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Jean Malaquais entre deux mondes

Jean Malaquais entre deux mondes

Publié le par Marc Escola (Source : Julien Roumette)

Jean Malaquais entre deux mondes

 

Colloque organisé par l’Association des Amis de Jean Malaquais

et l’équipe PLH-ELH (Université de Toulouse 2 Jean Jaurès – le Mirail)

20 et 21 mars 2015 – Lycée Victor Duruy (Paris)

 

Le 15 juillet 1936 parut dans la revue Europe, dirigée par Jean Cassou, la première nouvelle d’un auteur nommé Vladimir Malacki. Ce texte raconte d’une manière saisissante un pogrome perpétré par les séides de Petlioura en Ukraine. Assistait-on à la naissance d’un écrivain russe ou d’un écrivain yiddishiste ?

Le second récit de Vladimir Malacki, « La Montre », paru en janvier 1937 dans la revue Vendredi grâce à Jean Guehenno, se déroule à Marseille et ne présente plus aucune référence à la Russie, à la Pologne ni au sort de la population juive. Mais, fait notable, elle a pour cadre un port, un quai, lieu de passage entre tous.

Né à Varsovie en 1908 dans un milieu juif non pratiquant influencé par le mouvement des Lumières slaves de la Haskala et les idées socialistes du Bund, le jeune Israël Pinkus Malacki dut effacer ses prénoms derrière celui de Vladimir sous l’occupation russe. Il les troqua ensuite pour Jan Pavel lorsque la Pologne accéda à l’indépendance. Sans qu’il eût encore à voyager, le monde bougeait autour de lui et emportait nationalité et identité. Installé en France, suivant les conseils de Robert Denoël, il devint Jean Malaquais à l’occasion de son premier roman, Les Javanais, prix Renaudot en 1939. Bien longtemps, il resta apatride, ne pouvant se résoudre à être fixé à un point quelconque du monde.

Cette histoire personnelle, qui aurait pu être seulement subie, lui a donné une ouverture rare à la diversité du monde. Elle est la source de ses convictions internationalistes et de son engagement politique actif, tout comme de sa création littéraire. Malaquais est l’écrivain par excellence des populations déracinées et déplacées. En témoigne son deuxième roman au titre révélateur : Planète sans visa (1947), grand roman de Marseille et de ses réfugiés sous le régime de Vichy. En 1999, au moment de sa réédition, son ami Norman Mailer en défendait plus que jamais l’actualité : « Le roman avait cinquante ans d’avance. Il est temps de le lire ! »

Entre deux mondes, Malaquais le fut aussi dans le domaine littéraire. Il ne revêtit aucune livrée, ne s’enrôla dans aucune école ni aucune chapelle. Sa technique romanesque originale invente un style propre à exprimer tous les chants du monde, à laisser s’exprimer des dizaines de personnages autonomes. Mais, dans une époque passionnée de théories, il eut le grand tort de ne pas théoriser sa pratique romanesque pourtant novatrice, et de n’écrire que très peu sur lui-même et ses créations. Ajoutons à cela une recherche formelle permanente qui le fait expérimenter d’une œuvre à l’autre des solutions d’écriture différentes, et le voit, s’il navigue avant tout dans les eaux réalistes, aborder aussi celles du fantastique et de l’absurde, dans Le Gaffeur ou dans la pièce de théâtre La Courte-Paille.

Politiquement, socialement et littérairement entre plusieurs mondes, Malaquais et son œuvre ont longtemps été mis à l’écart de la vision de la littérature française de la guerre et de l’après-guerre. Mais les mêmes raisons qui, hier, ont conduit à ce que l’on peut qualifier de véritable exclusion du champ littéraire – son positionnement atypique d’homme et d’écrivain irrégulier, rebelle –, font tout le prix de son œuvre aujourd’hui. À la fois par les thèmes traités, par son écriture et par sa technique romanesque, sa redécouverte apporte un éclairage nouveau sur cette période, montrant à quel point les représentations que nous en avons sont simplificatrices et réductrices.

Ce deuxième colloque consacré à Jean Malaquais vise à donner sa place véritable à une œuvre injustement méconnue, et à faire entendre la voix singulière de celui qui a rêvé, inscrit et construit l’image du mouvement dans sa vie comme dans ses livres.

 

Contact : Geneviève Nakach : geminaw@wanadoo.fr;

Julien Roumette : roumette@univ-tlse2.fr