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"Je parle et tu m'entends, donc nous sommes" - Ponge et ses lecteurs

Publié le par Camille Esmein (Source : Benoît Auclerc)

"Je parle et tu m'entends, donc nous sommes" - Ponge et ses lecteurs

Vendredi 2 décembre 2005, à l'ENS LSH (Lyon), salle F 08, à partir de 9 H 15.

Journée d'études organisée par le Groupe Francis Ponge du Centre d'Etudes Poétiques (ENS LSH), l'Equipe Lecture et Réception du Texte Contemporain (Lyon 2) et le Groupe de Recherche (CNRS) "Le Livre de Poésie".

PRESENTATION
Les mots du Pour un Malherbe qui donnent son titre à cette journée d'études condensent une autre phrase du même livre, elle aussi datée du 28 février 1955 : « Puisque tu nous lis (mon livre et moi), cher lecteur, donc nous sommes (Toi, lui et moi). » En faisant du lecteur un opérateur indispensable à l'existence même du livre de poésie, Ponge rompt avec une série de représentations modernes du livre, - situées, disons, dans l'héritage valéryen de Mallarmé - qui tendent à en faire un objet autosuffisant et autotélique. A l'inverse, Ponge place d'emblée au coeur de l'écriture la question de l'adresse, des conditions de possibilité d'une communication (littéraire), de (ce) qui autorise la parole ; symétriquement, le livre apparaît dans ce cogito moderne comme le créateur de son lecteur, dont l'existence est en quelque sorte le fruit de sa rencontre avec un auteur et son livre.
Mais si Ponge définit bien le livre comme « instrument existentiel », l'inclusion du lecteur dans le processus créatif coïncide avec la remise en cause de la détermination générique - livre de poésie : en effet, alors que, de plus en plus, Ponge va tenter de sortir de la forme poème, les procédures d'adresse, de prise en compte voire d'inclusion du (des) lecteur(s) deviennent un élément central de sa poétique. La « conquête de [son] mode d'expression » en acte dans les textes exige parallèlement de « [prendre] le lecteur par la main » (Le Mimosa).
Le rapport au lecteur donne ainsi lieu à des représentations diverses voire contradictoires. D'une part se fait jour une relation intime, presque érotique, (de « l'amour de lecteur » que le texte souhaite embrasser au lecteur-proie de L'Araignée), dans laquelle on peut percevoir une façon de renouer paradoxalement avec la tradition lyrique ; mais, parallèlement voire concurremment, le lecteur apparaît comme un fondateur d'objectivité : celui qui assure une « existence distincte enfin probable » (Méthodes) au sujet écrivant aussi bien qu'au texte, qui permet de valider les convictions de l'écrivain quant à la chose qu'il explore, de même que ses investigations verbales.
Ce double mouvement d'embrassement érotique et/ou agonistique du lecteur, mais aussi de mise à distance de certaines lectures, se manifeste ainsi dans les textes par le brouillage qu'opère Ponge entre ce qui relève en propre de l'oeuvre, et ce qui appartient a priori à son dehors, en l'occurrence à sa réception : présence dans ses livres de lettres (Camus, Audisio, etc.), citation de ses critiques, hommage à des lecteurs ou correction de leurs interprétations, voire enlacement du texte et de sa critique (L'Araignée publiée à l'intérieur de son appareil critique, avec un texte de Georges Garampon, 1952). De telles ambiguïtés se retrouvent dans la façon dont Ponge se positionne (est positionné par ses lecteurs) dans le champ : la réception critique de son oeuvre, jalonnée de lectures fortes et clairement situées (Sartre, compagnonnage et rupture violente avec Tel Quel) est elle-même marquée de coïncidences humaines et théoriques, et de malentendus fondamentaux.
Si la dimension éminemment adressée de l'oeuvre pongienne a souvent été remarquée, elle n'a jusqu'à présent été étudiée que ponctuellement. Cette journée d'études se donne ainsi pour objet d'interroger les enjeux et les ambiguïtés des rapports au(x) lecteur(s) de celui qui se présente comme un « suscitateur » « demandant au lecteur un acte ».
B.A.

PROGRAMME

9 H 15 : Accueil des participants
9 H 30 : Gérard Farasse: Le Grand Lecteur
10 H 00 : Sophie Coste : Du bouffon à l'amant : sur quelques figures du rapport au lecteur (1924 1945)

Discussion - Pause

11 H 00 : Dominique Carlat : Le modèle du poème didactique en question
11 H 30 : Séverine Conésa : Le livre de dialogue, le lecteur raréfié

Discussion
Après-midi
14 H 30 : Benoît Auclerc : « Est-ce là poésie ? » - Vers un lecteur spécifique
15 H 00 : Vincent Kaufmann : Francis Ponge : traversée des avant-gardes.

Discussion - Pause

16 H 00 : Jean-Marie Gleize : Ponge après Ponge - Sur quelques actes d'écriture suscités aujourd'hui.