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J. Puchol, Commentaire de planche : Blutch

J. Puchol, Commentaire de planche : Blutch

Publié le par Nicolas Geneix

Jeanne Puchol, Commentaire de planche : Blutch

Article paru sur le site du9.org, décembre 2016.

"La planche est clairement organisée en deux parties, deux demi-planches de deux strips chacune. C’est d’autant plus net que la partie haute est organisée en deux strips de deux cases et la partie basse en deux strips de trois cases. Les deux moitiés sont aussi organisées de manière visible comme l’équivalent d’un plan fixe au cinéma, en plan américain pour la partie supérieure et en plan rapproché pour la partie inférieure. Je sais que l’on n’est pas censé utiliser le langage du cinéma pour parler de bande dessinée, mais comme Blutch est un cinéphile bien connu, je pense qu’il me pardonnerait s’il était présent.

Autre effet utilisé sur cette planche, c’est la répétition des images. C’est un des procédés en bande dessinée pour donner l’impression de durée. Il s’agit du procédé qu’on appelle « itération iconique », c’est-à-dire la répétition à l’identique de la même case. Ce n’est vrai qu’en apparence : certains auteurs, quand ils ont à faire ça, maintenant, font de plus en plus de la répétition « Photoshop », on fait un copier-coller de la planche, et on change juste la case. Avant Photoshop, on faisait ça à la main mais on décalquait ou on reproduisait par transparence le dessin. Ça n’est pas du tout le cas ici, lorsque l’on regarde les cases unes par unes. On ne s’arrête pas sur le dialogue, je ne m’attache qu’à des éléments purement formels, visuels et dessinés de cette planche.
C’est à peu près la même chose tout en étant légèrement différent. Pour la première case, on est à mi-cuisse du personnage, ce qui me fait dire qu’on est sur un plan américain ; on voit le dessus du tabouret, on voit l’espèce de truc informe sur la droite. Sur la deuxième, on aperçoit un horizon derrière Liebling, alors qu’on est un peu plus serré sur elle par rapport à l’image précédente. A la troisième, on voit l’horizon mais plus le siège, on est donc un peu plus près des personnages et enfin pour la quatrième, on est un peu plus loin et plus au-dessus puisqu’on voit le dessus du tabouret.
C’est très intéressant comme manière de procéder — d’abord, il faut une patience folle pour faire ça. Blutch a redessiné, et redessiné vraiment parce qu’il n’a pas recopié les images les unes sur les autres : il les a redessinées. Je pense qu’il travaille directement au pinceau sans crayonné, et étant moi-même dessinatrice, je sais à quel point ça met les nerfs à rude épreuve de faire ça. (...)"

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