estimés à quarante mille environ en France à la veille de la Révolution française, qui décrétera leur émancipation en 1791, l'Histoire des Juifs de France jusqu'à nos jours, se distinguera considérablement de celle des Juifs américains, à partir de deux modèles concurrents d'universel, de rapports de l'Etat à la religion, de conception de la citoyenneté politique, et de l'individu. Les études comparées de ces deux histoires qui commencent au XVIIe siècle, renvoie à cet Autre à abattre, pour la monarchie absolue de Louis XIV, qu'est la République de Hollande, comme modèle de liberté religieuse, politique, économique, culturelle et intellectuelle. Au même moment où la Sorbonne interdit les écrits de Descartes, et où paraissent les Pensées de Pascal, ainsi que le Traité théologico-politique de Spinoza, la réflexion humaniste et savante sur les Juifs et le judaïsme - et ce phénomène neuf qu'on a appelé le “philosémistisme” des XVI et XVIIe siècles, représentent un excellent poste d'observation pour des évolutions politiques, culturelles, et littéraires, en France, en Europe, et en Amérique du Nord, qui perdurent encore de nos jours, de part et d'autre de l'Atlantique.


Propositions de communications (une page)-à adresser à Solange.Guenoun@uconn.edu
avant le 25 mars 2006