Essai
Nouvelle parution
J.-L. Dufays, Stéréotype et lecture. Essai sur la réception littéraire

J.-L. Dufays, Stéréotype et lecture. Essai sur la réception littéraire

Publié le par Florian Pennanech (Source : J.-L. Dufays)

Jean-Louis Dufays, Stéréotype et lecture. Essai sur la réception littéraire

2e édition actualisée préfacée par Vincent Jouve

Peter Lang, collection "ThéoCrit'", 2011.

EAN13 : 9789052016740


Présentation de l'éditeur : 


Le rôle fondamental joué dans l'acte de lecture par les divers niveaux de stéréotypie disponibles dans la mémoire collective avait déjà été évoqué maintes fois au cours du XXe siècle, mais l'étude systématique de leur impact dans la compréhension, l'interprétation et l'évaluation des textes littéraires restait à entreprendre. C'est à cette tâche que s'est attelé J.-L. Dufays. Passant en revue les codes de la lecture, les phases de son déroulement et les diverses modalisations dont le sens peut faire l'objet, il montre que tout lecteur se meut dans un jeu de reconnaissance et d'ignorance, de participation et de distanciation à l'égard des stéréotypes du texte, et il suggère que l'exploitation maximale de ces tensions pourrait constituer la forme la plus aboutie de la réception littéraire. La partie majeure de l'étude, qui concerne les modes d'énonciation et les effets de lecture auxquels les stéréotypes se prêtent, montre que c'est toute la logique de l'analyse littéraire et toute l'historicité de la littérature qui se trouvent renouvelées par la prise en compte de cette problématique.

Éclairant dans ses synthèses, pointu dans ses analyses, cet ouvrage ambitieux effectue nombre de mises au point dont nulle théorie de la lecture et de la littérature ne peut faire l'économie. Publié pour la première fois en 1994, il fait l'objet d'ici d'une deuxième édition actualisée.

L'auteur :

Né en 1959, docteur en Philosophie et Lettres, Jean-Louis Dufays est depuis 1996 professeur à l'Université catholique de Louvain, où il enseigne la théorie littéraire et la didactique du français. Directeur du Centre d'étude en didactique des langues et littératures romanes et du Centre de recherche interdisciplinaire sur les pratiques enseignantes et les disciplines scolaires, il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages et de plus de 200 articles.

Ses recherches portent sur la lecture littéraire, sur les stéréotypes, sur les genres de la poésie, du comique et de la chanson, ainsi que sur l'analyse des pratiques enseignantes et leurs effets.

Texte de la préface de Vincent Jouve :

Quand Stéréotype et lecture parut en 1994, la réflexion sur la lecture était déjà bien engagée. L'esthétique de la réception existait en Allemagne depuis les années 1970, Umberto Eco avait publié Lector in fabula et Michel Charles, dont les séminaires faisaient les beaux jours de l'école Normale Supérieure, comptait à son actif deux ouvrages majeurs sur la rhétorique. étudier la lecture était à la mode et les thèses se multipliaient.

C'est que l'époque était favorable. Face à un structuralisme institutionnalisé, qui régnait sur l'université depuis deux décennies, l'envie était grande de « faire éclater » la clôture, de dynamiser les modèles à défaut de les dynamiter. Il fallait donner de l'air et du mouvement au texte, ou encore, comme venait de le dire Michel Picard dans une formule appelée à faire date, du « jeu ». N'était-il pas temps de sortir de la posture passive du grammairien de la littérature s'échinant à retrouver dans tout texte la confirmation de ses catégories et dans ses catégories la matrice de tout texte ? Nous, universitaires, chercheurs ou étudiants, n'étions pas de simples comptables condamnés à dresser de fastidieux inventaires. Nous avions des émotions, un imaginaire, des désirs. C'est avec eux que nous abordions les textes et c'est d'eux que notre lecture prenait chair. « Moi aussi ! » s'écriait le théoricien de la littérature, se rappelant soudain qu'il était un lecteur.

Le déplacement allait de soi. Plutôt que d'enquêter sur la nature du texte, question métaphysique aux réponses incertaines, il semblait plus judicieux (et plus excitant) d'examiner ce qui se tisse et se déplace entre le livre et le sujet qui s'y confronte.

Les travaux partaient dans toutes les directions. De la poétique de l'effet à la sociologie de la réception, de la linguistique du discours à la construction du lecteur-automate, de l'examen du lecteur charnel à l'analyse du lecteur cognitif, la gamme était large et il était difficile de s'y retrouver.

C'est alors que je découvris, presque par hasard, Stéréotype et lecture. D'emblée, et malgré l'apparente restriction du titre, je fus frappé par la vision panoramique de l'ouvrage : Jean-Louis Dufays, dans une écriture à la limpidité magique, réussissait un tour de force que l'on pouvait penser jusque-là impossible : ordonner ce champ aussi foisonnant que chaotique que l'on appelait « la théorie de lecture ». Tout y était, mais classé, défini, et présenté avec une précision sans égale. Mais, loin de s'en tenir à cette clarification nécessaire, qui n'était qu'un premier temps de l'ouvrage, l'auteur poursuivait avec sa propre conception, à la fois originale et inscrite dans un très ancien héritage, d'une lecture pensée à travers les catégories rhétoriques.

En abordant l'acte de lire par le biais des stéréotypes – cet ensemble de motifs et de structures déposés dans la mémoire culturelle –, Jean-Louis Dufays ajoutait au démontage minutieux de la pratique lectorale une réflexion sur les relations entre littérature et identité. Dans un survol étourdissant, nous transportant de l'antiquité à la post-modernité, il apparaissait ainsi que le déjà dit ne fut ni toujours ni partout perçu comme négatif. Bien que l'essai ne rompît jamais avec la neutralité objective du travail universitaire, il en ressortait une idée simple, dont l'évidence s'imposait : aucune lecture ne peut se faire de rien. émaillant l'ouvrage, des analyses littéraires aussi fines qu'éclairantes montraient à ceux qui l'avaient oublié qu'une théorie se juge à ses résultats.

Stéréotype et lecture, dont il faut saluer la réédition aujourd'hui par les éditions Peter Lang, est donc un livre nécessaire au sens fort du terme. Relevant à la fois de la théorie littéraire, de l'histoire des idées et de la philosophie du langage, il nous rappelle que la lecture, acte complexe et aux multiples facettes, engage l'ensemble des sciences humaines. Mais il nous délivre aussi une leçon essentielle : la perception du nouveau suppose la connaissance de l'héritage et un homme sans mémoire est un homme sans avenir.

Vincent Jouve