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Journées d'étude: "Dire la musique"

Publié le par Julia Peslier (Source : Soraru Isabelle)


Dire la musique : à la limite…

du 22 au 24 novembre 2007

Université Marc Bloch, Strasbourg




Une certaine hésitation, semble-t-il, précède tout propos portant sur la musique. Que nous cherchions à la nommer, à la transcrire, à la décrire, à la déchiffrer ou à en articuler une traduction, nous nous trouvons constamment et d'emblée confronté à une tâche qu'il n'est pas aisé de mener à bien, qui nous pousse à considérer que jamais nous ne dirons la musique telle qu'elle se présente à nous, mais toujours de manière différée et, en quelque sorte, inappropriée.

Ainsi, pour George Steiner, « le langage, au regard de la musique, “tripote”. Il recourt à la colle, à la ficelle ou aux clous rouillés qui sont plus ou moins à portée de main. » Cette tâche du langage ne se réduirait donc qu'à une traduction imparfaite, voire impossible, opérant au moyen d'outils divers et variés, comme s'il n'était toujours question que de rafistolage, de raccommodage ou d'à-peu-près — en somme, le mode d'un à la limite selon lequel on se contenterait de peu.

Pourtant, cela ne signifie pas pour autant que le langage ne nous permette pas d'atteindre la musique, quand bien même celui-ci serait marqué par la carence ou la menace d'une aporie — un accès de nature inconstante certes, mais qui touche sans cesse. De ce qui ne semble pouvoir se présenter que sous la forme du fragmentaire, de l'épars, du clairsemé surgissent alors des écritures diverses et variées : en témoignent écrits musicologiques, philosophiques et littéraires qui se sont pris à sonder l'obscurité musicale.

Derrière ces tentatives, l'idée de faire coïncider, tout du moins de faire se frôler, de manière improbable, deux territoires : celui de la musique, celui de la langue. À la limite, nous aurions donc aussi affaire à une frontière, à des frontaliers et à leurs écritures. De Hoffmann et son « royaume des rêves » à la nuit musicale de Nietzsche, de Rilke et son « paysage audible » (hörbare Landschaft) au langage le plus ordinaire du musicologue disant, par exemple, le musical à l'aide du visuel (lignes mélodiques et autres couleurs harmoniques), nous caresserions toujours une même limite qui, pour être franchie, n'octroierait qu'une illusion, la métaphore, et ses multiples régimes.

Ce point de contact où deux singularités, s'évitant précautionneusement, s'effleurent tout en se mirant pourrait aussi nous conduire à nous interroger quant à la forme d'altérité qu'engage la musique, échappant à la saisie et révélant le plus étranger et le plus muet en soi : dans ses Fragments d'un discours amoureux, Roland Barthes rappelait à quel point l'altérité, soit l'irréductible différence, peut fonder le mouvement de départ engageant à suivre l'autre dans sa fuite. Ainsi, si la musique est sans doute dépaysement de soi en soi et expérience par excellence de ce que Lacan nommait l'"extimité", elle révèle aussi au langage des frontières invisibles qui désignent les contours d'un inconnu.


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Ces journées d'étude seront l'occasion, dans une approche interdisciplinaire, de considérer l'écriture de la musique et, à la limite, de réactiver la question de l'ineffable musical en le contraignant à se présenter, sous ses différents visages, en le nommant, de manière à interpréter la nature respective des territoires en jeu, et surtout de la frontière qui les sépare et les lie.


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Co-organisées par Stéphane Roth et Isabelle Soraru sous l'égide de l'UFR des Arts (Équipe d'accueil EA 3402, « Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistique ») et de l'UFR des Lettres (Équipe d'accueil EA 1337, « Configurations littéraires ») de l'université Marc Bloch de Strasbourg, ces journées d'étude auront lieu les 22, 23 et 24 novembre 2007.