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Littérature(s) caribéenne(s) et comparatisme : état des lieux (Aix-en-Provence)

Littérature(s) caribéenne(s) et comparatisme : état des lieux (Aix-en-Provence)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Marine Cellier)

Journée d’étude Jeunes Chercheurs sur la Caraïbe

Littérature(s) caribéenne(s) et comparatisme : état des lieux

Vendredi 25 mai 2018

 Aix-Marseille Université (Maison de la recherche, Aix-en-Provence)

L'affirmation conjointe de la cohérence et de la diversité des littératures caribéennes se retrouve souvent lorsqu'il s'agit de définir les contours d'une littérature caribéenne unifiée, dotée d'une dynamique propre. Dans un numéro de la Revue de Littérature comparée datant de 2002 entièrement consacré aux littératures caribéennes, la Caraïbe était qualifiée d' « espace comparatiste». Qu'en est-il, quinze ans plus tard, des études comparatistes sur l'espace caribéen au sein de l'université française ? Cette journée d'étude vise à dresser un état des lieux de la recherche en cours sur les littératures caribéennes, en particulier parmi les jeunes chercheurs. Nous partons du constat que les caribéanistes sont souvent isolés par le fonctionnement institutionnel de l'université et le cloisonnement des équipes de recherche, entre comparatistes, spécialistes de littératures francophones, anglophones, hispanophones, néerlandophones, créolophones, et qu'il n'existe pas, en dehors du pôle universitaire Antilles-Guyane, d'association ou de regroupement de chercheurs caribéanistes en littératures, ni de cadre régulier dans lequel ils pourraient se retrouver et partager le fruit de leurs travaux[2]. Il s'agirait donc de poser les jalons d'une coopération accrue entre jeunes chercheurs dont les travaux portent sur l'espace littéraire caribéen, que nous étendrons à la grande Caraïbe (incluant les côtes continentales baignées par la mer des Caraïbes, de la Colombie en particulier, et les Guyanes), ainsi qu'à la diaspora.

Un état des lieux suppose une grande diversité d'axes possibles, liés par un seul réquisit général : les communications, qui pourront par ailleurs ne porter que sur un seul corpus linguistique, devront privilégier une perspective comparatiste, que celle-ci se manifeste par une étude translinguistique, transnationale, transdisciplinaire, diachronique ou intermédiale.

Chaque axe pourra ainsi être travaillé à partir d’un corpus restreint observé de près ou à l’échelle des différentes littératures caribéennes dans une approche plus globale, selon les orientations suivantes, non exhaustives :

- Littérature et histoire : l’histoire apparaît comme un thème récurrent des écrivains de la Caraïbe, dans le contexte difficile des mémoires de la colonisation et de la traite atlantique, et de la définition des identités postcoloniales, thème qui se décline en différents sociotropes qui vont des récits d'enfance caribéennes, peu exploités, à l'ultime résultante du traumatisme historique: la folie, envisagée sous sa forme clinique ou philosophique. On pourra ainsi interroger les formes et les pouvoirs de la fiction face à l’écriture de l’histoire, dans une perspective transgénérique qui ne se limite pas au genre romanesque mais qui prend également en compte la création théâtrale et poétique.

- Circulations caribéennes : On s’intéressera à la circulation matérielle du livre (diffusion des œuvres, réception, traduction, revues transnationales etc.), ainsi qu’aux formes de sociabilité littéraires entretenues par les écrivains caribéens (Carifesta, Congrès des Écrivains de la Caraïbe etc.). Les liens entretenus par les écrivains caribéens de la diaspora avec l’archipel pourront également être envisagés, ainsi que les problématiques liées à l’exil ou au retour au « pays natal », à l’origine de questionnements identitaires mouvants et de redéfinitions de la notion même d'identité. Enfin, on portera une attention particulière à l'intertextualité, que ce soit dans la circulation de modèles et de thèmes à l'échelle intra-caribéenne, ou dans les modalités possibles d'une pratique caribéenne de l'intertextualité mondiale.

