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Jean Anouilh artisan du théâtre : savoir-faire et faire savoir

Jean Anouilh artisan du théâtre : savoir-faire et faire savoir

Publié le par Pierre-Louis Fort (Source : Elisabeth Le Corre)

Jean Anouilh artisan du théâtre : savoir-faire et faire savoir

Colloque organisé par l'Université Paris Est – Marne-la-Vallée (Littérature, Savoirs et Arts, LISAA, EA 4120) et l'Université Paris Est – Créteil Val de Marne (Lettres, Idées, Savoirs, EA 4395), les 14, 15 et 16 octobre 2010.

 

L'homme ne peut connaître la vraie vie, qui est informe, qu'en lui donnant une forme. L'art du théâtre est de lui en donner une, aussi fausse, aussi arbitraire que possible et de faire plus vrai que le vrai[1].

Auteur de quarante-sept pièces représentées, Jean Anouilh fut l'un des dramaturges les plus célèbres et les plus joués en son temps, en France comme à l'étranger. Paradoxalement son succès n'a pas dépassé l'espace de la scène ni survécu à son auteur : Anouilh a toujours été en butte à une certaine désaffection de la part des institutions scolaires – l'université ne l'a guère accueilli et le lycée en a fait l'auteur d'une seule oeuvre, Antigone – et son théâtre est, depuis sa mort, tombé dans l'oubli : rares sont les metteurs en scène qui le mettent à l'affiche. Anouilh est ainsi victime d'une réputation de superficialité qu'il a lui-même contribué à créer par son mépris proclamé d'un théâtre trop sérieux ou intellectuel. À l'occasion du centenaire de sa naissance, un colloque se propose de redécouvrir l'oeuvre dramatique de cet auteur qui commence à sortir du purgatoire, comme en témoignent sa récente entrée dans la bibliothèque de la Pléiade[2], la réédition de nombreuses pièces au format de poche[3] ou encore la publication de travaux universitaires novateurs[4].

Jean Anouilh n'est pas un homme de savoir : sa culture littéraire, complaisamment affichée, est vaste mais non érudite ; ses références historiques et philosophiques restent pour la plupart superficielles et limitées. Il est davantage l'homme du savoir-faire, l'auteur d'un théâtre qui requiert plus d'habileté que de finesse et s'acquiert par l'expérience plus que par la connaissance ou le génie. Or tout en affirmant l'importance de la pratique théâtrale, Anouilh la juge insuffisante ou dépassée : il s'insurge contre les ficelles convenues et éculées de la « pièce bien faite », célèbre les vertus de l'imagination et la créativité ou se présente comme un artisan bancal, auteur de pièces imparfaites. Cette ambivalence à l'égard des savoirs et des savoir-faire est caractéristique du décalage entre les déclarations du dramaturge – ou de ses doubles autobiographiques – et sa pratique. Car avant tout, Anouilh est l'homme du savoir y faire : son théâtre et le discours critique qui l'accompagne relèvent de l'illusionnisme, du tour de passe-passe dont l'auteur veut bien révéler au public certains trucs mais pas tous les trucages. Il y a ce qu'Anouilh fait et ce qu'il fait savoir.

Ce colloque tentera dès lors de lever le voile sur le travail du dramaturge autour de trois axes :

- la mise en oeuvre des savoir-faire : on se penchera sur le processus de fabrication des pièces d'Anouilh, de leurs sources (intertextuelles et biographiques) à leur représentation. Le travail de réécriture et ses modalités (reprise, réécriture, plagiat, citation, imitation des auteurs et des genres oubliés ou à la mode), la composition, l'évolution du texte ou encore le travail de mise en scène auquel Anouilh participe activement pourront ici être évoqués.

- l'articulation entre le faire savoir et le savoir-faire, entre le discours et la pratique dramatique : Anouilh commente abondamment sa pratique du théâtre dans des articles de journaux, des interviews, des préfaces et à travers les pièces elles-mêmes. On s'interrogera sur l'importance, la forme et la fonction de ces discours péri- ou métatextuels. On pourra notamment se demander quelle conception de l'art ces textes révèlent : s'agit-il de théories dramatiques convenues ou Anouilh y fait-il entendre une vision personnelle du théâtre ? Jusqu'à quel point permettent-ils d'éclairer les pièces elles-mêmes ?

- l'évolution de l'oeuvre théâtrale : d'Humulus le muet au Nombril en passant par Cher Antoine ou Becket, le théâtre d'Anouilh emprunte plusieurs tonalités qui ont donné leurs noms aux recueils et exploite plusieurs genres. On examinera dès lors les différents moments de sa longue carrière dramatique en se demandant s'ils mettent en évidence une transformation de sa conception et de sa pratique du théâtre et du monde.

Les propositions de communication (300 mots environ et une brève notice bio-bibliographique en fichier attaché au format Word) devront être envoyées aux organisateurs (colloqueanouilh@laposte.net) au plus tard le 31 mars 2010. Elles devront mentionner votre université d'origine ou votre laboratoire d'affiliation ainsi que votre adresse électronique.

Comité d'organisation : Pascale Alexandre (Université Paris Est- Marne-la-Vallée), Élisabeth Le Corre (Université Paris Est – Créteil Val de Marne), Benoît Barut (Université Paris III – Sorbonne Nouvelle).


[1] Jean Anouilh, « Devant Shakespeare je me sens encore comme un apprenti étonné », Carrefour, 1er mars 1961, repris dans En marge du théâtre, textes réunis et présentés par Efrin Knight, La Table Ronde, 2000.

[2] Jean Anouilh, Théâtre I et II, édition établie, présentée et annotée par Bernard Beugnot, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007.

[3] La Table Ronde a par exemple réédité en 2008 dans la collection « La Petite Vermillon » une grande partie des pièces d'Anouilh ; Folio, en 2007, a publié Le Voyageur sans bagage (édition de Bernard Beugnot, coll. « Folio théâtre ») et Le Bal des voleurs (dossier et notes réalisés par Stéphane Chomienne, coll. « Folioplus classiques »)…

[4] Voir l'article de Benoît Barut : « “Prendre la futilité au sérieux” : La Répétition ou l'acte manqué de Jean Anouilh », RHLF N°1, Janvier-Mars 2008, p. 159-182 ; l'ouvrage de Jacqueline Blancart-Cassou Jean Anouilh, les jeux d'un pessimiste, PUP, « Textuelles théâtre », 2007 ou encore le numéro à paraître d'Études littéraires consacré à Anouilh et dirigé par Bernard Beugnot.