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Traduire, adapter, représenter les théâtres anciens sur la scène occidentale : de la poétique à la scène (Aix-en-Provence)

Traduire, adapter, représenter les théâtres anciens sur la scène occidentale : de la poétique à la scène (Aix-en-Provence)

Publié le par Université de Lausanne (Source : CPAF-TDMAM- Aix-Marseille Université)

APPEL À COMMUNICATIONS

"Traduire, adapter, représenter les théâtres anciens sur la scène occidentale : de la poétique à la scène"

Journées d’étude, 27 et 28 mars 2020,

Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (Université d’Aix-Marseille – UMR 7297 TDMAM) 

 

Si le théâtre grec et, dans une mesure un peu moindre peut-être, le théâtre latin semblent jouir d’une relative popularité et, grâce aux efforts conjoints des traducteurs, des acteurs et des metteurs en scène, trouver un public, en revanche le théâtre indien, malgré l’extraordinaire fascination qu’il a exercée au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle en France, bénéficiant de la vogue de l’orientalisme, traverse depuis de nombreuses années un véritable purgatoire : on ne le traduit que très peu, on le publie moins encore, et surtout on ne le joue pas, ou rarement et seulement à travers des adaptations le plus souvent réalisées à partir non du répertoire dramatique mais de textes narratifs – comme la célèbre adaptation du Mahābhārata proposée par Peter Brook. Les causes de cette désaffection peuvent être multiples et l’objectif de la journée d’étude n’est évidemment pas de les déterminer de façon certaine. Il s’agit plutôt de mener une interrogation, dans une perspective comparative associant trois grands « théâtres anciens » (grec, latin, indien), sur les défis et les problèmes que posent leur diffusion et leur popularisation aujourd’hui, en France et dans les pays dits « occidentaux ».

Cette diffusion, a priori, comporte deux versants : le premier est la traduction ou l’adaptation, c’est-à-dire, indépendamment de la scène mais avec celle-ci comme point de mire, la production d’un texte qui, tout en étant le reflet le plus fidèle possible de l’original, puisse être dit et joué de manière intelligible et intéressante. Le second est sa « mise en spectacle », dans toutes les dimensions de ce processus : mise en voix, mise en geste, mise en scène. On se demandera si les textes anciens présentent des particularités qui rendent difficile chacune de ces deux étapes et déterminent des stratégies spécifiques pour surmonter ces obstacles. On se demandera également quelles sont les caractéristiques propres à chacun des trois répertoires anciens envisagés qui pourraient expliquer les différences qui affectent leur réception. Enfin, on se demandera quelles interactions il peut y avoir – ou il doit y avoir – entre le versant textuel et le versant scénique : sont-elles les mêmes que celles qui régissent toute forme théâtrale fondée sur un texte et que rencontre, par conséquent, quiconque entreprend de porter à la scène le théâtre de répertoire, quelle qu’en soit l’origine, ou bien les répertoires anciens exigent-ils de ses défenseurs des modes différents d’articulation entre les deux ? 

On peut donc distinguer trois axes principaux de réflexion, chacun appelé à être envisagé de manière comparative : le premier concerne la poétique du texte dramatique, le second sa théâtralité, le troisième les relations entre poétique et théâtralité. Les théâtres anciens sont, par force, et quelque « modernisation » qu’on veuille leur imposer, des théâtres de répertoire : ce qu’on possède, c’est un texte écrit, dans une langue ancienne (ou plusieurs dans le cas du théâtre indien), résultat d’une transmission elle-même possédant une histoire, qu’il appartient au philologue de reconstituer. Ce texte, de surcroît, réfère à un univers culturel doublement distant : il s’agit d’une « autre culture », appartenant à un autre temps, ignorée ou partiellement ignorée du lectorat comme du public des théâtres. Ce texte a bien entendu été composé en fonction d’une poétique, qui en constitue une dimension incontournable, mais qui n’a de sens que rapportée à son contexte historique. La traduction ou l’adaptation du texte exigent donc qu’il soit tenu compte de cette poétique, qu’on peut qualifier de « poétique source », et que soit mise en œuvre dans la restitution une « poétique cible », susceptible à la fois de la refléter au mieux et d’être intelligible dans le cadre d’une réception contemporaine.

