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J.-P. Cometti (1944-2016), par P. Engel (enattendantnadeau.fr)

J.-P. Cometti (1944-2016), par P. Engel (enattendantnadeau.fr)

Publié le par Université de Lausanne

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Jean-Pierre Cometti (1944-2016), par Pascal Engel

Jean-Pierre Cometti, qui vient de mourir à l’âge de 71 ans, a eu trois vies au moins : celle de professeur de philosophie, celle de critique d’art et celle d’éditeur. Il les a enrichies mutuellement, avec sa passion calme, sa générosité, son courage, son don de l’amitié et son immense culture.

 

Il n’était pas facile, dans les années 1980, quand on travaillait à la fois sur Robert Musil et la culture autrichienne, le pragmatisme américain, Ludwig Wittgenstein et l’esthétique, d’entrer dans l’université. Jean-Pierre Cometti en avait peu cure en réalité, mais ce n’est qu’après avoir enseigné la philosophie en France, puis au Maroc, aux Pays-Bas et en Allemagne qu’il put rejoindre l’Université de Provence en 1992, où vingt ans durant il mena ses recherches, avant, à sa retraite, d’enseigner à l’école d’art d’Avignon. La perspective qu’adopte Jean-Pierre Cometti en philosophie est celle de la circulation culturelle.

Que ce soit pour Musil, pour Wittgenstein ou pour Dewey, ses auteurs de prédilection, Jean-Pierre Cometti analyse leurs œuvres dans le complexe d’idées dans lesquelles elles ont été produites, sans pour autant faire de la sociologie ou chercher des structures de pensée stables. Ce qui l’intéresse est au contraire le passage des formes les unes aux autres – par exemple chez Musil, de l’essai au roman, ou pour Wittgenstein de la vie au carnet de notes – en prenant au sérieux la notion wittgensteinienne de « forme de vie ». Tout comme l’auteur des Investigations, il ne pense pas que ces formes – esthétiques, philosophiques, mentales – aient un fondement ou qu’on puisse en rendre raison. Il adopte et pratique le pragmatisme de Dewey, qu’il interprète non pas tant comme un vérificationniste et un opérationnaliste, mais comme un penseur de l’expérience, de la démocratie et de la communauté. Cette lecture de Dewey, Cometti la doit essentiellement à Richard Rorty, dont il a introduit et traduit l’œuvre en France, et avec lequel il a entretenu un dialogue constant. […]

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