- Formes écrites / formes orales, écriture et performance : dans quelle mesure la vitalité des formes orales – conte, performances ritualisées liées à la pratique religieuse ou musicale – influe-t-elle sur les techniques et les choix d'écriture, voire sur la conception du texte écrit ? Y a-t-il, comme le propose Antonio Benítez Rojo, une tendance du texte caribéen à « sortir de son lit » générique et à aller ou revenir vers des formes ritualisées[3] ? Le rôle des performances théâtrales ou poétiques dans le renouvellement des formes littéraires pourra être abordé. On envisagera également, dans cette confrontation et / ou continuité entre écriture et oralité, le travail sur la langue, du choix de la ou des langue(s) d'écriture aux stratégies de writing back et de constitution d'un langage, au sens glissantien du terme[4], proprement caribéen. Enfin, on pourra prêter une attention particulière aux formes intermédiales, ainsi qu'aux liens entre littératures caribéennes et  autres arts : musique, peinture, cinéma etc.

- Théories caribéennes : La Caraïbe peut enfin être envisagée comme un espace de création théorique sur la littérature et le rôle de l’artiste que l’on pourra interroger à partir d’une approche des notions et concepts développés ou réappropriés au sein de la Caraïbe, et appliqués spécifiquement, dans la perspective de cette journée, à la création littéraire et artistique de l'espace caribéen (Créolité, créolisation, Tout-monde, Nation language, (de)colonialidad, transculturación, Baroque, réalisme merveilleux etc.).

Les propositions de communication, d'une longueur de 400 mots maximum, accompagnées d'une brève biobibliographie, sont à envoyer à l'adresse caribaix2017@gmail.com pour le 15 décembre 2017 au plus tard. La journée d'étude aura lieu le vendredi 25 mai 2018 à la Maison de la Recherche de l'Université Aix-Marseille, au 29, avenue Robert Schuman, Aix en Provence. Les déplacements seront à la charge des participants, sous réserve ; le déjeuner sera offert.

Organisation : Marine Cellier, Cécile Chapon, Françoise Garcia

[Notes]

[1]                Pierre Brunel et al., « Avant-propos », Revue de littérature comparée 2002/2 (n°302), p. 133-134, p. 133 : «  C'est ce prodigieux dialogue conflictuel des cultures, c'est ce rapport de forces multiforme dont la Caraïbe a été le théâtre qui font de cet espace, aujourd'hui comme hier, un espace d'études et de réflexions pour le comparatiste. » Du point de vue de l'histoire littéraire, il faut mentionner le riche travail coordonné par A. James Arnold qui a mené aux trois volumes de A History of Literature in the Caribbean, publiés entre 1994 et 1997 en anglais dans la collection Histoire comparée des littératures de langues européennes patronnée par l'AILC.

[2]          Le descriptif d'une journée d'étude organisée par le laboratoire CECILLE de l'Université Lille 3 partait du même constat en 2015, mais étendait son champ d'études aux équipes de lettres et sciences humaines, avec une inflexion nette vers les sciences humaines. Même si la perspective historique ou sociologique est hautement complémentaire et nécessaire pour nos recherches, nous souhaiterions cette fois-ci nous concentrer sur la littérature. https://www.univ-lille3.fr/recherche/actualites/agenda-de-la-recherche/?id=1087. Enfin, un programme temporaire du Labex Obvil de l'Université Paris-Sorbonne a été dédié à la Caraïbe littéraire http://obvil.paris-sorbonne.fr/projets/la-valeur-litteraire-lepreuve-de-larchipel-les-ecritures-des-caraibes-et-les-etudes.

[3]          Antonio Benítez Rojo, La isla que se repite, Barcelona, Editorial Casiopea, 1998 [1989] p. 41 : « El movimiento más perceptible que ejecuta el texto caribeño es, paradójicamente, el que más tiende a proyectarlo fuera de su ámbito genérico : un desplazamiento metonímico hacia las formas escénicas, rituales y mitológicas. »

[4]          Édouard Glissant,  Introduction à une poétique du divers (1996) p. 42 : « Dans le cas antillais, un langage est la manifestation de notre rapport à la langue, de notre attitude par rapport au monde, attitude de confiance ou de réserve, de profusion ou de silence, d’ouverture au monde ou de renfermement, d’aménagement des techniques de l’oralité ou de resserrement autour des exigences séculaires de l’écriture, ou alors la symbiose de tout cela. Un langage est ainsi apparu dans la Caraïbe, tramant à travers les langues anglaise, française, espagnole, créole de l’univers de la Caraïbe et peut-être aussi de l’Amérique du Sud. »

  • Adresse :
    Aix en Provence, Maison de la recherche