Le premier axe s’inscrit donc dans le cadre de la poétique comparée des mondes anciens : il s’agit, en effet, d’étudier la poétique des textes dramatiques, en comparant les répertoires grec, latin et indien (il entre dans l’axe 5 de l’UMR 7297 TDMAM). La même distinction peut être faite s’agissant de la théâtralité : d’une part, les ouvrages dramatiques anciens présentent des formes de théâtralité liées aux contextes des pratiques spectaculaires des mondes qui les ont produits et susceptibles de différer des formes actuelles. Il est donc nécessaire de cerner au mieux la théâtralité source, par l’exploration des traités quand ceux-ci existent, des didascalies, des textes eux-mêmes quand ils revêtent une dimension « méta-théâtrale », des commentaires. Mais il faut d’autre part amener ce répertoire à la scène en fonction d’une théâtralité cible qui soit à même de toucher le public, sans renoncer à l’effet d’étrangeté (cette étrangeté qu’Humboldt, s’agissant de la traduction, appelle das Fremde, par opposition à die Fremdheit), sans lequel ce ne serait plus une pièce ancienne qui serait représentée, mais une contrefaçon sans saveur. Enfin, il semble évident que la traduction ou l’adaptation d’un texte dramatique ancien – décider entre ces deux formes de restitution et les définir constitue d’ailleurs une part du problème posé – ne saurait se concevoir de la même façon selon qu’on la conçoit pour la lecture ou pour la scène.

D’une part, l’abondance des références historiques culturelles qu’il est parfois nécessaire de fournir pour rendre le texte intelligible est contradictoire avec les exigences de la scène, ne serait-ce que parce que la réception s’y inscrit dans une temporalité différente de celle où s’inscrit la lecture. D’autre part, la volonté de restituer une part de la structure formelle de l’original peut, en fonction de celle-ci, comporter d’insurmontables obstacles et engendrer pour le public du théâtre des difficultés susceptible d’entraver sa compréhension ou de susciter son ennui. Ainsi, comment restituer le multilinguisme du répertoire de l’Inde ancienne, où les différents personnages parlent, en fonction de leurs statuts, des langues différentes ? Comment refléter les variations de registre entre les répliques en prose qui font avancer l’intrigue et les strophes poétiques, de style savant et parfois énigmatique, destinées à l’expression des sentiments ? Les mêmes questions, ou des questions analogues se posent s’agissant de la tragédie grecque, où les chœurs s’expriment dans un style très différent de celui des protagonistes, truffé de particularités dialectales. Dans quelle mesure faut-il, dès lors, « adapter » plutôt que « traduire », c’est-à-dire oublier le texte original et sa poétique afin de créer un texte nouveau, d’où sera presque nécessairement absent, en même temps que sa poétique originelle, ce Fremde qu’Humboldt assigne au traducteur de préserver ? Ou bien existe-t-il au théâtre une voie pour celui-ci et peut-on espérer trouver, par exemple dans une étroite collaboration entre le traducteur et l’acteur qui dira ou jouera le texte – chacun modifiant ses choix en fonction de l’autre –, des compromis et des stratégies qui rendent possible une synthèse entre les exigences de la scène et celles de la philologie ?

La journée d’étude aura pour ambition de susciter un double dialogue – entre ces trois axes, nécessairement complémentaires, et entre les trois théâtres anciens. Elle réunira donc des spécialistes des trois domaines culturels que sont la Grèce, l’Inde et Rome, ainsi que de la science du théâtre « appliquée » aux répertoires anciens, chercheurs et praticiens.

Communications de 25~30 minutes maximum, suivies d’une discussion de 10~15 minutes.

Veuillez soumettre un titre ou un résumé avant le 25/01/2020.

Contact : Sylvain Brocquet, professeur de linguistique et civilisation indo-européennes comparées, AMU

Adresse d’envoi des propositions : sylvain.brocquet@univ-amu.fr (avec comme objet : « journées d’études 27-28 mars »).